JOGA NOLITO

À 28 ans, Nolito est enfin entré dans la cour des grands. Pourtant, son chemin vers la gloire a souvent ressemblé à un sens interdit. Heureusement, il y avait l’Atlantique, un ballon, et Luis Enrique.

Bienvenue à Sanlúcar de Barrameda. Nous sommes en Andalousie, au bord de l’Atlantique. C’est d’ici qu’en 1519, Fernand de Magellan a mis les voiles pour faire le tour du monde. Près de cinq siècles plus tard, c’est grâce à YouTube qu’un enfant de Sanlúcar parcourt la planète. Il s’appelle Manuel Agudo Duran, mais il est plus connu sous le nom de Nolito. En septembre dernier, l’Andalou a été élu joueur du mois en Liga, devant l’extraterrestre Messi et le cosmonaute Ronaldo.

Nolito est l’un des hommes qui fait voler le Celta Vigo d’Eduardo Berizzo. Avec un but et deux passes décisives, il a été le bourreau du Barça lors du plantureux 4-1 infligé aux hommes de Luis Enrique. Et contre le Real, lui seul a pu tromper la vigilance d’un Keylor Navas en transe. Il y a moins de trois ans, pourtant, Manuel traînait son malheur lors d’un prêt sans saveur à Grenade. Dix-huit mois de folie devraient lui offrir une place dans les petits papiers de Vicente Del Bosque pour l’EURO français.

FOOT EN SALLE ET BOUCHERIE

L’histoire de Nolito ressemble à une fable qu’on raconterait aux enfants des favelas pour les faire rêver d’un avenir balle au pied plutôt qu’arme à la main. Pourtant, le récit se déroule bien en Andalousie. La mère est derrière les barreaux, et les grands-parents se chargent de l’éducation. Amoureux du Barça de Cruijff, son grand-père le laisse volontiers passer des soirées entières sur le terrain de foot en salle aménagé au pied de l’immeuble familial :  » J’y allais tous les jours « , raconte Nolito à El País.  » Si on n’était pas assez, on faisait des deux contre deux. Là où j’ai joué le plus, c’est dans la rue. C’est là-bas que j’ai tout appris « .

Un Andalou élevé comme un Brésilien. Dans une famille nombreuse, entre la tristesse du portefeuille et la joie du football. Nolito travaille à la boucherie du coin dès son treizième anniversaire, et quitte prématurément un test à Valence trois ans plus tard. Le mal du pays. C’est donc près du cocon familial, au Ecija Balompié, qu’il gravit les échelons jusqu’en Segunda B. Là, sa route croise celle du Barça. Nolo réalise son rêve et celui de son grand-père en rejoignant l’équipe B catalane à 22 ans. Son nouveau coach s’appelle Luis Enrique.

GÉNÉRATEUR D’OCCASIONS

Lucho place l’attaquant sur le flanc pour le transformer en ailier. Pas de problème pour Nolito :  » C’était seulement une variante. Parce que sur le terrain, je n’ai jamais cessé d’être un joueur qui court sur tout le front de l’attaque « . Comme tous les joueurs de l’antichambre du Barça, il doit observer avec attention les mouvements de celui qui occupe son poste dans l’équipe fanion. Un certain Thierry Henry.

Élève appliqué, Nolito gagnera une dizaine de fois le droit de s’installer dans la classe de maître Guardiola. Assis à côté de Messi, Ibrahimovic ou Iniesta, l’Andalou récite sa leçon, mais subit l’éclosion fulgurante de Pedro et finit par s’envoler pour Lisbonne, en quête de temps de jeu. C’est le début de trois années difficiles. Nolito gratte des minutes de jeu, dispute des bribes de quart de finale de Ligue des Champions dans le Benfica de Witsel, Matic et Cardozo, mais n’entre jamais vraiment dans les plans du volcanique Jorge Jesus :  » Il ne croyait pas en moi « , affirme aujourd’hui Nolito. Et il avait tort. Un prêt de six mois à Grenade pour sentir à nouveau le parfum des rencontres de Liga, et Manuel quitte définitivement le Portugal pour s’installer en Galice, au Celta Vigo. L’entraîneur ? Un certain Luis Enrique.

 » Luis m’a fait voir le football d’une autre manière « , explique Nolito.  » Il m’a fait comprendre que je pouvais en vivre. Bien sûr, il a marqué ma carrière. Parce que c’était une étape importante de ma vie : soit je perçais, soit je m’enlisais « . Au stade Balaídos, Nolito ne se contente pas de percer. Il explose.  » C’est un joueur avec un don pour déborder son adversaire et une grande capacité à offrir des buts « , raconte un Luis Enrique devenu entraîneur du Barça. Car même sans son mentor, Nolo reste en lévitation. La saison dernière, au royaume de Messi, de Griezmann ou de James Rodriguez, il crée 2,7 occasions de but à chaque rencontre. Personne en Liga ne fait mieux.

 » UN JOUEUR LÉTAL  »

Sous la houlette d’Eduardo Berizzo, disciple de Marcelo Bielsa et nouveau coach du Celta, Nolito prend donc encore une nouvelle dimension. Le marquage individuel imposé par son entraîneur l’oblige à courir derrière son latéral, sans pour autant altérer son rendement offensif. Entouré par l’inusable Fabian Orellana et l’amour de la profondeur de Iago Aspas, il provoque des cauchemars chez les défenseurs et les louanges de son entraîneur :  » C’est un joueur létal. Tous les ballons qui passent par ses pieds deviennent dangereux. Pas seulement par ses propres actions, mais aussi par sa façon d’offrir des buts à ses coéquipiers « .

Avec 3,3 occasions créées par match (2e de Liga), 2,8 dribbles (3e) et 4,2 tirs (4e), la dernière version de Nolito est irrespirable pour la plupart des défenses du pays. Dani Alves et Danilo ont subi les jugadas à répétition de cet Espagnol qui semblait plus brésilien qu’eux. Vicente Del Bosque, en quête de joueurs qui donnent le vertige pour régénérer une Roja devenue plus amoureuse des passes que des buts, en a progressivement fait l’un des hommes incontournables de sa sélection.

Élevée aux exploits de Bebeto ou Mostovoï, la Galice revit grâce aux dribbles de Nolito. Et histoire de ne pas le perdre, le président du Celta a gonflé sa clause libératoire à 18 millions d’euros. Ce qui reste une bouchée de pain pour de nombreux candidats acquéreurs. La Premier League a d’ailleurs déjà frappé à la porte de Nolo, mais on raconte qu’il aurait refusé les millions d’Everton pour ne pas abandonner son cadre de vie idyllique, niché entre l’Atlantique et le soleil.

Pour mieux revenir à Barcelone, cinq ans après son premier match de Liga en blaugrana ?  » Il a les qualités techniques pour jouer au Barça « , a affirmé sans détour Luis Enrique. Et si les deux hommes finissaient par se retrouver une troisième fois ?

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTO BELGAIMAGE

Luis Enrique, qui l’a dirigé au Barça B et à Vigo, a été crucial pour la carrière de Nolito.

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