» JOUER AVEC L’ESPAGNE ÉTAIT FACILE « 

Il a été international espagnol, a privé le Barça du titre, a remporté une Coupe du Roi et même disputé une finale d’Europa Ligue. Ce profil hors du commun, on le retrouve en Division 2, à Eupen…

Il possède un CV et un vécu à faire pâlir les plus grands joueurs belges encore en activité. Cet été, LuisGarcíaFernández a quitté Saragosse pour embrasser le projet d’Eupen (et d’Aspire) avec un contrat de 2 ans à la clé. Son expérience doit apporter une plus-value indéniable au vestiaire germanophone (qui, pour l’anecdote, l’est de moins en moins). Ce vécu est aussi l’occasion de revenir sur une carrière dense et de parler de l’essence même du football : le jeu. C’est d’ailleurs sur le banc de touche, à quelques centimètres de la pelouse, que le joueur se livre. Parce qu’à 33 ans, c’est encore sur le terrain qu’il se sent le mieux.

 » J’ai signé à Eupen pour différentes raisons. La principale, c’est parce que je connais très bien l’entraîneur (BartoloméMarquezLopez, son ancien T2 à l’Espanyol, ndlr) et sa façon de travailler. La deuxième, c’est le projet du club : entourer et aider les jeunes. Leur apporter mon expérience pour qu’ils deviennent de meilleurs joueurs et qu’ils arrivent à bien interpréter le jeu « .

Dès son arrivée, l’ancien international a suscité l’intérêt du grand public et de ses jeunes coéquipiers…  » Mes coéquipiers m’ont accueilli de manière très respectueuse. Les plus jeunes, ils m’appellent  » expérience  » (rires) ! »

S’il est installé à Eupen  » une ville calme et au carrefour de l’Europe  » où il se sent bien avec sa femme et ses enfants, ce milieu de terrain créatif découvre chaque week-end la réalité de la Division 2 où le KAS est attendu comme le géant à faire tomber.  » J’ai été positivement surpris par le niveau, il y a de bonnes équipes bien organisées et puissantes… La nôtre se démarque par sa qualité technique, son jeu de passes et la maîtrise du ballon.  »

Tiki taka

Selon de nombreux observateurs, l’antichambre de l’élite est un mouroir pour les clubs. En cause, le manque de moyens financiers et l’absence de jeu où défendre est le maître-mot.  » Qu’importe ! Notre philosophie me plaît. Je m’y identifie. Après, c’est vrai qu’en Belgique, c’est difficile. Les équipes jouent regroupées et sur un contre peuvent te faire mal ! Il est plus facile de démolir un mur que de le bâtir…  »

Le football eupenois est latin, ibérique même. Mais son absence de verticalité dans le jeu pourrait lui porter préjudice dans la course aux lauriers. Pour Eupen, ce sera la montée avec tikitaka sinon rien.

 » Je dis toujours qu’il est plus facile de jouer en gagnant bien (sic). Il est possible de remporter un match sans bien jouer mais sur 10 matches ou sur un championnat complet, non !  »

L’entretien devient passionnant, la discussion s’anime lorsque le natif d’Oviedo regarde dans le rétroviseur. Luis García se rappelle de sa période au Real Madrid (il y a été formé pendant 5 ans) où il a appris en côtoyant les Galactiques !

 » J’ai eu la chance de débuter en équipe première en Coupe du Roi. Au Real, j’ai beaucoup évolué comme footballeur et comme homme. Et puis, il y avait tous ces joueurs de classe mondiale : Zidane, Raul, Figo, Ronaldo, Hierro… C’était un immense luxe de pouvoir partager du temps avec les Galactiques. Des moments rares, irremplaçables !  »

Trio des merveilles

A cette époque, le seul Canterano (jeune du centre de formation) à trouver sa place dans l’équipe est IkerCasillas…  » Même si on a le même âge, on s’est côtoyé assez peu chez les jeunes. Il jouait toujours avec les plus âgés tellement il était fort. C’est un gardien unique !  »

A cette période, le contexte madrilène n’est pas vraiment propice à l’éclosion des jeunes.  » Faire carrière au Real ? Ç’aurait été vraiment difficile. Du milieu de terrain à l’attaque, le Real cherche le rendement immédiat. Et un jeune de 18 ou 19 ans ne possède souvent pas la maturité nécessaire.  »

A 22 ans, Luis García quitte, en toute logique, le Real direction Murcie. Il y reçoit du temps de jeu et s’affirme déjà comme un futur leader.  » Je débarquais de la Réserve du Real et, pour mon premier match de Liga, moi, le gamin, je prends mes responsabilités et convertis un penalty. C’était mon premier but chez les pros « .

