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JOUE-LA COMME HOMER

En pleine bourre avec West Ham, Michail Antonio marche sur les traces de Jamie Vardy avec un parcours constitué de foot amateur, d’une célébration folle et de têtes…

Le bureau de Montgomery Burns est bien trop spacieux pour trois personnes. Avec sa bonne vingtaine de grosses chaises de bureau bleues et son papier peint mauve, cette obscure salle de réunion a de quoi impressionner Homer Simpson. Promu président du syndicat de sa centrale quelques jours plus tôt, il est là pour négocier la récupération de la mutuelle dentaire. Finalement heureux de l’issue des débats, Homer effectue une danse absolument improbable : couché au sol, il marche en rond en lançant des cris presque animaliers. Alors que sa popularité aurait dû rester dans le cercle des fans du dessin animé, cette scène a conquis un public plus large encore près de 23 ans plus tard, un jour de match entre West Ham et Sunderland. Unique buteur de la rencontre, Michail Antonio va ainsi rendre hommage à Homer Simpson en reproduisant au geste près cette célébration de joie, faisant du même coup le buzz sur le Net… sans que l’on sache s’il a osé faire le même cri.

LE NOUVEAU VARDY

Il y a un an, toute l’Angleterre a été scotchée devant le fantastique parcours de Jamie Vardy, passé du monde amateur au top de la Premier League en cinq petites saisons. Cette année, le pays du thé se passionne pour un autre gaillard apparu sur la pointe des pieds en Premier League : Michail Antonio. Inconnu au bataillon à l’aube de la saison 2015-2016, cet ailier droit a pourtant été transféré contre environ 10 millions d’euros à West Ham. Antonio venait alors de ponctuer quelques jolis mois prolifiques à Nottingham Forest et semblait du coup loin de ses premières années de galère…

Élevé dans le sud de Londres, Michail a vécu avec sept frères et soeurs de pères… et mères différents. Fan de tennis de table, il se dirige finalement vers le football et s’inscrit au club de Tooting & Mitcham United, à trois arrêts de métro de chez lui. Rapide et déroutant, il est repéré à 14 ans par Tottenham qui se voit bien l’embarquer dans son centre de formation… ce que sa mère refuse, les trajets étant trop longs. Antonio ne sera plus jamais appelé à rejoindre un centre de formation, probablement handicapé par sa petite taille.

MI-FOOTEUX, MI-SAUVETEUR

Délaissé par le monde professionnel, Antonio poursuit son écolage à Tooting & Mitcham United où il finit par intégrer à 17 ans l’équipe première en Isthmian League Division One South (D7 anglaise). À l’époque, il combine sa passion avec un job de sauveteur à la piscine locale, un boulot qu’il qualifie de tout sauf d’attrayant :  » Je ne peux pas dire que c’est excitant de voir quelqu’un d’à moitié mort.  »

Sur les terrains, absolument pas intimidé, Michail dégomme la division avec un total de 37 buts en 51 matchs et, encore plus important, il prend dix ans d’expérience en quelques mois seulement.  » Évoluer en non-league m’a appris à jouer contre des hommes « , témoignera-t-il par la suite dans le magazine FourFourTwo.

Je ne suis pas le genre de joueur qui a été affiné par le système, qui a répété les passes, les centres, qui est propre sur lui et qui doit tout faire parfaitement tout le temps. Mon jeu est plus décousu, plus brutal et je le sais. C’est aussi ce qui fait ma force.  »

Sa réussite dans le club de son coin finit par convaincre les recruteurs de Reading qui lui font faire un saut de cinq divisions en 2008, l’année de ses 18 ans.

ADAPTATION DIFFICILE

Sur place, l’entraîneur Steve Coppell est tout d’abord charmé par cet Antonio qui possède  » une certaine fraîcheur dans son attitude, son approche et ses manières sur le terrain.  » Problème : le jeune homme ne parvient pas à digérer l’écart de divisions et ses rares apparitions avec les Royals sont des flops caractérisés par un marquage laxiste et une efficacité presque nulle.

Michail est donc envoyé en prêt à droite à gauche : Cheltenham Town, Colchester United, Sheffield Wednesday et surtout Southampton, alors pensionnaire de League One. C’est là qu’il va pouvoir s’épanouir une première fois, participant à une trentaine de rencontres et inscrivant même un but victorieux en finale du Football League Trophy – qui regroupe 64 équipes notamment issues de League One et de League Two – le jour de son anniversaire.

Finalement pas conservé chez les Saints, il devra attendre de quitter Reading pour Sheffield Wednesday avant de se révéler… en Championship. Pendant deux saisons, Antonio est intouchable sur son flanc où il se montre enfin efficace avec 12 buts et 17 assists. Après une année de transition réussie à Nottingham Forest, le Londonien se ramène dans la capitale en 2015 pour découvrir la Premier League avec West Ham.

UNE TÊTE EN OR

Vu qu’il figure parmi les transferts les plus onéreux des Hammers, Antonio ne tarde évidemment pas à se faire critiquer… En novembre 2015, son vice-président David Gold est même surpris en train de retweeter une alerte disparition à propos de Michail. À ce moment-là, il n’a disputé que trente petites minutes sous la vareuse de West Ham.

L’ailier droit continue néanmoins de bosser et finit par convaincre son coach Slaven Bilic de l’aligner à nouveau début décembre. Bingo ! En cinq mois, Antonio plante neuf buts, délivre cinq assists et devient un titulaire incontestable. En juillet dernier, les dirigeants de West Ham flairent le bon coup et prolongent leur poulain jusqu’en 2020… ce que ce dernier célèbre de la pire des manières en provoquant un penalty dès la première journée alors qu’il joue arrière droit.

Mais le match suivant, au lieu d’être envoyé sur le banc, il retrouve sa place d’ailier et inscrit le tout premier but de West Ham au London Stadium. D’autres suivront en championnat, tous inscrits avec sa tête – au total, il a marqué 60 % de ses buts avec les Hammers grâce à son excellent jeu aérien.

MONOPOLY ET CHARITÉ

Evidemment, ses prestations finissent par attirer l’oeil du sélectionneur national et, quelques mois après avoir refusé la Jamaïque, Michail se retrouve dans le groupe anglais lors des trois matchs de qualif pour la Coupe du Monde de septembre et octobre derniers. Le jour de sa sélection, l’ailier croit d’abord à une blague puis, submergé par l’émotion, il finit par tomber dans les bras du cuisinier de son club.

Désormais presque star d’Angleterre, Antonio n’en oublie pas, pour autant, ceux qui étaient là dès le début – il va d’ailleurs régulièrement faire des Monopoly avec ses potes d’enfance – et reste très humain : début octobre, alors qu’il a oublié d’envoyer un maillot dédicacé pour une oeuvre de charité, il a ainsi quitté Londres après un match pour rouler 220 kilomètres afin de l’amener en mains propres.

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTO BELGAIMAGE

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