Jeunes, riches et célèbres

La crise économique ne touche pas les deux Belges.

Par les temps qui courent, il est devenu pratiquement impossible de parler de la carrière d’une joueuse de tennis sans évoquer ses émoluments. C’est peu dire que le circuit international, et cela vaut également pour celui masculin, est généreux à l’égard de ses actrices.

Durant cette année qui vient de s’achever par la victoire de Kim Clijsters au Masters, le circuit de la WTA a distribué pas moins de 51,7 millions de dollars. Cette manne impressionnante d’argent fut répartie entre les 67 tournois qui eurent lieu dans plus d’une trentaine de pays à travers le monde.

Pour donner un indice de comparaison, on indiquera que lors de son année la plus « juteuse » (1993), la grande Steffi Graf amassa la bagatelle de 2.821.000 dollars. Une telle somme tranchait déjà singulièrement avec le montant qu’elle récolta lors de ce qui reste sa plus grande saison sur le plan des résultats. En 1988, l’Allemande réalisa le Grand Chelem doré, en remportant les quatre tournois du Grand Chelem plus les Jeux Olympiques de Séoul et toucha une misère, à savoir 1.378.000 dollars.

Si elle s’était imposée en finale du Masters, Serena Williams, vainqueur de huit tournois cette année dont Roland Garros, Wimbledon et l’US Open, aurait dépassé la barre des… 4 millions de dollars de gains officiels! Au lieu de cela, l’Américaine aura bouclé sa saison avec un chèque global de 3.935.668 dollars, histoire d’être tout à fait précis. Le record établi par Martina Hingis en 2000 est battu de 500.000 dollars.

Difficile de prédire si la tendance continuera d’être à la hausse. Moins sensible que le cours du pétrole, l’argent du circuit féminin n’en reste pas moins étroitement lié à la conjoncture économique. Et comme chacun le sait, celle-ci est des plus moroses. L’un des grands patrons d’IMG, la multinationale de management sportif du célèbre Mark McCormack, le Belge Eric Drossart n’y va pas par quatre chemins: « Je n’ai jamais connu une situation pareille. La crise est réelle et n’est pas finie. Les deux ou trois prochaines années risquent d’être plus dures encore que celle que nous venons de vivre. Et comme à chaque fois dans ces conditions, le premier budget dans lequel toute entreprise taille est celui du sponsoring, qu’il soit de manifestations sportives ou autres ».

Des frais énormes

Kim Clijsters et Justine Henin doivent-elles pour autant se faire du souci? Classées respectivement quatrième et cinquième au classement mondial WTA, elles apparaissent aux rangs quatre et six du classement des gains officiels WTA, c’est à dire ceux récoltés au gré de leurs performances dans les tournois. La Limbourgeoise a bouclé l’exercice 2002 avec un chèque global de 1.754.376 dollars, là où la Rochefortoise s’est contentée de 1.213.093 dollars.

« Cela peut paraître beaucoup d’argent », expose Lei Clijsters le père et manager de Kim. « Mais ce que le public ne sait pas, c’est que les frais d’une joueuse professionnelle comme ma fille sont énormes: déplacements, chambres d’hôtel, l’entraîneur de Kim, sa physiothérapeute, locations de terrains, cordages, etc ».

A côté de ces revenus, il en est d’autres qui, neuf fois sur dix, ne font l’objet d’aucune communication au public: les rentrées publicitaires. Difficile d’en savoir beaucoup sur la question. Les chiffres sont tenus secrets; seule la durée des contrats étant en général communiquée.

Mais Clijsters et Henin restent des joueuses fort modestes eu égard à d’autres de leurs collègues du circuit, parmi lesquelles une certaine Anna Kournikova dont on ne compte plus les signatures apposées au bas de contrats.

Le clan Clijsters dit souvent non

Le cas le plus criant est celui de Clijsters. Sans doute parce qu’il a été lui-même un sportif de haut niveau, Lei sait fort bien que les prestations qu’attendent en retour les parraineurs peuvent, si elles sont trop nombreuses, se révéler extrêmement néfastes pour la carrière d’une joueuse. C’est pourquoi la n°1 belge n’a pris en tout et pour tout que quatre gros engagements. Elle est liée à Sanex (produits corporels), Belgacom et Siemens, les trois sponsors dont elle porte le logo en match ou en conférence de presse. Les contrats de ces trois parraineurs courent jusque fin 2004. Le quatrième sponsor n’est autre que Mitsubishi. Jusqu’à la fin de la saison prochaine, Kim se voit obligée de conduire sa Pajero 4×4 rutilante, du moins lorsqu’elle est en Belgique.

Rayon vestimentaire, Clijsters est sponsorisée par Fila, la marque italienne qui a succédé à Nike au début de cette saison. Sera-ce encore le cas en 2003? Sans doute mais… pas sûr, Lei Clijsters devant s’entretenir incessamment sous peu avec les responsables transalpins pour une éventuelle reconduction du contrat. Il est clair que la récente victoire de Kim au Masters placera le paternel en position de force pour les négociations même s’il prétend que l’argent n’est pas le seul élément qui entre en ligne de compte.

« Ce n’est pas nécessairement le plus offrant qui l’emporte », explique-t-il ainsi. « J’ai déjà refusé de très grosses offres par le passé et je continuerai à le faire parce que ce que je recherche avant tout, c’est le bien-être de ma fille. Elle ne passe qu’un mois par an en Belgique. C’est pourquoi je ne veux pas que durant cette période de temps fort courte, elle soit en plus obligée de satisfaire des impératifs commerciaux. Quand on propose de l’argent et qu’en retour on me demande une séance photo de deux jours en Espagne, je dis non! Les gens ouvrent parfois des yeux comme çamais je n’y peux rien. Notre panel de sponsors est déjà complet ».

D’autres engagements, plus mineurs, ont été pris avec la marque de vêtements Mer du Nord, que Kim doit porter lorsqu’elle participe à des cérémonies en tout genre sur le sol national (ce qui est rarement le cas), sans oublier Babolat, la marque de sa raquette. A ce sujet, les Japonais de Yonex sont, paraît-il, prêts à construire une raquette qui ressemble furieusement à celle utilisée aujourd’hui par la fille de Bree pour la voir rejoindre leurs rangs.

« Et tout le monde sait que les Japonais proposent des sommes loin au-dessus de leurs concurrents », sourit à ce sujet Lei Clijsters. « Mais le problème est double: primo, Kim se sent bien avec sa raquette actuelle, ce qui est quand-même son outil principal; secundo, Yonex impose à ses joueuses sous contrat de porter leur propre gamme de vêtements ».

Dernier point à prendre en considération: la durée des contrats. Le clan Clijsters la veut obligatoirement courte. « Trois ans, c’est le maximum », concède ainsi Lei. « J’ai refusé un jour une offre plantureuse parce qu’il s’agissait d’un contrat de cinq ans. Kim ne veut envisager sa carrière qu’à court terme. D’ici trois ans, elle voudra peut-être un bébé, qui sait? »

L’essentiel reste les matches

Les manches de Justine Henin arborent quant à elles les logos de Siemens (à gauche) et de Belgacom (à droite). Sanex apparaît également sur sa blouse. Loin de la Ferrari Modena 360 de Jennifer Capriati, de la Mercedes 600 limousine de Jelena Dokic et SLK de Meghann Shaughnessy, ou de l’Audi TT de Silvia Farina, la Rochefortoise roule dans une modeste Saxo, Citroën étant le sponsor principal de l’Association Francophone de Tennis, avec laquelle elle reste sous contrat.

Son parraineur vestimentaire est le Coq sportif, elle joue avec une raquette Wilson et porte au poignet une montre Rolex. Pour la voir plus ou moins régulièrement à la télévision, le public belge se souviendra que Justine a également effectué une campagne de promotion pour le recyclage des piles usagées pour le compte du ministère wallon de l’Environnement ainsi que pour Danone.

Comme Clijsters, Henin et son manager Vincent Stavaux se révèlent fort sélectifs en matière de contrats publicitaires. La priorité de la fille de Marloie reste sa carrière sportive comme en témoigne sa volonté d’émigrer plus souvent en Floride pour bénéficier de conditions d’entraînement idéales. L’argent, c’est bien mais il ne permettra jamais à lui seul de devenir n°1 mondiale.

Florient Etienne

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