Jouer c’est danser

Du Brésil à l’Equateur, de l’Argentine au Costa Rica, 31 joueurs représentent l’Amérique latine en Belgique.

On apprend qu’Anderlecht a jeté son dévolu sur Mattias Suarez, l’avant de 19 ans de Belgrano, un club de D2 argentine. Encore un Argentin…  » Suarez émerge « , explique Jean Fraiponts, une éminence grise dans le monde des scouts.  » S’il est très bon, Anderlecht n’aura aucune chance de l’enrôler : il rejoindra les Boca Juniors ou River Plate. Les meilleurs ne rêvent pas de clubs belges.

Jean Fraiponts est à l’origine des transferts sud-américains du Germinal Beerschot. Depuis qu’il a effectué une visite éclair en Argentine avec le président Jos Verhaegen en mai 2006, cinq Argentins ont débarqué au Kiel.  » Alfredo, un supporter, restaurateur de son état, vit depuis des années en Amérique du Sud. Il nous a renseigné des joueurs. Je pense qu’il est à l’origine du transfert d’ Olgin à l’Antwerp. Nous n’avons pas vu nos cinq joueurs en action. Pour certains, nous nous sommes contentés de dvd… Mais j’ai assisté à deux matches « .

Colman, Losada, Quintores, Figeiroa et Gonzalez sont arrivés, deux sont restés.  » Ce n’est pas facile. Gonzales était trop léger, Quintores a eu des problèmes familiaux. Il avait trente ans et deux grands enfants. Il ne savait qu’en faire ici. On a attendu trop de Figueiro sans lui donner suffisamment de chances. Nous pensions qu’il serait un autre Boussoufa. Au début, Losada n’était pas brillant non plus. Tout a dû aller vite. Jos Verhaegen n’avait plus que neuf joueurs dignes de la D1, Hendrikx et Messoudi étant partis. Nous n’avons pu approfondir le scouting. Ederson est un fantastique joueur box to box mais nous ne l’avions jamais vu à l’£uvre « .

Fraiponts a ensuite passé trois mois à Buenos Aires.  » C’est le centre de gravité du football. Le niveau est très élevé, avec 22 clubs et beaucoup de derbies. Les journaux faisaient quotidiennement état de footballeurs qui allaient être transférés au Real, pour des sommes astronomiques. En revanche, ils consacrent à peine deux lignes aux nobodies qui nous rejoignent. N’en déduisez pas que nous n’obtenons que le dernier choix. Losada et Colman ne sont pas des miettes. La concurrence est rude. Anderlecht est présent depuis longtemps et le dit aussi : les Russes et les autres pays de l’Est commencent à découvrir ce marché. J’ai entendu des prix… Les dirigeants ont adopté les normes des grands clubs européens. On n’a plus rien à moins de cinq millions d’euros. J’ai vu un très bon jeune, qui en était à sa première saison à Argentinos Junior, qui n’est pas un ténor. Je me suis informé. J’ai vite compris.

Tout suivre personnellement coûte cher. Il faut s’appuyer sur les conseils des indigènes. On a renseigné un joueur qui participait à un tournoi de jeunes au Pérou à Luc Devroe, du Club Bruges. Il ne s’est donc jamais rendu sur place. Quand j’étais en Argentine, tout le monde m’a conseillé de suivre ce tournoi péruvien mais cela coûte cher et la concurrence fait rage. C’est trop onéreux, d’autant qu’on ne peut espérer dénicher de bons joueurs payables. Au début, nous pensions qu’ Aimé Anthuenis ou moi pourrions passer régulièrement quelques semaines là-bas. C’est terminé : le rapport qualité/prix n’est plus intéressant. Tous les grands clubs sont présents en Argentine. Il faut se rabattre sur l’Europe de l’Est et l’Afrique « .

Les latinos de Belgique ont-ils la constitution et la mentalité qui leur permettraient d’éclater en Espagne ou en Italie ?  » Frutos a joué en Espagne et a été renvoyé. Il a échoué mais sans lui, Anderlecht n’aurait pas été champion. Selon les normes belges, nos deux Argentins sont un succès : nous développons un beau football et nous sommes parmi les cinq premiers. Cela relève davantage du hasard et des tuyaux que d’autre chose. J’éprouve beaucoup de sympathie pour Losada mais il n’a pas le coffre requis pour affronter semaine après semaine des gaillards comme OguchiOnyewu. Par contre, chez nous, il peut jouer les premiers rôles. Gand a beau dire que le Costa Rica est une source intéressante, je ne pense pas que BryanRuiz ait le niveau requis pour l’Espagne ou l’Italie « .

Une ancre

L’agent de joueurs Paul Courant est moins pessimiste. Il vient de passer trois semaines en Amérique latine :  » Nous sommes aux aguets. Il faut de l’audace. Pour un club belge, il est difficile d’enrôler de grands footballeurs argentins ou brésiliens et ce sera de plus en plus ardu, à moins de mettre en place un système de recrutement précoce, avec les risques que cela comporte. Kakà et LionelMessi ont bien débuté quelque part ? C’est cher ? Petit pays, petite mentalité : que coûte un billet d’avion ? »

Werner De Raeve, scout d’Anderlecht, poursuit :  » Réaliser un bon transfert devient de plus en plus difficile. L’Amérique du Sud compte beaucoup de footballeurs doués mais notre budget ne nous permet pas de briguer les tout bons. Il faut les embaucher très jeunes « . De Raeve va séjourner plusieurs fois par an en Amérique latine, pour saisir les bonnes affaires.  » Il ne faut pas attendre de transfert spectaculaire en un rien de temps. Nous sommes présents, nous étudions le marché. Nous y avons une ancre « .

par raoul de groote

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