JOHAN VERMEERSCH

Johan Vermeersch (64 ans) a joué pour le Daring et le RWDM. Il a été propriétaire et président du FC Molenbeek Brussels Strombeek, le club fusionné qui est tombé en faillite en 2014 sous le nom de RWDM Brussels FC.

1 Reconnaissez-vous dans le Molenbeek qui fait la une mondiale ces derniers jours celui que vous avez connu comme président du RWDM ?

Nous avons effectué un travail préventif, en concertation avec Philippe Moureaux, le bourgmestre d’alors, et avec son plein soutien, nous avons fondé en 2002 une ASBL spéciale, Ecole des jeunes de Molenbeek, pour donner aux jeunes la chance de s’intégrer par le football. J’ai retiré quelques très bons joueurs de cette réserve, notamment Januzaj, Batshuayi et Boyata. Un moment donné, nous avions 800 jeunes de 15 à 20 nationalités différentes, dont les trois quarts de Molenbeek. Il n’y a jamais eu d’incidents réels. Il y avait un code, je passais de temps en temps dans le vestiaire et tout se passait bien. J’ai vu beaucoup de bons parents, des familles avec deux ou trois enfants qui se rendaient à l’entraînement trois ou quatre fois par semaine et pour lesquelles le samedi était jour de fête. Maintenant, plus personne ne s’intéresse à ça.

2 Qui est responsable de la disparition du projet ?

Ça a été une boucherie politique, la suite d’une guerre menée par le CDH contre le PS. Tout le projet socio-footballistique de Bruxelles a été démoli et depuis que le CDH est au pouvoir avec les libéraux, il n’y a plus rien eu. Ils ne connaissent même pas leurs propres infrastructures sportives. Comment parler d’une gestion sportive dans ces conditions ? Ahmed El Khanouss, le nouvel échevin des sports, a attiré John Bico au stade Machtens mais il ne s’intéresse pas aux jeunes. C’est un scandale. Où sont donc partis ces 700 à 800 jeunes ? (300 ont rejoint le White Star, ndlr). Tout ça finit par la criminalité en rue et c’est là que commence la terreur.

3 Voulez-vous dire que la fin de votre projet est partiellement à l’origine des problèmes actuels ?

Je ne dirai pas que ça les a déclenchés mais nous tenions ces jeunes à l’abri de la rue. C’est la différence. Chaque jour, 110 à 120 personnes s’occupaient de leur accueil dès 15.30 heures et suivaient 37 ou 38 équipes à partir de l’âge de six ans. Maintenant, ces gosses sont en rue. Il faut les accueillir dans des clubs sportifs après l’école.

4 En 2007, vous avez dit au Congolais Zola Matumona qu’il ferait mieux de grimper dans un arbre et de manger des bananes. Quel regard portez-vous sur le signal envoyé ?

Je voulais lui faire comprendre qu’un sportif a un rôle de modèle pour les jeunes, qu’il ne peut pas bafouer le règlement d’ordre intérieur en se baladant la nuit à Matonge, en arrivant en retard à l’entraînement et en accumulant les PV. Un moment donné, il faut crier stop. Je lui ai dit :  » Si tu es incapable de suivre les règles, tu dois retourner à ton pays de bananiers.  » Quand on m’a reproché d’être raciste, Philippe Moureaux est intervenu pour rappeler aux gens le bien que j’accomplissais sur le plan social, en football.

5 Vous avez travaillé avec Philippe Moureaux. N’a-t-il pas été trop tolérant ?

Il était partisan d’une société multiculturelle et il a peut-être commis une erreur de jugement mais je trouve excessif de lui imputer la responsabilité de ce qui s’est passé à Paris. Le Vlaams Belang est l’autre extrême. Il a aussi sa vision particulière de la gestion des étrangers dans la société. Outre Molenbeek, il y a six ou sept communes à risques dans Bruxelles. Avec 95.000 habitants, Molenbeek est la troisième plus grande commune de Bruxelles. Elle est pauvre et multiculturelle. Je pense que Philippe Moureaux avait décelé le danger et averti qu’il ne disposait pas des moyens fédéraux nécessaires pour combattre très tôt la criminalité des jeunes, en postant des agents à tous les coins de rue. En entendant le gouvernement libérer tant de millions, à présent, je n’ai qu’une conclusion : il faut toujours qu’il arrive quelque chose de grave pour que les autorités agissent.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE

 » Je trouve excessif d’imputer à Philippe Moureaux la responsabilité de ce qui s’est passé à Paris.  » JOHAN VERMEERSCH

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