Pour le champion du monde, un seul maillot compte : l’arc-en-ciel. Mais son principal objectif est le championnat national.

On le considère depuis longtemps comme le plus doué des cyclocrossmen et à Monopoli, en Italie, l’hiver dernier, Bart Wellens a effectivement enfilé le maillot de champion du monde. Agé de 25 ans, il ne semble compter qu’un seul rival : Sven Nys.

Vous avez vraiment émergé la saison passée alors qu’on vous attendait avant.

Bart Wellens : La barre était placée trop haut. On m’a d’emblée comparé à Sven Nys, mais il a trois ans de plus. Cette comparaison m’a frustré.

Avez-vous vécu en professionnel durant les deux premières saisons ? Sven a déclaré en octobre 2001 :  » Bart mange le jour des courses ce dont je m’abstiens toute l’année « .

C’est vrai. Je ne discute de mon alimentation avec un médecin que depuis cette saison. Avant, je ne pouvais me passer de frites durant une semaine et le soir qui suivait une course, j’en mangeais aussi pensant que ça ne pouvait faire de mal. Maintenant je parviens à m’en priver pendant un mois. Je me sens un peu mieux, je récupère plus vite. Je raffole des pigeons, aussi, mais c’est permis…

Nys persiste à dire que vous êtes jouette, que vous manquez de sérieux.

Oui et non. Je serai toujours comme ça. J’ai besoin de rigoler, pour contrôler mes nerfs, mais je vis pour mon sport et je m’entraîne dur.

Vous êtes devenu plus régulier. Est-ce une question d’âge ?

Sans doute. On dit qu’il faut accorder du temps à des jeunes comme Davy Commeyne et à Sven Vanthourenhout. Au même âge, j’avais déjà gagné trois ou quatre épreuves du Superprestige avant d’être pro. Du coup, on a placé la barre plus haut. Si je suis plus régulier, c’est surtout parce que j’abats plus de kilomètres en été.

Vous avez bien entamé la saison. Votre préparation a été bonne ?

L’été a été excellent. Je n’ai pas gagné de courses mais j’ai souvent attaqué et roulé en tête. Je ne peux pas dire que j’ai profité du stage de St-Moritz car il était trop éloigné du début de ma saison mais il est agréable de changer d’air, surtout quand l’infrastructure est aussi bonne. Ce stage a aussi soudé l’équipe.

Vous appréciez l’ambiance de Spaar Select mais le cyclocross demeure un sport individuel.

Sans qu’il faille sous-estimer l’importance de l’équipe. Le week-end de la manche de Coupe du Monde à Turin, Peter Van Santvliet s’est imposé au Luxembourg et Wim Jacobs a terminé troisième. Van Santvliet a attaqué d’emblée. Jacobs n’a donc pu y aller à fond.

De Clercq, le bluffeur

Vous n’en avez jamais fait mystère : l’argent constitue une motivation de taille.

Je roule parce que j’aime ça mais c’est mon métier. Je n’ai pas à me plaindre, même si mon salaire est dérisoire par rapport à celui des grands routiers. Après ma carrière, j’espère ne pas être obligé de travailler.

Vous regrettez qu’il y ait moins de parcours lourds. Avant le dernier championnat de Belgique, vous nous aviez dit :  » Qu’ils coulent de l’asphalte. Comme ça, nous pourrons courir en chaussettes blanches « . Une boutade ?

Non. Si j’ai opté pour le cross, c’est parce que c’est dur, qu’on souffre. En plus, un parcours rapide est dangereux : tout le monde veut rouler en tête, on se pousse, on se tire. On veut freiner l’élan du cyclocross belge en introduisant des règlements qui ne reposent sur rien. Le Mondial de Turin était scandaleux.

Vous avez donné l’impression de vous retenir au sprint, non ?

Je ne roulais que pour la deuxième place. Le dernier virage était à peine à cent mètres de l’arrivée et j’avais cinq mètres de retard. Sven est tombé et j’y suis allé mais à ce moment, ma roue arrière a dérapé et j’ai dû m’asseoir.

Vous dites le fond de votre pensée. Ça ne vous cause pas de problèmes ?

Certains pensent comme moi sans oser le dire. Je préfère dire ce que je pense en face plutôt que derrière le dos des gens.

Que pensez-vous de la façon dont Mario De Clercq se retire puis se ravise ?

Un coureur qui a réussi tant de choses aurait mérité de plus beaux adieux. Mario n’aime pas rouler pour un accessit. Il va donc tout faire pour revenir parmi l’élite. Je ne sais pas s’il y parviendra. Je l’ai souvent maudit car il nous a compliqué la vie, à Sven et à moi. Il va me manquer. Contre qui vais-je pester ? Personne, dans la génération actuelle, n’est capable de rouler aussi tactiquement et de bluffer.

Cette saison tourne au duel entre Sven Nys et vous…

On dirait. Ben Berden va nous compliquer la vie dans certaines épreuves mais pour le moment, Sven et moi émergeons nettement.

Les excuses de Sven Nys

N’est-ce pas dommage pour votre sport, surtout que vous êtes tous deux Belges ?

Non. Les Belges dominent le motocross aussi. Michael Schumacher gagne presque tout en F1, idem pour Clijsters et Henin en tennis. Un moment donné, d’autres coureurs vont émerger.

Quelle est la différence entre Sven et vous ?

Sven a une meilleure technique, j’attaque plus.

Vous avez traité Sven de mauvais perdant, en début de saison.

Mais il a admis à quelques reprises que j’étais meilleur. Avant, s’il perdait, c’était parce que ses pneus n’étaient pas assez gonflés ou qu’il n’était pas en jambes. Ne nous disputons pas : nous devons encore courir l’un contre l’autre quelques années.

Vous le provoquez en déclarant :  » Maintenant, je peux enfin dire que je le vaux, voire que je suis meilleur « .

Un seul maillot compte en cyclocross : celui de champion du monde. Sven ne l’a jamais porté. Il a gagné plus de courses que moi mais je le devance grâce au Mondial.

Le championnat de Belgique a lieu à la mi-janvier. Après sept victoires d’affilée, vous ne vous êtes plus imposé depuis vos débuts pros, en 2000.

C’est pour ça que c’est mon objectif. Je voudrais reconduire mon titre mondial mais le fait que le championnat de Belgique ait lieu à Lille, à cinq kilomètres de chez moi, lui confère un piment supplémentaire. Mes supporters ne devront pas se déplacer pour faire la fête.

Roel Van den Broeck

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire