JEU SANS FRONTIÈRES

De retour parmi l’élite quatre ans et demi après l’avoir quitté, et désormais sous tutelle lilloise, Mouscron sera l’une des grandes inconnues de la saison. A quoi donc s’attendre du club transfrontalier et de cette étonnante et pourtant logique collaboration franco-belge ? Quatre portraits, triés sur le volet, en guise d’approche.

Grenouille de bénitier, le  » paternel  » et jadis président de l’Excel, JeanPierreDetremmerie, aurait pu brûler autant de cierges qu’il le voulait. C’était inattendu. Inespéré. Quatre ans et demi après avoir quitté la D1 par la petite porte, celle du forfait général et de la liquidation judiciaire, Mouscron réintègre déjà l’élite. Il n’aura donc pas fallu plus de quatre saisons aux transfrontaliers pour gravir les échelons menant de la promotion à la Jupiler League. Certes, l’Excel a changé de nom. Appelez le Royal Mouscron Péruwelz (du moins pour l’instant). Il s’est aussi, surtout, francisé. Est devenu le petit frère du Lille Olympique Sporting Club voisin, actionnaire majoritaire. Mais à quoi s’attendre cette année du côté du Canonnier ? Quels sont les objectifs, raisonnables ou pas, des Lillo-Mouscronnois ? Quel visage afficheront les troupes de RachidChihab ? Tentative de réponse en quatre profils représentatifs d’un club plus comme les autres.

Benjamin Delacourt, le transfrontalier incarné

S’il est un joueur dans l’effectif hurlu, qui incarne le RMP, c’est bien BenjaminDelacourt. Formé de part et d’autre de la frontière, le défenseur français né à Croix est presque un plaidoyer pour le football transfrontalier et l’Europe des régions.  » J’ai atterri au Futurosport après avoir commencé mon apprentissage à Lille « , raconte-t-il. Quelques éléments étaient privilégiés dans la génération 85. Le LOSC avait déjà ciblé les joueurs qui monteraient. Et moi, je voulais continuer à avancer.  » Ce qui l’incita à venir en Belgique.  » Je suis fort famille. Et j’avais avec l’Excel un club pro, avec de bonnes infrastructures, à deux pas de chez moi. Les formations ne m’ont pas semblé aussi différentes que certains l’imaginent. Disons qu’elle était très technique à Lille et qu’à Mouscron, j’ai davantage travaillé mon physique.  »

Delacourt passe deux saisons au milieu des Dugardein, des Mpenza, des Zewlakow.  » Je fais un match. Des bancs. Puis débarquent les Espagnols. Des mercenaires. Des gens qui ne font pas confiance aux jeunes.  » Il part alors se relancer en France, tente d’y reprendre confiance. Il se lie à Wasquehal qui lui propose un contrat fédéral.  » Un contrat pro dans le monde amateur.  » Il y restera cinq ans.  » On y monte en CFA. Je m’y sens bien. J’ai quelques contacts à gauche et à droite mais comme je ne suis pas un grand voyageur, je continue l’aventure jusqu’à ce que PhilippeSaintJean vienne me chercher.  »

Il l’approche via le LOSC.  » Je me suis dit que c’était du sérieux.  » Et lui propose un projet de trois ans qui finira par mener le club parmi l’élite. Pour Delacourt, le RMP est un renouveau, une renaissance, une résurrection.  » C’est Mouscron qui joue avec l’identité du LOSC. Une équipe qui se base sur sa formation, sur des prêts, sur de la technique. On va essayer de développer du jeu mais avec la mentalité mouscronnoise qui n’est pas toujours évidente à trouver.  »

Benjamin espère les play-offs 2. Du moins éviter les play-offs 3.  » Il ne faut pas sous-estimer la dureté du championnat belge. Au contraire, il s’agit de rester conscient que nous serons le petit nouveau qui doit se battre avec ses moyens. Nous devrons essayer de bien commencer la compétition mais une saison, c’est long.  » L’Eurométropole lilloise est sa région.  » J’ai constamment suivi les résultats de Mouscron. Même en promotion. Ma vie s’est toujours déclinée de part et d’autre de la frontière. Elle est rythmée par les allers-retours.  »

Stéphane Pichot, l’expérience française

Débarqué à Mouscron durant l’été 2011, solide arrière droit, il a activement contribué à la montée de Mouscron en D2, puis à son retour parmi l’élite. A 37 ans, StéphanePichot vient de raccrocher les crampons mais a intégré le staff du RMP en tant qu’adjoint.  » Yepes, avec qui j’ai joué au PSG, et VanBuyten ont prouvé lors de la dernière Coupe du monde qu’on pouvait encore réaliser de grandes choses après 35 ans mais il y a un temps pour tout « , commente l’ancien capitaine de Mouscron. J’ai préféré arrêter sur une bonne note et passer de l’autre côté de la barrière. Je me vois bien entraîner. En attendant, j’apprends le métier. Je vais aussi scouter nos adversaires. La montée en D1 était une belle apothéose.  »

Une apothéose et l’accomplissement d’un challenge, ou plutôt d’un objectif.  » Quand j’ai signé, l’ambition était clairement affichée. Faire grimper le club en Jupiler League le plus vite possible. On a failli y arriver en deux ans. On l’a fait en trois.  » Pichot, c’est l’expérience à la française. Le centre de formation des Tangos à Laval. Neuf saisons (environ 250 matches) en Ligue 1. 22 rencontres européennes dont quatre de Ligue des Champions avec le Paris Saint-Germain. Et quand même deux victoires en Coupe de France. L’une avec le PSG face, en finale, à l’ennemi juré marseillais en 2006. L’autre, plus surprenante, l’année suivante sous la vareuse de Sochaux.

Pichot a posé son sac à Mouscron en provenance de Strasbourg, alors en Nationale.  » J’ai essayé d’amener à l’équipe mon expérience et la rigueur du professionnalisme. D’encadrer les jeunes aussi. Pour beaucoup, l’arrivée de Mouscron parmi l’élite sera le début d’une carrière. Une carrière que j’espère la plus longue possible mais qu’on ne peut définitivement pas lancer en D2 belge.  »

Né à Ernée, petite ville de 6000 habitants dans le Pays de la Loire, Pichot a reçu le Marcel d’or de la statistique au terme de sa première saison à Paname. Un prix humoristique que la chaîne cryptée Canal + lui avait remis pour trois mains involontaires ayant donné lieu à autant de penalties et un but contre son camp. L’arrière latéral avait accepté le trophée avec le sourire. Contrairement à Pauleta à qui il devait normalement être attribué.  » L’attaquant portugais avait raté trois énormes occasions devant un but vide. Moi, ça m’a fait rire.  » Le signe d’un certain recul quant à la pression du foot pro.

 » L’objectif cette saison est d’abord de se maintenir. La D1 belge est intéressante. Un bon championnat et un vrai vivier de talents. La Belgique a réalisé de gros progrès comme on a pu le constater récemment. D’ailleurs, quand on quitte son championnat, c’est souvent pour signer dans de grands clubs.  »

Teddy Mézague, de Montpellier au Canonnier

Son frangin Valery (Portsmouth, Sochaux…) avait débarqué à Montpellier à l’âge de 15 ans après s’être fait repérer par l’ancien Lion Indomptable RogerMilla, alors recruteur.  » Il faisait partie des gens qui ont cru en lui.  » Le Franco-Camerounais TeddyMezague est l’un des transferts mouscronnois de l’été. 1m85, 83 kg, le défenseur central formé au MHSC, y a intégré le noyau A en 2012 et a disputé quatorze rencontres en Ligue 1 la saison dernière.

Le RMP sera-t-il un tremplin, ou ne serait-ce qu’une marche, pour un retour au sein de l’élite française via le LOSC ? A 24 balais, Mézague est tout sauf un joueur en fin de carrière.  » Je signe à Mouscron. Pas à Lille, précise-t-il d’emblée. Mais on a évidemment évoqué cette perspective avec FrançoisVitali (NDLR : responsable du recrutement au LOSC et du sportif au RMP). Je ne vais pas mentir. Je n’aurais pas signé au Canonnier si le club était resté en D2.  »

De la compétition belge, Mézague ne sait finalement pas grand-chose.  »  » Je connais forcément Anderlecht, Bruges, le Standard et Genk à travers leurs prestations sur la scène européenne. Mais je vais devoir m’adapter au championnat. A la culture. A la manière de jouer.  »

Mézague, qui a remporté la Coupe Gambardella (la Coupe de France pour les U19) avec Montpellier en 2009, connaît ses atouts.  » Je n’ai guère 300 matchs de référence derrière moi mais je possède un peu d’expérience et des qualités athlétiques. Je suis puissant, véloce. J’ai de bonnes détente et lecture du jeu. Je compte bien les mettre à profit.  »

Il sait que l’objectif de Mouscron est le maintien mais le Marseillais de naissance arrivé sur le tard est persuadé que les promus ne seront pas un oiseau pour le chat.  » Les premiers contacts remontent à quelques semaines seulement. Je suis venu visiter les installations. On m’a présenté le projet. Ce noyau est essentiellement composé de joueurs talentueux qui n’ont pas bénéficié de beaucoup de temps de jeu en France et en Belgique. Il y a vraiment de la qualité dans le groupe. Des joueurs revanchards qui n’ont pas pu s’exprimer dans leurs clubs respectifs. Je suis convaincu que nous avons les moyens de jouer les trouble-fêtes.  »

Jérémy Houzé, l’enfant du Futuro

Le président VanDaele disait récemment souhaiter plus d’interaction entre le groupe pro et le Futurosport et voir davantage de joueurs belges dans l’effectif. Pour l’instant, JérémyHouzé est le seul pur produit du Futuro dans le noyau.  » L’an passé, FlorentinVanRoy en faisait également partie. Mais j’ai appris qu’il ne continuait pas l’aventure avec nous,  » raconte le milieu de terrain.

On est évidemment loin du temps où les DaanVanGijseghem, les PacoSanchez, les BastienChantry et les… JeanPhilippeCharlet foulaient régulièrement la pelouse du Canonnier le samedi soir.  » Le club se cherche. L’équipe se met en place. Mais nous sommes suivis de très près. Je pense qu’avec le temps, tout va s’équilibrer. D’autant qu’il y a pour l’instant d’excellents jeunes au Futurosport. Surtout chez 15-16 ans. Il n’y a pas de secret. Il faut travailler.  »

Il le reconnaît. Aux heures les plus noires de l’Excel, Houzé a douté quant à son avenir.  » Quand le club s’est cassé la figure, tout le monde s’est posé des questions. Mais Philippe Saint-Jean m’a persuadé de croire en ce projet. Beaucoup de gens ont critiqué le rapprochement avec Lille. Or, sans le LOSC, nous n’en serions pas là. La saison dernière, avec les entraînements au domaine de Luchin, j’ai pu vivre le monde pro et un encadrement du top en division 2. Techniquement, c’est un autre monde.  »

L’an dernier, Jérémy Houzé est monté quatre fois au jeu. L’une en coupe avec ArnaudDosSantos.  » Nous étions menés 2-0 et nous sommes revenus à 2-2 mais nous avons perdu aux penalties.  » Les trois autres sous Rachid Chihab. Quelques minutes par-ci par-là contre Westerlo, le RWDM et Virton.  » J’ai joué mon premier match en réserves le jour de mes seize ans et six mois plus tard, la direction me proposait de signer un contrat pro. Pour l’instant, je bosse et j’attends mon heure. Faut passer par là. J’ai engrangé beaucoup d’expérience en côtoyant des mecs comme Pichot. Appris à exploiter ma vitesse, à gérer les duels. Je suis déjà souvent retenu et je n’ai que 17 ans. Mais je sais aussi pertinemment que la concurrence s’est accrue.  »

Houzé a bien compris qu’il en est à un moment charnière de sa carrière.  » Passer de la réserve à l’équipe première, c’est un cap à franchir. Et je n’estime pas encore y être parvenu. Ce sera mon sentiment quand je serai devenu titulaire. Là, je passerai vraiment de l’enfance à l’âge adulte.  »

Ses ambitions ?  » On va devoir gérer notre statut de montant. Et perso, je veux parvenir à faire mon trou. Ma place de prédilection ? Bonne question. Pour l’instant, on m’a utilisé deux fois dans l’axe et deux fois sur les ailes. Je ne suis pas une armoire à glace et je n’ai pas encore totalement terminé ma croissance mais je possède un assez gros volume de jeu et une vraie capacité à répéter les efforts.  »

PAR JULIEN BROQUET – IMAGES BELGAIMAGE

 » La D1 belge, c’est un formidable tremplin.  » Stéphane Pichot

 » Les entraînements à Luchin, ça t’apprend à vivre le football pro.  » Jérémy Houzé

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