José a osé ne pas oser, il a gagné

Joueur : 6 clubs, 3 pays, 400 matches (1 bon), 2 buts en Coupe d’Europe. Batteur : 3 groupes, 130 concerts (1 sold out).

J osé Mourinho je t’adore ! Tu provoques en moi des pulsions irrésistibles d’élévation. Qui plus est, par la réflexion. Quand je regarde ton équipe jouer, j’ai envie de prendre un bon livre. Et là ce soir de Clasico (le premier des quatre), je songe, grâce à toi, à Louis Ferdinand Céline. Ecrivain brillant, homme terne aux tendances nauséabondes. Le titre de son chef-d’£uvre Voyage au bout de la nuit me rappelle l’Inter qui gagne la Ligue des champions, au Real que j’avais sous les yeux il y a quelques secondes. Je pense Voyage au bout de l’ennui. Excessif ? A peine mais probablement à l’image des fulgurances qui ne font que passer dans ma réflexion.

L’Inter qui sort le Barça et devient champion d’Europe, c’était un peu lourd. Pas bandant pour un sou. Nous qui aimons relativiser la théorie, on n’a pas envie de devenir des Einstein pour comprendre et apprécier un match de foot. Celle du big-bang peut, par contre, être de mise. Jamais de mémoire, fulgurante fût elle, une épopée footballistique n’a vu converger vers elle toutes les improbabilités positives possibles. Additionnées aux probabilités rendues brillantes par toi, je voulais dire  » Dieu  » pardon. Cela donne un triomphe.

Comme en ce mois d’avril. Celui où Mourinho ne se découvre plus jamais d’un fil et où Guardiola et les siens le perdent. La comparaison est de mise avec 2010. Le Barça semble à bout de souffle. José, lui, n’est jamais à court d’idées. Un jour, il tente de cacher la tristesse du jeu du Real en brandissant, quelques minutes après un match, une liste de 13 erreurs commises par l’arbitre. L’autre, il pleurniche en demandant pourquoi il ne peut jamais finir un match contre le Barça à 11 contre 11.

Faut assumer hein ! Dès que tu joues contre plus fort, tu bases ton jeu sur le combat, l’impact physique, l’intimidation. Tu as été champion d’Europe avec la bienveillance de certains fonctionnaires siffleurs, qui savent toujours dans quel sens roule le train de la promotion. Alors de grâce, toi qui peut tout te permettre, ne te permets pas trop. Tu dénonces mais on sait tous que tu simules. Par contre, dans ton vestiaire, tu stimules. Ton regard, ta parole défient toutes les théories (quelles soient de la relativité ou de tes confrères entraîneurs). Tu es un homme de coups et de coupes. Ton exigence ne peut s’appliquer que sur une période bien définie.

Pas étonnant que tu aies 14 trophées à ton palmarès et 6 titres de champion. A chaque fois des titres qui s’enchaînent. Avec Porto, Chelsea et l’Inter, deux titres d’affilée et puis lessivés les joueurs mais rassasié l’entraîneur. Et c’est là qu’on se dit que tu peux le faire. Que tu peux ajouter à cette Coupe du Roi déjà chapardée, ton véritable objectif : la grande bien roulée avec les grandes oreilles.

Ton discours on l’imagine :  » Les mecs, en trois matches de Coupe on rentre dans l’histoire. Les danseuses catalanes, on leur met le tutu sur la tête et on se barre avec la belle. Ne pensez même pas à la grande finale. « 

Et là tes stars au talent, qui pèse en moyenne sept millions d’euros par an, ont les yeux qui pétillent, le c£ur qui palpite, l’ambition qui se résume à gagner. Et là, nous, on commence à douter de nos certitudes : que la meilleure tactique ne peut rien contre le talent, que le foot n’est merveilleux que quand le vainqueur est le spectateur pour qui il est la 8e merveille du monde, qu’il redevient ce formidable jeu capable d’éviter des guerres, de réconcilier les peuples et d’émerveiller les enfants.

Et là on se rappelle un précédent Fred on Tour dans lequel on se posait la question : La Maison blanche acceptera-t-elle de gagner sans faire rêver ? Eh bien oui ! Mercredi dernier, tout Madrid était dans la rue. Ivre de joie. Tu es un roi, José. Tu as osé et tu as encore gagné. Je t’ai serré une fois la main, j’ai vu dans ton regard et la franchise de ta poigne, l’homme que tu étais. Ce serait magnifique maintenant que l’entraîneur que tu es devenu ressemble à l’homme brillant et audacieux que tu as toujours été. n

PAR FREDERIC WASEIGE JOURNALISTE BE/TV

 » Le football créatif est de gauche tandis que le football de force pure, tricheur et brutal est de droite. « 

(Jorge Valdano, directeur sportif du… Real Madrid.) La Maison blanche acceptera-t-elle de gagner sans faire rêver ? Eh bien oui !

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