Malgré ses six buts marqués, Murcie descend en Secunda división mais le  » gamin  » a montré de la personnalité et du talent. Luis García passe à Majorque et enchaîne un an plus tard avec l’Espanyol Barcelone. Son grand amour. Il y reste 6 saisons et devient capitaine. En Catalogne, il forme avec IvandelaPena et RaulTamudo  » le trio des merveilles  » qui marque l’histoire du club.

 » Tout le monde ne parlait que de notre trio mais c’était injuste parce que tous mes partenaires avaient atteint un niveau extraordinaire. On a construit la plus grande équipe de l’Espanyol en 114 ans d’histoire ! »

Deux finales perdues aux tirs au but

Dès sa 1re saison, le numéro 10 remporte la Coupe du Roi. L’année suivante, il réalise sa meilleure campagne et signe un parcours presque parfait en Europa Ligue. Luis García y fait d’ailleurs connaissance avec la Belgique, à moins que ce ne soit l’inverse : en phase de poule, il battra Zulte Waregem grâce à un triplé au stade arc-en-ciel. Au bout de la route, l’Espanyol perdra sur le fil la finale de Glasgow contre Séville (2-2, 1-3 tab).

 » Tu penses d’abord que c’est le moment le plus triste de ta carrière. Et puis, les années passent et tu t’aperçois que c’était un moment unique. Dans toute son histoire, l’Espanyol n’a joué que deux finales et a perdu les deux aux tirs au but ! Le premier tireur, c’était d’ailleurs moi. Je voulais le botter et je l’ai loupé ! Je n’ai aucun problème avec ça parce que j’ai toujours pris mes responsabilités !  »

Offrir ses meilleurs années à un club comme l’Espanyol dans une ville comme Barcelone, c’est aussi faire un choix de carrière différent, audacieux, presque un sacerdoce : vivre dans l’ombre d’un géant.

 » On a battu le Barça plusieurs fois. Au Camp Nou, 1-2 et à domicile 3-1, avec un but de ma part. Scorer dans un derby, c’est magnifique. Je me souviens qu’on leur a fait perdre un championnat. Ils étaient en tête et nous derniers. C’était le Barça de Guardiola ! Des moments qui te rendent fiers.

Il y a des questions auxquelles tu n’aimes pas répondre quand tu es footballeur professionnel. Du genre, quelle équipe supportes-tu ? Moi, après avoir vécu toutes ces émotions, je peux te certifier que je serai toujours un supporter de l’Espanyol.  »

Ce sentiment de fierté, d’appartenance, augmente encore lorsque le joueur évoque son passage en équipe nationale. Durant la campagne qualificative de l’Euro 2008, il participe, même à la naissance de la Grande Roja.

Luis Aragones, ce génie

 » J’ai pris part à toute la campagne pour l’Euro 2008. Malheureusement, j’ai sauté de la liste à la dernière minute de manière assez incompréhensible. D’autant que j’avais été titulaire lors du dernier amical contre l’Italie. Et que je n’avais jamais autant marqué que cette saison- là ! »

Luis García ne remportera pas l’EURO et ne rentrera pas dans l’histoire. Malgré cette désillusion, jamais il n’aura une once de rancune vis-à-vis du sélectionneur, LuisAragónes.  » Je lui serai toujours reconnaissant de m’avoir lancé en sélection. Je ne sais pas pourquoi il ne m’a pas repris pour l’EURO. Je n’ai jamais voulu savoir alors je ne lui ai jamais demandé.  »

 » Luis, c’était un Monsieur. Un génie ! Cette manière de comprendre le foot, de l’interpréter ont rendu cette équipe hors du commun. C’est un niveau qui pourra difficilement être atteint à l’avenir, en Espagne ou ailleurs. C’était un football impossible à contrer. A force de courir derrière le ballon, nos adversaires devenaient fous. Ils ne pouvaient pas maintenir un rythme de pressing élevé suffisamment longtemps.

Quand tu arrivais pour presser un joueur espagnol, il n’avait déjà plus le ballon. Contrer ce type de football demande tellement d’énergie et de concentration que lorsque tu récupères le ballon, tu n’as plus la lucidité pour pouvoir attaquer. C’était la clé de cette équipe. Quand on perdait la balle, tous les joueurs exerçaient le pressing. On ne te donnait pas le temps de respirer, ni de lever la tête pour voir où étaient tes coéquipiers.

C’était vraiment quelque chose de différent. De ce que je sais du football, c’était l’équipe la plus forte de tous les temps ! Une équipe impossible à battre parce que tu ne pouvais pas la priver du ballon… Et sans le ballon, ton adversaire ne peut pas te mettre de but.  »

Quand il parle du jeu de la Roja, Eupen et la Division 2 semblent à des années-lumière, tant le témoignage est fort, pertinent et lyrique. Aussi fou que cela puisse paraître, jouer dans cette équipe était facile.  » Très facile, parce que tu avais toujours des alternatives. Deux ou 3 possibilités quand tu avais le ballon. Il y avait une contagion, une propagation de ce football sur nous ! Quand tu joues avec les meilleurs, tu te mets à leur niveau.  »

Chez les Tigres de Monterrey

Après avoir refusé plusieurs offres alléchantes, Luis García quittera Barcelone par la grande porte lors du dernier jour du mercato d’été. C’est la fin d’un cycle. Le 31 août 2011, il signe à Saragosse pour 3 ans. Mais dès sa deuxième saison, il reçoit une offre faramineuse du championnat mexicain. Direction, les Tigres de Monterrey.

 » Le Mexique, j’y suis allé pour vivre une expérience nouvelle, différente. Les Tigres, c’est un club mythique avec un public fabuleux. A chaque match notre stade de 44.000 places était plein. En déplacement, on jouait souvent dans des villes distantes de 12 ou 14 heures de bus dans des stades de 27.000 places… Eh bien, il y avait 26.000 fans des Tigres ! Je m’y suis bien amusé.  »

Après le Mexique, il ira au bout de son contrat avec Saragosse en Segunda division avant de signer pour 2 ans au Kehrweg. S’il doit être le joueur le mieux payé de Proximus League, voire dans le peloton de tête des émoluments de Pro League, il fallait tout de même oser se retremper au jeu dans l’anonymat de la D2 belge.

 » Je profite de chaque instant. L’essentiel, c’est ton envie, ta faim de jouer. L’important, c’est d’avoir ce noeud dans l’estomac au moment de monter sur le terrain. Quand tu as ce truc, cette envie de t’amuser qu’il y ait 200 personnes ou 50.000 dans le stade, ça ne change rien. Moi, je vis le foot de manière intense, presque obsessionnelle. Le jour où je n’aurai plus ce truc dans l’estomac ce sera le moment d’arrêter…  »

Luis García se sent bien chez les Pandas mais il sait aussi que la réussite de sa saison passera par la montée en Pro League. Avant qui sait, de devenir le 1er international espagnol à jouer en Division 1 belge.

 » La logique voudrait qu’Eupen soit mon dernier club. J’ai 33 ans et 2 ans de contrat. Faudra voir comment je me sentirai à la fin de ce bail. Mais si tu me demandes de prolonger maintenant, je le fais parce que je suis heureux ici.  »

PAR PASCAL SCIMÉ (SUR LA RTBF ET DANS COMPLÈTEMENT FOOT SUR VIVACITÉ)- PHOTOS: BELGAIMAGE/JANSENS

 » Au Real Madrid, j’ai beaucoup évolué comme footballeur et comme homme. Et puis, il y avait tous ces joueurs de classe mondiale : Zidane, Raul, Figo, Ronaldo, Hierro…  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire