Jeune et moderne

A un fifrelin du retour parmi l’élite, le club poursuit la construction de son stade multifonctions. Zoom sur un club ambitieux.

Il n’y a pas l’ombre d’un mécontentement à Saint-Trond. Quel contraste avec la saison précédente ! Après un mauvais début de championnat, la fierté de la Hesbaye avait terminé lanterne rouge de la D1. Un changement d’entraîneur inutile – Dennis van Wijk à la place de Peter Voets – et des achats effectués en toute panique avaient précipité la chute des Trudonnaires, après quinze ans parmi l’élite.

 » Saint-Trond avait de l’or en mains, il pouvait devenir le sixième club de Belgique mais il a commis des erreurs. La relégation est un trou provisoire « , pouvait-on lire dans le Belang van Limburg. Les causes du malaise étaient multiples : en dix ans, le club a eu recours à près de vingt entraîneurs, une liste interminable de transferts ratés et de conflits internes : le Staaien était pourri. Cette saison, le calme est revenu. Le président, Roland Duchâtelet, semble se fondre dans son rôle de mécène. Son amie, Marieke Höfte, est devenue en août dernier la nouvelle actionnaire majoritaire et propriétaire. Surtout, l’ambitieux projet de stade se réalise. D’ici l’été, le club disposera d’une nouvelle arène avec un hôtel, des salles de fête, des magasins et un parking souterrain.

Durant l’intersaison, le noyau et le staff ont été remaniés. Van Wijk a cédé sa place à Guido Brepoels, débauché du KVSK United. Après Marc Wilmots, Herman Vermeulen, Thomas Caers, Henk Houwaart, Valère Billen et Van Wijk, allait-il être le énième à ne pas chanter plus d’une saison ?

Le feu de Brepoels

Agé de 47 ans, Brepoels est en poste depuis dix mois.  » Saint-Trond avait la réputation d’être un club difficile. Les entraîneurs n’y tenaient jamais longtemps mais cela ne m’a pas effrayé. J’aime les défis. J’ai tenté d’initier une spirale positive. J’ai effectué un bon choix avec Saint-Trond : il en avait besoin ! Je savais que ce serait difficile. Tout se déroulait sans plaisir, par obligation. Tout le monde envisageait l’avenir avec pessimisme, à part moi. Au début, je suis resté à l’arrière-plan, j’ai écouté, observé sans dire grand-chose. Après les tests physiques de la mi-juin, les joueurs ont obtenu trois semaines de congé. J’ai pu prendre mes décisions en paix. « 

Le noyau de 25 joueurs a été réduit à vingt. Cinq joueurs et non des moindres ont été priés de partir : Adamo Coulibaly, Mirsad Beslija, TimothyDreesen, Rocky Peeters et l’ex-Diable Rouge Pieter Collen ont quitté le Staaien.  » Ce sont de bons footballeurs mais ils se prenaient pour des vedettes. Ils n’avaient plus la mentalité requise pour ramener le club en D1. Ce n’est possible qu’en s’engageant et en se sacrifiant. Le jeu ne posait pas problème mais la mentalité bien « , poursuit Brepoels.  » Quand vous prenez des points contre Anderlecht, le Standard et Bruges mais perdez contre Roulers et Dender, c’est un problème de motivation.  »

Cette mentalité a pesé pendant la préparation.  » Les quatre premiers matches amicaux ont été dramatiques. Il n’y avait ni esprit d’équipe ni organisation. J’ai inscrit trois mots au tableau, dans le vestiaire : plaisir, engagement et esprit d’équipe. Nous avons mis l’accent sur ce dernier. « 

L’occupation de terrain a également été modifiée : les Canaris sont passés du 4-4-2 au 4-3-3.  » Celui-ci m’offre différentes options : je peux jouer plus ou moins haut et passer aisément au 4-5-1. Je veux cependant exercer une pression haute dans le jeu et opérer une transition rapide. Saint-Trond est l’Anderlecht ou le Standard de la D2. Cette saison, il a dû faire le jeu, dominer. Cependant, quatre saisons en bas de tableau ont exigé leur tribut : on ne se change pas du jour au lendemain. Les arrières latéraux jouent 30 mètres plus haut. Avant, ils ne dépassaient jamais la ligne médiane. « 

Peter Voets, l’adjoint, ajoute :  » Actuellement, le groupe est empreint d’assurance alors que la saison précédente, avant chaque match, on pensait n’arriver à rien, une fois de plus. « 

Une bête au petit c£ur

La majeure partie des footballeurs actuels n’est pas professionnelle : elle travaille en journée. Par contre, Saint-Trond a conservé son statut professionnel et les troupes de Brepoels se retrouvent donc deux fois par jour à l’entraînement.  » Nous avons ainsi un avantage sur les autres équipes. Les entraînements sont durs mais beaucoup de matches se décident dans la dernière demi-heure. Il faut donc être frais à ce moment. J’exige donc que mes joueurs s’entraînent chaque minute, sans exception, avec la plus parfaite concentration et un engagement sans limite. Les ouvriers qui érigent le stade de huit heures à cinq heures ne peuvent pas se permettre de fainéanter non plus. Ils sont payés pour travailler, comme mes gars. Qu’ils en aient parfois marre, ça m’est égal. « 

On n’entend guère de jérémiades au Staaien, contrairement aux années précédentes, où l’ambiance était mauvaise.  » C’est l’avantage de travailler avec un petit noyau : j’ai moins de joueurs déçus et les jeunes qui font banquette sont avides de monter au jeu. Nul ne détériore l’ambiance « , explique Voets.  » Nous sommes exigeants mais corrects. Notre gardien réserve, Tom Muyters, a connu un passage à vide. Nous lui avons conseillé de rester à la maison et de faire le bilan. Il travaille dur et quand ça va moins bien, nous sommes à son écoute.  »

 » C’est ainsi que cela va « , ajoute l’entraîneur principal.  » On nous dispense beaucoup de théorie et d’exercices aux cours d’entraîneur mais ce n’est pas là qu’on découvre l’aspect humain, psychologique. Sef Vergoossen, mon coach au MVV, mon inspirateur, était très fort de ce point de vie. Nous avons offert un peu de bonheur à des enfants malades en rendant visite à un hôpital à la Noël. Cette idée est de lui. La spirale négative s’est rapidement défaite, finalement. J’interpelle mes joueurs en présence de tout le groupe, je précise les enjeux, notre position. Cela, c’est Co Adriaanse qui me l’a appris pendant mon stage à l’AZ. Il est comme moi : une bête dotée d’un petit c£ur.  »

De jeunes lions

Nouveauté au Staaien, les analyses vidéo : Brepoels laisse la bride sur le cou de ses joueurs :  » Certains emploient un DVD de l’adversaire, ils analysent sa tactique et présentent leurs idées devant tout le groupe. Les voir discuter est fantastique : il y a quelques futurs entraîneurs parmi eux. Les autres écoutent attentivement et prennent des notes car le lendemain, ce sera peut-être leur tour. Ils sont parfois très sévères à l’égard de leurs coéquipiers. « 

 » Cette approche n’est pas vraiment neuve mais elle est devenue notre cheval de bataille. Nous observons beaucoup de vidéos pour nous évaluer et jauger nos adversaires. Nous sommes donc prêts « , commente Voets.

La politique des transferts est aussi un modèle : à terme, le club veut tirer la carte des jeunes, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Le club était mal conseillé.  » C’est une des principales erreurs des dernières saisons : le club a acheté trop de joueurs, souvent des étrangers, et pas toujours de qualité « , reconnaît Voets.  » Les étrangers n’apportent pas toujours une plus-value. C’est pour cela que je mise résolument sur la formation des jeunes « , résume Brepoels.

 » Trop de jeunes talents belges ne jouent pas dans leur équipe en D1. Nous sommes prêts à les accueillir mais la plupart redoute d’effectuer un pas en arrière. Sébastien Siani, qu’Anderlecht nous loue, leur démontre qu’ils ont tort. Chez nous, il a davantage de possibilités de jouer et il suscite l’intérêt de plusieurs clubs de D1. Il y a quelques mois, rejoindre Saint-Trond ne constituait pas une perspective alléchante mais Ariël Jacobs, avec lequel je m’entends bien, l’a convaincu.  »

Dans un passé récent, Saint-Trond a été un terrain de chasse idéal pour les managers et a effectué des transferts de panique.  » Nous sommes plus forts. Nous ne devons plus céder à l’urgence. « 

Mignolet en haut de la liste

Le STVV confère une aura nationale et internationale à la ville de Saint-Trond. Il ne peut donc mener une existence anonyme dans le purgatoire de la D2. Le Staaien doit redevenir un enfer où les ténors se rendent comme à l’échafaud.  » C’est surtout le monde extérieur qui nous met la pression. On clame depuis le début que Saint-Trond doit remonter directement parmi l’élite « , poursuit Brepoels.  » Nous, nous avons toujours tenté de rester les pieds sur terre, même si nous visions le maintien. « 

Ces bons résultats intéressent les autres clubs mais le STVV ne redoute pas un exode massif en fin de saison.  » Personne ne partira en cas de montée, j’en suis certain. Chacun se sent bien ici et veut évoluer avec l’équipe. Il nous appartient de conserver et de renforcer le noyau actuel. L’unanimité règne. Evidemment, si des ténors se présentent avec des mannes, il est difficile de dire non. « 

Genk est un de ceux qui envoient des scouts à Saint-Trond. Sa cible, le gardien Simon Mignolet, un produit local de vingt ans, un grand portier en devenir. Son nom figure en haut de la liste du Racing mais l’intéressé garde la tête froide :  » Un transfert n’est pas à l’ordre du jour. Seul Saint-Trond compte. Je suis jeune et ambitieux. Je veux donc progresser, comme le club : nous sommes sur la même longueur d’ondes. L’intérêt d’autres formations prouve simplement que je suis en bonne voie.  »

Mignolet a effectué ses débuts lors de la saison de toutes les catastrophes. Il a vécu un apprentissage rude :  » Chaque match était un cadeau mais j’ai commis des erreurs. Les critiques qu’on m’a adressées étaient justifiées. J’ai appris à relativiser. L’équipe fait à nouveau bloc et je suis plus calme dans ma cage, même si jouer devant moins de supporters requiert une adaptation et que la pression est revenue, suite à nos bons résultats. Heureusement, nos fans nous sont restés fidèles. « 

Le médian Peter Delorge était capitaine et avait tout mis en £uvre, en vain, pour sauver l’esquif.  » En 2003, nous avons disputé la finale de la Coupe et cinq ans plus tard, nous voilà en D2. Cela fait mal, surtout pour un garçon du coin, comme moi. J’ai malgré tout prolongé mon contrat car je voulais à tout prix retrouver la D1 avec le club. Nous avons à nouveau une équipe solide, au sein de laquelle chacun veut être performant. Cela n’était plus arrivé depuis l’époque de Jacky Mathijssen et de Danny Boffin. Le club revit et comme toujours, nos supporters nous soutiennent massivement.  »

6.000 supporters font trembler le stade

Marc Wagemakers, transféré de Westerlo, a découvert la chaleur du public trudonnaire. Dans la rubrique hebdomadaire De Hel van Staaien (l’Enfer du Staaien) de TV Limbourg, l’arrière droit raconte qu’il a eu la chair de poule en montant sur le terrain de Tirlemont :  » Mes cheveux se sont littéralement dressés sur la tête.  »

Beaucoup de choses ont changé au Staaien mais pas le fanatisme des supporters. Deux des clubs de fans n’ont certainement pas volé leur nom : les Positivo’s et les Optimisten. Bon an, mal an, 6.000 supporters bleu et jaune font trembler le stade.  » Le Staaien rechante. Le calme est revenu et le club est ambitieux. Quelle équipe bâtirait un stade pareil si elle était vouée à la redescente ? », s’interroge Dirk Robyns, le président des Positivo’s.  » Le STVV a des supporters chaleureux, fidèles, très émotionnels. La rétrogradation a été un coup très dur mais notre c£ur continue à battre pour le STVV.  » Les Canaris ne se sont jamais tus, même quand ils n’avaient pas beaucoup de raisons de chanter. l

par nicolas bogaert – photos: reporters

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