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Jonathan Bourdon

Seul Wallon avec Toni Brogno et Benoît Thans à s’être inscrit dans la durée dans le 11 de base de Westerlo, Jonathan Bourdon espérait alors perdurer dans le monde du foot professionnel. Prématurément retraité, son quotidien est désormais rythmé par des enfants et des vans.

La VHS a été ressortie des cartons il y a quelques jours. C’est donc sur un vieux magnétoscope que les Bourdon se sont plongés 16 ans en arrière pour revivre le moment de gloire de Jonathan en D1. Il remonte à février 2001, alors qu’il vient d’encaisser deux buts de Jan Koller et Tomasz Radzinski pour voir Anderlecht recoller au score au Kuipje de Westerlo. Il reste quelques instants à jouer et le Sporting se voit octroyer un penalty que… BertrandCrasson décide de botter.

 » Sur le coup, il y a du feeling, un peu de chance, mais pas de prépa : je n’avais aucune idée de sa manière de tirer « , se souvient Jonathan, qui détourne l’envoi de l’international, devenant le héros de la soirée, à tout juste 19 ans. Il entame alors une période faste : celle d’un gamin qui reçoit les louanges de son idole, Michel Preud’homme, qui défend les cages de l’équipe nationale espoir et évolue dans un environnement parfait pour son développement.

COUPE, DEELKENS ET FAUSSES ACCUSATIONS

Le changement de millénaire correspond assurément à la période la plus excitante de l’histoire de Westerlo : top 6 quasi constant, Toni Brogno meilleur buteur, branlées contre Anderlecht et évidemment la victoire en Coupe de Belgique contre Lommel en 2001.  » Même si j’étais sur le banc ce jour-là, quel souvenir de voir le Heysel comme ça ! Quand on est revenu en car, tout Westerlo était en folie ! Je me souviens d’ailleurs que je devais partir le lendemain avec les espoirs, donc c’était un peu difficile de gérer, j’ai dû enchaîner bière-eau-bière-eau…  »

Malheureusement, par la suite, Jonathan perd assez vite le crédit acquis suite au penalty de Crasson et se retrouve souvent dans l’ombre d’un monument campinois : BartDeelkens, 150 joutes pour les sociétaires du Kuipje. Mais le véritable choc tombe au moment de l’affaire des matches truqués. L’émission sportive flamande Panorama cite alors son nom en affirmant qu’une de ses erreurs est liée à ces paris…

 » Elle était totalement involontaire « , se défend le gardien.  » Je n’ai jamais été poursuivi par la justice mais cette histoire m’a coupé l’herbe sous le pied. Subitement, je suis passé de gardien titulaire à n°3 sans explication. Mon agent de l’époque était perdu : les clubs ne lui disaient pas clairement que c’était à cause de ça, mais ils ne me voulaient pas. Pourtant, en toute modestie, j’explosais vraiment à cet âge-là, surtout que j’étais international espoir.  »

Bourdon a beau prendre un avocat pour attaquer les médias, il se rend compte après deux ans que ça ne servira à rien : les clubs belges ne veulent plus être assimilés à son nom. Le Marchiennois baisse les bras, se retrouve en D3 à Couillet et en profite pour passer les tests à l’armée.  » Par hasard, deux ans plus tard, un agent m’a proposé de passer du jour au lendemain à Roulers, en D1. Un rêve ! Malheureusement, malgré toute ma volonté, je me suis retrouvé derrière un nouveau monument : Jurgen Sierens.  »

ÉDUCATEUR DANS UN CENTRE DE RÉINSERTION

Bourdon ne s’éternise pas à Roulers et à l’été 2010, il prend la direction de l’ambitieuse équipe de l’Olympic de Charleroi (D3)… où la situation extra-sportive va rapidement donner un autre élan à sa vie professionnelle.  » Après deux mois, on n’a plus été payés. C’est là que j’ai décidé de trouver un boulot stable, je ne voulais plus compter uniquement sur le foot. À ce moment-là, si je n’avais pas eu mes parents, j’aurais dû vendre ma maison.  »

Tout en optant pour le FC Charleroi, Jonathan enchaîne notamment les boulots : magasinier dans un garage, serveur dans une brasserie. Et puis le flash lui vient : lui qui aime tant donner et aider va se lancer dans des études d’éducateur.

 » Une fois diplômé, ma cousine, qui travaillait dans un centre de réinsertion pour jeunes, m’a invité à y soumettre ma candidature. C’était il y a trois ans et tout s’est enclenché assez facilement. Ces jeunes sont pour la majorité placés par les juges ou ont des troubles du comportement. Leur point commun ? Ils n’ont ni structure ni repère familial.  »

C’est donc à Marchienne-au-Pont, sa ville d’origine, que Jonathan prend tous les jours en charge une dizaine d’enfants de 10-12 ans pour faire des activités ludiques (balades, constructions de cabanes…) et bien entendu sportives.

 » On essaie de varier les plaisirs et de répondre à leurs demandes parce qu’ils sont vraiment curieux, pleins de vie et d’énergie. Notre plaisir, c’est de voir qu’en fin de journée, ils s’endorment en moins de deux parce qu’ils sont crevés après tout ce qu’ils ont fait. Maintenant, il y a aussi des jours où rien ne tourne, hein !  »

GRUNGE, BABA COOL, ANCÊTRES

Sa reconversion professionnelle assurée, Jonathan a également pu se pencher sur une autre de ses passions : les vans.  » J’ai toujours aimé leur style baba cool. J’ai appris à les retaper moi-même avec un pote qui s’occupe de souder et de peindre. Mais je ne suis pas non plus du genre bling-bling à m’amuser à les frotter tous les jours.  » Dans sa collection, Jonathan Bourdon possède une ancienne ambulance belge de 1962, une Coccinelle et un « 180 »…

Tant que Jonathan jouera encore au foot – il vient de signer à Binche en D3A – faire des sorties restera compliqué, mais le but ultime du Carolo est de partir un mois avec le combi pour visiter, changer de lieu tous les jours et pouvoir dormir dans son van… Evidemment, l’esprit baba cool ne sera pas mis de côté…

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTO PG

 » Je n’ai jamais été poursuivi par la justice mais l’histoire des paris truqués m’a coupé l’herbe sous le pied.  » – Jonathan Bourdon

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