Joie et chagrin

La joyeuse entrée du Soulier d’Or à Sclessin s’est terminée par des larmes : ses équipiers l’ont tout de suite consolé.

Quand Steven Defour se retira du jeu à la fin de la première mi-temps contre Zulte Waregem (3-1), tout le clan liégeois mesura immédiatement l’importance de cet événement. Sa blessure dans le haut de la cuisse droite s’était ravivée. Une déchirure musculaire n’est pas une mince affaire et entraînera une absence de plusieurs semaines. A ce moment de la saison, la perte d’une pièce aussi importante constitue un handicap évident dans la course pour le titre.

C’est du talent, du charisme, du travail et de la matière grise dont un coach se passe difficilement. Les Liégeois devront examiner rapidement ce problème. Axel Witsel sera-t-il placé dans l’axe de la ligne médiane, son biotope naturel ? A-t-il déjà les épaules assez solides pour gérer de telles responsabilités ? Ne serait-il pas indiqué de recruter un médian offensif avant la fin janvier ? C’est maintenant que le Standard va mesurer le véritable poids de Defour.

Après les félicitations, les ovations, les sourires et les fleurs qui l’ont accompagné sur le chemin du coup d’envoi, le chagrin a mis fin à la fête.  » Ses larmes peuvent se comprendre « , a déclaré Michel Preud’homme.  » L’émotion accumulée en quelques jours l’a submergé. C’est humain. Il a bien géré les festivités du Soulier d’Or. Après, le football a repris le dessus. Steven est ambitieux et veut mener cet effectif vers les sommets. Cette blessure tombe mal. Il avait déjà souffert d’une déchirure et rien n’indiquait une possibilité de rechute. Notre meneur de jeu aurait d’ailleurs pu être aligné en Coupe de Belgique face à Genk. Tous les tests constituaient autant de feux verts. Il a répondu à mon attente contre Zulte Waregem avant que la malchance ne se mêle au débat « .

Les Standardmen lui ont tous dédié le succès, spécialement Siramana Dembele qui prit sa place avec bonheur. L’ouvrier qualifié de la ligne médiane est toujours prêt à rendre service au collectif. Quand le staff technique appelle SOS Dépannage, Dembele répare, Dembele remplace. La maturité de ce joueur saute aux yeux et aux oreilles. Personne ne s’exprime aussi clairement que lui. Sa sagesse est légendaire. Il a un solide vécu et est bien placé pour évoquer l’aura d’un jeune capitaine de 19 ans.

 » Je suis évidemment sidéré par tout ce qu’un aussi jeune joueur peut apporter à tout un effectif « , note Siramana.  » Des signes annonçaient l’émergence d’une grosse personnalité. Il avait dû gérer des problèmes personnels délicats en quittant son ancien club. C’était déjà l’expression de sa maturité. La saison passée, il a pris place sur le petit banc à Beveren. Pas facile pour lui mais Steven a tout de suite transformé cette épreuve passagère en source de motivation. Le brassard de capitaine ne lui a pas été offert par hasard. Le staff technique avait mesuré avant tout le monde la profondeur et la qualité de sa personnalité. Succéder à un monstre sacré de la taille de Sergio Conceiçao n’est pas une chose aisé.

Il aurait été tentant, je suppose, d’imiter notre ancien capitaine. Steven a évité ce piège-là et est resté lui-même. La fonction, aussi importante et symbolique soit-elle, ne l’a pas changé. Que ce soit dans son jeu ou dans la vie de tous les jours, son humilité est impressionnante. Il écoute, analyse, comprend le groupe. Sur le terrain, il se donne, se déplace sans cesse, se replie, propose un coup de main à tout le monde. Le collectif est son mot d’ordre. Il ne revendique rien pour lui. Quand on est capable d’en arriver là à 19 ans, cela veut tout dire. C’est un leader naturel, une richesse pour le Standard d’abord, mais aussi pour tout le football belge. Il sait que tout ne fait que commencer pour lui. Il ne se grise pas inutilement. Derrière cette sérénité, il y a évidemment de l’ambition. C’est un gars généreux qui mesure aussi ce qu’il doit à un club comme le Standard qui lui a fait confiance. A l’époque actuelle, on oublie vite, lui pas. Cette intelligence et cette honnêteté l’aideront beaucoup à se dessiner une belle carrière « .

 » Il dit ce qu’il pense sans hausser le ton  » (Marouane Fellaini)

Marouane Fellaini et Defour forment un couple complémentaire au centre de l’échiquier liégeois. Le grand Marouane a cassé la baraque contre Zulte Waregem. Il était au four et au moulin, à la récupération et à la distribution, comme s’il voulait lui aussi déposer les trois points dans l’escarcelle de son capitaine malchanceux.  » Son langage est évidemment plus proche du nôtre que celui de Sergio « , avance Fellaini.  » Il n’y a pas eu de transition avec lui : le groupe est tout de suite passé à autre chose. Steven n’a pas besoin de rouler des mécaniques pour tirer le groupe vers le haut. Il booste tout le monde car c’est un battant. J’apporte la taille et le poids, lui la finesse et la technique. J’adore parler de football avec lui. Il voit clair et communique bien. C’est évidemment un technicien mais il ne s’appuie pas que sur cette richesse : Steven, c’est aussi de l’huile de bras. Sa présence me bonifie. Quand je le vois à l’oeuvre, cela m’encourage à perfectionner sans cesse ma circulation de la balle. A l’entraînement, il ne s’épargne pas non plus.

Avec lui, quand on bosse, c’est à fond la caisse. Je ne dois pas lui faire sentir que je suis là : Steven veut gagner, même à l’entraînement. Il ne lui viendrait pas à l’idée de m’épargner. Je ne le fais pas non plus. C’est un jeune, un des nôtres, le chef de la bande. Quand il dit quelque chose, on l’écoute comme on le ferait avec un grand frère, ce qu’il est finalement. On le respecte partout, que ce soit au Standard ou ailleurs. Pour nous, les jeunes, c’est très important. Il nous a permis de passer à une autre époque. Quand on fera le bilan, plus tard, on mesurera probablement que Steven a assumé un rôle historique. Il s’est signalé pour la première fois en D1 à un peu plus de 16 ans. Trois ans plus tard, notre capitaine possède déjà du métier à revendre. C’est quand même clair : la jeunesse peut y arriver. J’appréciais Conceiçao, bien sûr, mais Steven, c’est autre chose. Il dit ce qu’il pense sans hausser le ton, et quand c’est nécessaire, ce discours serein porte aussi loin qu’un coup de gueule. Steven explique calmement et on l’entend, c’est certain « .

 » Il a bon caractère et du… caractère  » (Aragon Espinoza)

Axel Witsel partage totalement l’avis de Fellaini. Axel est le styliste qui orne de nombreux posters et sa classe intrigue déjà pas mal de clubs étrangers. Ce fut le cas de Defour, dragué par des grands de Hollande mais qui a préféré ne pas brûler les étapes.  » Il n’a que six mois de plus que moi « , affirme Witsel.  » Steven gère parfaitement tout ce qui lui arrive. Il ne pète pas les plombs. Or, ce n’est pas facile quand on voit tous les médias agglutinés autour de lui. Je suis sidéré par les valeurs de son discours. Il pense à tout, n’oublie personne, n’ignore rien. C’est la preuve qu’il réfléchit à tous les impératifs de son métier. Il n’est pas arrivé là par hasard. Steven est un rassembleur, un homme positif. On a tous envie de mouiller son maillot pour lui. Sa façon d’être m’inspire. C’est un capitaine qui partage les fruits de son expérience. Je sais que tout passe par le travail et la sagesse « .

Aragon Espinoza résume les choses à sa façon :  » Dufour est un joueur de classe. Cela se voit dans son jeu, dans tout son comportement. Il veut gagner et gagnera souvent. A la fin de sa carrière, son palmarès vaudra le coup d’£il. Je progresse en français. Il y a des échanges entre nous et il s’intéresse à mon parcours, à ma vie. Il a bon caractère et du… caractère. Cela veut dire qu’il écoute, comprend mais sait aussi mettre les choses au point dans l’intérêt de tous. Dufour a tout simplement la grinta « .l

par pierre bilic – photos : belga

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