Joueur modèle

Il n’a que 21 ans mais on a l’impression qu’il est au top depuis des années.

Quatre ans après son éclosion à Liverpool, Owen publie son autobiographie ( Michael Owen in person). L’histoire d’un professionnel modèle qui, cette saison, a déjà gagné la Coupe de la Ligue et reste en lice pour la Cup comme pour l’UEFA.

« Jeune footballeur, je me suis souvent demandé si j’étais Anglais, Ecossais ou Gallois. Je suis né en Angleterre et je me suis toujours senti Anglais mais mon père Terry, qui a notamment joué à Everton, Bradford City et Chester City, est né d’une mère écossaise et a passé là-bas de nombreuses années. Comme tous ceux qui ont du sang écossais dans les veines, il est empreint d’un fort sentiment nationaliste. J’ai grandi à Hawarden, à la frontière du Pays de Galles, jusqu’à l’âge de 19 ans. J’ai fait construire ma propre maison à un kilomètre de là. J’habite donc en Galles mais je n’ai pas hésité, à l’heure de choisir mon équipe nationale: je suis Anglais.

Je viens d’une famille très sportive. Mes frères aînés, Terry et Andrew, raffolent du football et les femmes sont actives aussi. Ma mère Janette a brillé en athlétisme à l’école et nous avons tous hérité de sa vitesse. Ma soeur aînée, Karen, s’est adonnée au cross et au hockey, au niveau régional, et la cadette, Lesley, est une excellente joueuse de netball. J’ai eu une jeunesse formidable. Dès que j’ai commencé à marcher, mon père m’a donné un ballon. Ensuite, j’allais jouer au parc avec mes frères et lui. J’avais déjà le sens du but et la rage de vaincre. J’étais certes petit mais mon père m’a appris à adopter un bon timing ».

A sept ans, Michael s’est affilié à un club : « Mon père m’a emmené à Mold Alexandra, à quelques kilomètres de chez nous, mais on m’a trouvé trop jeune, car le noyau le plus jeune regroupait les -10 ans. Après quelques entraînements, j’ai été repris comme réserve. Je disputais généralement les vingt dernières minutes et je marquais de temps à autre. J’étais déjà l’arme sercète de l’équipe. Un an plus tard, j’ai été repris dans l’équipe de Deeside Primary School. Je marquais en moyenne trois buts par match et j’ai battu le record de Ian Rush, le légendaire avant de Liverpool: à cet âge, il avait marqué 72 buts en une saison, je suis arrivé à 97. Liverpool, Everton, Manchester United, Wrexham et Sheffield Wednesday ont dépêché des scouts mais le règlement de l’école interdisait le transfert des jeunes dans des clubs professionnels.

Une fois à la Hawarden High School, j’ai reçu des offres de United, Everton, Tottenhamn, Arsenal et Chelsea mais j’ai préféré un contrat d’apprenti à Liverpool, pour son ambiance familiale. Pourtant, j’étais supporter d’Everton. Le staff de Steve Heighway m’a réservé un fameux accueil. Des chaussures et un survêtement, ainsi que des cartes pour les matches à domicile ont fait le reste ».

Owen se distinguait aussi en cricket, en rugby, en athlétisme et même en boxe mais le football restait sa passion. A quatorze ans, il a participé à des tests pour obtenir une des seize places de l’école nationale de football de Lilleshall. Avec succès. Il y passa deux ans, sous un régime spartiate : « L’école restait importante car deux d’entre nous à peine deviendraient professionnels, nous serinait-on. J’étais tellement confiant que je me demandais qui serait le second. En fait, notre génération était douée car quatre autres ont fait leur chemin, dont Wes Brown à Manchester United et John Harley, de Chelsea. On raconte que les jeunes passent leur temps à laver les chaussures de leurs aînés mais ce temps est révolu. Dans les grands clubs, ils ont du personnel pour ça. D’ailleurs, au bout de cinq mois, à l’occasion de mes dix-sept ans, j’ai reçu un contrat de trois ans, doté d’une fameuse augmentation: je suis passé de 3.000 à 25.000 francs par semaine, un montant augmenté de 6.500 francs par an, avec une prime de signature de 325.000 francs. C’étaient des sommes dingues pour un garçon de mon âge. Je n’ai pas jeté l’argent par les fenêtres mais je me suis quand même acheté une auto ».

