Jouer pour exister

Qu’attendre du prochain adversaire des Diables sur la route du Mondial 2010 ?

« Le football a une fois de plus rapproché les peuples « , s’était félicité Michel Platini, le président de l’UEFA, après Arménie-Turquie (0-2, buts de Tuncay et Sentürk), le 6 septembre dernier à Erevan.  » Un président de la République turque a visité pour la première fois l’Arménie, l’hymne turc a été joué, l’émotion était grande de part et d’autre et mes représentants m’ont dit que le match a été d’une correction exemplaire. Je remercie les deux fédérations et les joueurs : ils ont fourni un exemple extraordinaire de la force de l’esprit sportif et ont lancé un grand message d’espoir dans une région qui en a besoin.  »

L’Arménie ne terminera pas en tête du Groupe 5 mais le football est, pour ce petit pays du Caucase, un moyen important de s’affirmer dans le concert des nations. Indépendante depuis 1992, cette terre de 30.000 km carrés a été victime au fil de sa longue histoire de nombreux malheurs, massacres, génocides, etc. En 1915, l’empire ottoman déporte et exécute plus de 1,5 millions d’Arméniens. Erevan et Istanbul n’ont pas la même lecture de cette tragédie mais le foot permet parfois de renouer le dialogue.

Entre Paris et Erevan

A Paris, tout ce qui touche au football arménien est suivi avec attention par les proches d’un club de CFA 2 : l’AS Ararat Issy-les-Moulineaux.  » Je ne sais pas si la visite du président turc à Erevan arrondira les angles de l’histoire « , avance Franck Toutoundjian, son président.  » On attend des excuses et du regret. Même si c’est déjà quelque chose, un match de football reste un match de football et une visite ne suffit pas pour le transformer en moment historique. Pour moi, un match à Bruxelles est plus important. Cette rencontre entre la Belgique et l’Arménie prouve que le pays de mes aïeux a sa place en Europe. Après 1915, la France a accueilli beaucoup d’immigrés arméniens. Ils se sont d’abord fixés à Marseille, puis à Lyon avant de monter à Paris, plus spécialement à Issy-les-Moulineaux. Notre club a été fondé en 1974. Plus tard, suite à des accords avec Ararat Erevan, nous lui avons décerné le nom d’AS Ararat Issy-les-Moulineaux. A la base, l’intention est de rendre hommage à nos anciens qui nous ont communiqué leurs valeurs. Ils ne sont plus là mais ces gens-là ne peuvent pas être passés par ici sans laisser de traces. C’est une façon d’entretenir le souvenir sans verser dans le communautarisme.  »

 » Tout le monde est le bienvenu au club et il n’y a d’ailleurs qu’un joueur arménien en équipe fanion. Le championnat d’Arménie se termine en novembre et j’espère qu’un ou deux joueurs d’Ararat Erevan nous prêteront main forte lors du deuxième tour de notre championnat. A moyen terme, notre but est de jouer en National et plus tard, même en L2. Cet essor sera fonction de ce qu’Ararat Erevan nous apportera, c’est évident, sans négliger les atouts du club : 16 équipes, une école de foot, 16 entraîneurs et éducateurs diplômés, 420 licenciés, etc. Les Arméniens sont appréciés dans le cadre du football français grâce à des noms comme Michel Der Zakarian, Youri Djorkaeff ou Alain Boghossian qui est un des adjoints de Raymond Domenech en équipe de France. Djorkaeff et Boghossian ont participé à la conquête du titre mondial des Bleus en 1998. Les Arméniens de souche sont nombreux en France : ils sont fiers de leurs origines mais sont de véritables Français.  »

La Belgique peut-elle être inquiétée par l’Arménie ?

Le foot arménien balbutie pour le moment car le pays a d’autres problèmes à régler. Le championnat de D1 compte huit clubs. Bernard Casoni (ex-Lyon) a coaché l’équipe arménienne (2004-2005) qui fut ensuite confiée à Henk Wisman, au regretté IanPorterfield (décédé des suites d’un cancer), à Tom Jones et actuellement à Jan Poulsen, un Danois. Rappel : Eric Assadourian (ex-Lyon) fit les beaux jours de l’équipe nationale d’Arménie en 1998. La Belgique peut-elle être inquiétée par cette formation ? Normalement, cela ne devrait pas être le cas : il n’y a pas de Djorkaeff… Les Diables Rouges ont rencontré et battu quatre fois l’Arménie jusqu’à présent.

 » L’Arménie est cependant capable de se dépasser ponctuellement comme ce fut le cas en 2007 : succès 2-1 contre le Kazakhstan, 1-0 contre la Pologne, 1-1 au Portugal « , conclut Franck Toutoundjian.  » Des progrès évidents ont été accomplis mais on a encore besoin d’un peu de temps. Les supporters arméniens seront aussi des ambassadeurs de leur pays à Bruxelles.

par pierre bilic

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire