Jouer les Africains de la Roue

Ambiance à l’africaine, samedi dernier , au stade des 3 Tilleuls.

Si le lieu n’a plus le lustre d’antan, quand des dizaines de milliers de spectateurs garnissaient ses travées, la tribune principale du stade des 3 Tilleuls est tout de même bien remplie à l’occasion de ce match de solidarité  » FootballagainstTrafficking « . Organisée à l’initiative de la fondation Samilia, parrainée par l’ex-Montois, Aloys Nong, la rencontre a pour but de mettre en lumière la situation de nombreux jeunes joueurs africains en Belgique, victimes de pratiques qui se rapprochent de la traite d’ êtres humains.

D’un côté, une équipe de  » vedettes « , emmenée par Nong et composée d’anciens joueurs (Alex Teklak, Khalilou Fadiga), de journalistes (Vincenzo Ciuro, Mathieu Istace, Stéphane Pauwels), de politiques (Béa Diallo, Pierre Migisha) et même de joueurs encore en activité (Joachim Mununga, Sébastien Siani, Moussa Traoré, Trésor Diowo, Ibrahim Yattara), le tout sous la houlette de Henri Depireux et Frédéric Renotte, fins connaisseurs du foot africain.

De l’autre, une trentaine de jeunes Africains venus du Cameroun, de Côte d’Ivoire, de Guinée, du Congo ou d’ailleurs. Tous ont en commun d’avoir été victimes de leur rêve d’être footballeur pro en Europe. Abusés par des agents véreux ou exploités par des dirigeants peu scrupuleux, ils se retrouvent en situation illégale pour bon nombre d’entre eux.

C’est le cas de Wilfried, jeune Camerounais, débarqué il y a peu sur le territoire. Abandonné par un  » agent  » à qui ses parents avaient cédé toutes leurs économies, il fait tous les jours les trajets entre Liège, où il vit, et le terrain de la Roue à Anderlecht où il s’entraîne avec ses  » frères  » sous les conseils de Séraphin, le coach local.

Celui-ci tente de venir en aide à ces footballeurs livrés à eux-mêmes :  » Nous avons un terrain synthétique à notre disposition mais c’est tout. Il n’y a pas de goals, pas de vestiaires, nulle part où s’abriter quand il pleut.  »

Sur le terrain, malgré la patte gauche de Fadiga ou les efforts de Teklak, qui n’a rien perdu de son sens du placement, l’équipe de la Roue domine les débats, sous le regard de plusieurs ministres bruxellois ou encore de François De Keersmaecker, et mène rapidement au score grâce notamment à un superbe lob inscrit depuis le rond central.

Il faut dire que ses joueurs sont motivés. Tous rêvent d’attirer les regards et de décrocher un contrat professionnel.

Vincent, lui, a goûté au foot pro en D3 hollandaise mais le club ne lui laissait à peine que de quoi vivre. Après avoir passé des tests au Canada et en Espagne, il s’envolera prochainement pour le Vietnam dans l’espoir d’y faire son trou. S’il est en règle administrativement, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’entre eux qui ne peuvent donc pas prétendre signer dans un club sans un retour au pays au préalable, ce que tous, par fierté et par peur de ne pouvoir revenir, excluent.

D’autres, comme Arthur, ont trouvé une autre voie. Parachuté depuis le Cameroun à l’âge de 12 ans, il a connu les centres fermés avant de pouvoir bénéficier d’une formation scolaire. Aujourd’hui informaticien, il a mis le football de côté mais continue à suivre l’équipe de Séraphin et conseille aux jeunes joueurs d’essayer de se former à d’autres métiers, histoire d’avoir plusieurs cordes à leur arc.

Au coup de sifflet final de Jérôme Nzolo, les Africains de la Roue l’emportent et repartent avec la coupe honorifique. La soirée se poursuivra au son de nombreux concerts et tous, des joueurs aux bénévoles, espèrent que cette action aura attiré le regard des autorités et fera bouger les choses.

PAR JULES MONNIER- PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Tous espèrent que cette action aura attiré le regard des autorités et fera bouger les choses.  »

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