Joker interdit

L’étoile rouche ne cache jamais ses cartes sur un terrain mais dribblera-t-il notre interrogatoire très serré ?

« En Garde !  » Jovanovic est sans aucun doute un des grands escrimeurs de D1. Ses assauts ont beaucoup aidé le Standard sur la route du titre. Attaque, parade, riposte : il s’est souvent exprimé avec bonheur sur les pelouses révélant au passage un caractère explosif et une personnalité intéressante. Victime d’une pubalgie, cet artiste a stoïquement reporté durant des mois une intervention chirurgicale inévitable afin de rester au service de son club lancé vers un nouveau destin. Tous les arrières adverses redoutent son explosivité et la vitesse avec laquelle il peut porter l’estocade.  » Prêt à répondre à nos questions ? Allez… « 

Michel Preud’homme ou Javier Clemente ?

Milan Jovanovic : Boum ! Vous y allez directement très fort car ce sont des entraîneurs différents qui ont joué un grand rôle dans ma carrière. S’il y a beaucoup de dilemmes comme celui-là, l’interview ne va pas durer longtemps… Ce sont des coaches de très haut niveau, le top. J’opte, de toute justesse, pour l’entraîneur du Standard car je le côtoie au quotidien et cela m’a permis de mesurer toute la profondeur de son travail. C’est un grand professionnel, proche de ses hommes. Ce compétiteur a su partager son projet avec tout le groupe. Un titre après une attente de 25 ans, c’est énorme, historique. Mais j’adore aussi Javier Clemente, l’ancien coach national de la Serbie. Cet homme a été une bénédiction pour le football de mon pays car il n’y avait qu’une chose qui comptait pour lui : le talent, son seul critère de sélection. C’est un latin qui vit le sport avec toutes ses émotions. Il m’a vu à l’£uvre au Standard et m’a repris parmi les internationaux sans tenir compte du prestige d’autres candidats. C’était tellement important pour moi que j’ai songé à tatouer son visage sur mon bras pour qu’il reste avec moi jusqu’à la fin de mes jours…

Marouane Fellaini ou Lucas Biglia ?

Deux très bons joueurs mais Fellaini, bien sûr. Marouane, c’est une équipe à lui tout seul : il défend, attaque, marque, résiste dans les coups durs. Un phénomène qui, de tous les joueurs du Standard, vivra la plus grande et la plus belle carrière. Il a tout pour atteindre l’Himalaya du football européen. Biglia me plaît aussi en tant que joueur très doué techniquement mais il est bien moins concret.

 » Mbokani est bien plus complet que Sterchele « 

Dribbler ou marquer ?

Réaliser un but, c’est un moment important qui procure des frissons, une explosion de joie. Mais, moi, dans le fond, je préfère dribbler car on se lance dans l’imprévu pour son adversaire et pour soi. Les dribbleurs sont les derniers explorateurs dans un football de plus en plus direct. Dribbler, c’est prendre des risques pour créer : les spectateurs aiment bien cela.

Bryan Ruiz ou Milan Rapaic ?

Milan est un gentleman que je n’oublierai jamais. Dans un grand jour, il était plus fort et plus complet que Bryan Ruiz. Mais je ne suis pas aveugle : le Gantois possède du talent à revendre. Avec Dieumerci Mbokani et Mbark Boussoufa, le gaucher des Buffalos fait partie du trio des attaquants surdoués de la D1, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.

Pékin ou Tibet ?

Je réponds valeurs et respect de l’olympisme. Je suis opposé à toute forme de tentative de séparation d’un pays. Je dis Pékin, point final.

Andres Espinoza ou Olivier Renard ?

Oups ! Espinoza car, au cours de ces dernières semaines, il a bien résisté à la pression et récolté des points importants. Je songe, entre autres, à ses interventions de haut niveau face à Mouscron. Ce jour-là, il a probablement sauvé le titre. Si Espinoza continue sur cette lancée, il vivra une carrière intéressante. Mais je n’oublie pas Olivier Renard qui est un des meilleurs gardiens de but de D1. Son premier tour a été excellent et important pour nous. Ce titre est aussi le sien. Il a commis une erreur à un moment. Cela arrive à tout le monde et je souhaite qu’il vive beaucoup de bons moments à Malines et dans sa carrière.

Dieumerci Mbokani ou François Sterchele ?

Mbokani avec une large avance. Notre Dieumerci est un formidable footballeur. Non content d’être très fort individuellement, le Congolais adore décrocher, être un point d’appui pour les autres. Il sent le jeu et j’adore combiner avec lui. Mbokani est bien plus complet que Sterchele mais ce constat n’enlève rien aux mérites du Brugeois. D’autre part, le Standard peut compter aussi sur Igor de Camargo : à trois, cela a offert au Standard une diversité offensive très intéressante.

Liège ou Moscou ?

J’ai commis deux erreurs en tentant ma chance en Ukraine et en Russie. A Donetsk et à Moscou, je n’étais qu’un numéro, un investissement, rien de plus. Cette inhumanité a pesé à la longue. J’y ai bien gagné ma vie, ce n’est pas rien, mais je rêvais d’autre chose que j’ai trouvé à Liège. Je me suis épanoui dans une ville à dimension humaine qui n’a rien de commun avec Moscou. Ici, le contact avec les supporters se fait amicalement dans les rues. Cela me touche que le foot soit si incroyablement important pour les Liégeois : ils ne le cachent pas. Puis, il y a Sclessin. J’ai eu la chance de jouer dans de grands stades, dont le Maracana de l’Etoile Rouge Belgrade, mais je préfère Sclessin : les tifos et l’ambiance, c’est fort…

Sergio Conceiçao ou Sinisa Mihajlovic ?

Il faut connaître le parcours de Sinisa. Mihajlovic a un palmarès aussi long que le Danube. C’est impressionnant. Chez nous, c’est un monument, une référence. Cela dit, sur un plan purement technique, Conceiçao est plus fort que lui. Ce sont deux leaders, deux battants, deux caractères, deux grands joueurs. Alors disons… Mihajlovic mais d’une courte tête.

 » Manu Ferrera est devenu un ami pour la vie « 

La Meuse ou Dostoïevski ?

La presse régionale est très importante, ici et ailleurs, car elle reflète un mode de vie, un dynamisme, etc. Mais comme mon français est très hésitant, ma découverte est limitée. Et, de toute façon, je préfère la littérature. J’adore les grands romanciers russes, dont Dostoïevski. Sans me vanter, je me débrouille pas mal du tout en russe. Mon séjour à Moscou aura quand même servi à quelque chose.

Manu Ferrera ou Michel Renquin ?

Je n’ai pas connu Michel Renquin, le T2 de Johan Boskamp, assez longtemps. Il m’a laissé le souvenir d’un homme affable. La relation avec Manu Ferrera est très forte. En ce qui concerne le football, le courant est passé tout de suite. C’est un homme du Sud, donc très chaleureux, qui apprécie mon style de jeu. Je lui dois beaucoup car il m’a compris, soutenu et encouragé. Manu est devenu un ami pour la vie.

Porto ou Marseille ?

Là, je ne tombe pas dans le piège : je ne sais pas où j’irai la saison prochaine. Porto et Marseille sont deux grands clubs. Schalke 04 aussi. Et je sais que d’autres clubs s’intéressent à moi. Porto détient en tout cas un fameux palmarès, que ce soit dans son pays ou en Ligue des Champions…

Vlade Divac ou Aleksandar Zecevic ?

J’ai fait la connaissance du basketteur Zecevic récemment et je l’ai même suivi lors d’un match à Verviers-Pepinster. Mais Divac, c’est un extra-terrestre, un champion du monde, un ancien crack de la NBA. Mon pays n’est pas très grand. Mais les sportifs de valeur y sont nombreux. Le tennis déclenche la passion avec Novak Djokovic, Ana Ivanovic, Jelena Jankovic, etc.

Oguchi Onyewu ou Mohamed Sarr ?

Là pour une fois : joker ! Je ne peux pas les séparer, c’est un couple au centre de la défense du Standard, la meilleure de D1. Ils y sont pour beaucoup mais je n’oublie pas Marcos et Dante. Oguchi est dominant, surtout dans les airs et Momo garde bien la clef sur la porte, joue juste et sobrement.

Sharon Stone ou Nicole Kidman ?

Sharon Stone.

Jelle Van Damme ou Dante ?

Dante réalise un championnat exceptionnel : toute la D1 s’en rend compte. Il est éclatant de classe et de facilité. Dante se situe parmi ce qui se fait de mieux en Belgique, c’est certain. Je le trouve aussi bon à l’arrière gauche qu’au centre de la défense. Cela dit, Van Damme est un excellent arrière qui arrive à maturité et va vivre les plus belles saisons de sa carrière.

4-4-2 ou 4-3-3 ?

Moi, je me sens plus à l’aise dans un 4-4-2. En pointe et près d’un pivot, je suis plus près de la zone de vérité. Si j’enchaîne bien mes dribbles, les espaces se dégagent plus vite qu’en partant d’une position assez décrochée à gauche. Mon explosivité est plus rentable en 4-4-2. Avec le temps, je n’exclus pas de reculer sur le terrain. Je tiens ma pointe de vitesse de mon père qui était un bon sprinter. A la longue, cet atout s’émoussera et il faudra que je recule. Même si je suis un attaquant de rupture et d’espaces, j’aime bien participer à l’élaboration du jeu. Marquer un but est important. Il ne faut pas avoir peur de prendre ses responsabilités. Mais je préfère être meilleur attaquant que meilleur buteur de mon équipe.

 » Anderlecht est plus une institution que le Club Bruges « 

Axel Witsel ou Mbark Boussoufa ?

Ils sont différents. Boussoufa a déjà du vécu et est dans la phase turbo de sa carrière. L’Anderlechtois est un des phares de la D1. Axel le deviendra aussi, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Sa marge de progression est vaste.

Jacky Mathijssen ou Trond Sollied ?

Ce sont des entraîneurs qui ont des spécificités bien propres. Je n’oublie pas que le Club Bruges a signé un bon premier tour. Sollied se distingue par son système de jeu. Gand joue bien en 4-3-3, c’est très offensif. Je préfère le Norvégien qui me semble plus universel : il unit facilement de nombreux joueurs venus de tous les horizons.

Emir Kusturica ou Danny Boon ?

Je ne connais pas Danny Boon mais on pourrait me citer n’importe qui, Kusturica est hors concours. C’est un géant du cinéma mondial. J’adore ce qu’il fait : il n’y a rien d’autre à ajouter.

Ahmed Hassan ou Steven Defour ?

Difficile, très difficile. Defour pour sa jeunesse et sa grinta, Hassan pour son palmarès et son métier. L’Anderlechtois a gagné trois CAN, c’est exceptionnel. Defour est au début d’un grand parcours. En tant que jeune capitaine, il a déjà fait ses preuves. Allez, va pour Defour.

Anderlecht ou le Club Bruges ?

Anderlecht qui jouit d’un plus gros prestige. C’est plus une institution que le Club Bruges. Anderlecht surmonte tout. Son deuxième tour le prouve.

Nebojsa Popovic et Ivica Dragutinovic ?

Vous me proposez de choisir entre deux amis. Impossible. Il le faut vraiment ? Pas de joker ? Popovic alors. Un gars hors norme, champion olympique de handball, un des meilleurs joueurs de l’histoire de ce sport, un grand chirurgien : cela veut tout dire. Mais il y a plus : il m’a soigné et c’est lui qui a parlé de moi à D’Onofrio. Il m’a ouvert la porte du Standard et relancé ma carrière. Je ne peux que le remercier. Drago est un ami qui m’a accueilli les bras ouverts en équipe nationale. Il a très bien réussi en Espagne. Sa carrière en Belgique est un de ses grands sujets de fierté. Quand nous nous rencontrons, le Standard figure évidemment au centre de nos conversations. Ivica ne joue plus à Sclessin mais est un ambassadeur du Standard comme je le serai aussi après mon départ.

par pierre bilic – photos : reporters

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