Il a effectué son début le mardi 6 mai 1997, en déplacement à Wimbledon. « Nous étions menés 2-0. Je suis entré en seconde période et j’ai rapidement inscrit mon premier but. Nous avons été battus 2-1 mais cette soirée reste inoubiable: j’étais devenu le plus jeune buteur de Liverpool, à 17 ans et 143 jours. La saison suivante, je suis devenu le meilleur buteur de la Premiership, ex-aequo, avec 18 goals.

J’ai déploré le limogeage de Roy Evans il y a trois ans. C’est lui qui m’avait offert ma chance et je lui en serai toujours reconnaissant. Il me faisait confiance. un jour, il m’a dit: -Tant que Robbie Fowler sera blessé, tu te chargeras des penalties. Gérard Houllier a pris le relais. Il attache beaucoup d’importance à la communication et explique très précisément ce qu’il attend de ses joueurs. La saison dernière, quand j’ai été touché à la cuisse, il m’a envoyé chez les meilleurs spécialistes d’Europe, m’a enjoint d’être patient, afin de ne pas risquer de rechute ».

C’est arrivé par un froid matin de février 1998. Je jouais au golf avec mon père mais mon GSM était branché. Au cas où je recevrais le coup de fil espéré. C’est Doug Livermore, le coach de Liverpool, qui m’a annoncé la nouvelle: j’étais repris pour le match amical contre le Chili, qui allait se jouer à Wembley. Je ne jouais en équipe fanion de mon club que depuis six mois! Je ne suis pas d’un naturel sensible mais là, j’ai été ému. Dans les dix minutes qui ont suivi, mon téléphone a sonné vingt fois, amis et collègues me félicitant. Après, je l’ai débranché, au grand soulagement des autres golfeurs.

Représenter l’Angleterre était un rêve mais je n’attendais pas cet honneur avant deux ans, même si je marquais régulièrement. Quand Glenn Hoddle a annoncé ma sélection, je me suis senti prêt. J’ai toujours saisi ma chance, avec succès. J’avais l’habitude d’affronter des joueurs plus âgés et plus costauds. Si j’étais assez bon, j’étais assez âgé. C’est mon principe depuis toujours ».

A 18 ans et 59 jours, Owen est devenu le plus jeune international anglais du vingtième siècle. S’il marquait régulièrement dans les sélections d’âge, il n’y parvint pas contre le Chili (0-2) mais il obtint de bonnes cotes. Quelques mois plus tard, Owen devint le plus jeune buteur anglais de tous les temps en inscrivant le but de la victoire face au Maroc (0-1). Il assura ainsi sa place dans la sélection de Glenn Hoddle pour la Coupe du Monde 1998. Là, malgré l’insistance de la presse, il dut se contenter du banc.

« Mais j’ai reçu ma chance dès le deuxième match, contre la Roumanie. Nous étions menés 1-0. J’ai marqué trois minutes après mon entrée au jeu. Nous avons perdu 2-1. J’étais heureux d’avoir pu jouer et je sentais que j’en avais assez montré pour être titularisé dans les matches suivants ».

En effet. Avec Owen, l’Angleterre battit la Colombie (2-0) et se qualifia pour les huitièmes de finale contre l’Argentine. La rencontre, chargée historiquement, devint celle des talents en devenir. David Beckham et Michael Owen se souviendront toujours de ce match spectaculaire, à St-Etienne. Beckham écopa d’une carte rouge stupide qui scella l’élimination de son équipe (aux penalties), aux yeux de beaucoup. Owen s’attira les louanges du monde entier, pour avoir inscrit le plus beau but du tournoi, au terme d’un superbe solo pontué d’un tir dans la lucarne.

« Après le match, j’étais déçu, comme tous les autres, mais je revoyais sans cesse ce but. Un ami m’a téléphoné alors que nous étions en route vers l’aéroport: -Tu comprends que ce but va changer ta vie? J’ai répondu: -Oui, je pense avoir réalisé quelque chose de spécial. Les réactions étaient exagérées. On me comparait à Ronaldo, on m’appelait le nouveau Pelé. Quelques mois plus tard, nous avons réalisé un piètre nul blanc conre la Bulgarie, à Wembley, et certains journalistes se sont alors demandés si j’avais ma place dans l’équipe, si j’étais bien le complément idéal d’ Alan Shearer… »

Une fois l’Angleterre péniblement qualifiée pour l’EURO, le duo Shearer-Owen reçut une nouvelle volée de bois vert : « On a même écrit que je n’étais pas assez bon, puisque je ne pouvais pas shooter du gauche. Ces mêmes journalistes me portaient aux nues quelques mois auparavant… »

Harry Hamer, ESM

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