Jésus, CHRIS !

Bruno Govers

Le flamboyant Suédois a définitivement conquis tous les puristes au Parc Astrid.

Pour la deuxième fois d’affilée, Anderlecht a dû se satisfaire d’un nul blanc cette saison. Si le premier a réellement porté à conséquence, puisque synonyme d’élimination en Coupe de Belgique, le partage concédé face à l’Excelsior Mouscron, lui, ne fera sans doute que retarder la célébration du 27e titre. Un sacre qui pourrait éventuellement se concrétiser lors du prochain match à domicile des Mauve et Blanc contre Mons, à condition que le Club Brugeois y mette et, surtout, que le Sporting ne perde pas de plumes au Standard. Ce qui, dans le contexte actuel, n’est pas évident…

Christian Wilhelmsson : 12 points sur nos sept dernières rencontres en championnat en tenant compte du match rejoué contre Heusden-Zolder, ce n’est pas vraiment la moyenne d’un candidat champion, il faut bien l’admettre. Mais j’ai cru que la mécanique était définitivement relancée suite à notre bon match contre Heusden-Zolder ainsi que notre bonne prestation d’ensemble à Beveren. Mais suite à ce score vierge face aux Hurlus, il nous faut à nouveau déchanter. Ce n’est pas dramatique, en ce sens que nous conservons quand même une avance substantielle au classement sur les Bleu et Noir. Mais j’aimerais tuer le suspense le plus tôt possible. C’est mon premier titre qui est en jeu et j’ai hâte de le fêter.

Quel bilan tirez-vous de votre première saison anderlechtoise ?

Je n’ai pas vraiment à me plaindre puisque le club a réalisé une bonne campagne, tant sur le plan national qu’européen. En tant que nouveau venu, je suis satisfait d’avoir pu y apporter ma contribution, vu que j’ai rapidement fait figure de titulaire à part entière. Ce statut a dopé ma confiance et, au fil des matches, j’ai joué de manière de plus en plus libérée. Au départ, je me contentais de respecter scrupuleusement les consignes, en veillant essentiellement au collectif. Cette attitude est toujours restée ma priorité mais, en raison de notre cavalier seul, je me suis permis de temps à autre une petite touche plus personnelle pour épater la galerie. Comme contre Heusden-Zolder récemment.

Votre geste technique qui avait valu à Aruna Dindane d’inscrire le cinquième but ce soir-là, fait sans conteste partie des chefs-d’£uvre techniques de la saison.

Merci. Mais le mérite en revient essentiellement à Ronaldinho. J’avais vu le Brésilien réussir ce truc, plus tôt dans la saison, avec Barcelone, et j’étais d’emblée conquis. Dès le lendemain, dans mon jardin, je me suis efforcé de l’imiter. Après plusieurs jours d’application, avec ma copine Carolina en guise d’adversaire, j’ai fini par maîtriser le mouvement. Il ne me restait plus qu’à le tester sur le terrain face à une opposition un peu plus sérieuse que ma chère et tendre (il rit). En bout de rencontre, face aux joueurs limbourgeois, j’ai estimé le moment venu de passer à l’acte. Et j’y suis parvenu avec succès. D’ici la fin du championnat, pour peu que le titre soit dans la poche, j’espère encore pouvoir régaler le public anderlechtois avec certaines astuces. Pour l’heure, je m’entraîne en tout cas sur une ficelle bien particulière. Le jour où je la posséderai à fond, je l’exposerai aux regards, c’est sûr. Et, ce qui ne gâte rien, je n’ai vu personne d’autre l’utiliser à ce jour. Il s’agira donc d’une production tout à fait personnelle !

Roberto Baggio comme modèle

Un magicien du dribble, n’est-ce pas atypique dans le chef d’un Suédois ?

Aussi loin que je me souvienne, les jonglages ont toujours constitué ma passion. Du matin au soir, je m’y essayais. A l’école, lors des changements de classe, je passais d’un local à l’autre en maintenant un ballon en l’air. Et j’en conservais même la maîtrise sur des escaliers bondés (il rit). Aux cours, il m’arrivait souvent d’avoir des fourmis dans les jambes. Dans ce cas, je faisais suffisamment de raffut pour être mis temporairement à la porte. Je profitais alors de ces cinq ou dix minutes de punition pour entretenir mon adresse avec une balle enfouie dans un sac au porte manteau. A la maison, il en allait du pareil au même. J’investissais invariablement la pelouse et, si d’aventure il pleuvait, je jouais carrément à l’intérieur. Du moins quand ma mère n’était pas à la maison. Et encore (il rit). Elle en a vu de toutes les couleurs avec moi. Avant de mettre le cap sur la Norvège, et Stabaek en particulier, j’ai voulu m’assurer que mon frère cadet, André, puisse continuer également à assouvir sa passion pour le football. Aussi, le jour où un grutier déblaya la plaine des sports située non loin de notre domicile, je lui demandai de déposer l’armature d’un des buts dans notre jardin. Je ne suis pas près d’oublier cette scène. Ainsi que la tête de ma mère (il rit).

La plupart des joueurs nordiques empruntent le chemin du sud. Il suffit de songer aux exemples de Pär Zetterberg à Anderlecht, Thomas Brolin à Parme ou Zlatan Ibrahimovic à l’Ajax, pour ne citer qu’eux. Vous, vous avez choisi de quitter votre club d’origine Mjällby à destination d’un pays voisin. A contre-courant, une fois encore.

Détrompez-vous : je n’étais peut-être pas brillant en géographie, mais je savais quand même où se trouvait Oslo par rapport à mon patelin d’origine sur la côte. Mais après deux saisons à l’échelon de la D2 suédoise et faute d’intérêt réel, pour moi, de la part de clubs de compétitions plus huppées, j’ai préféré, dans un premier temps, et à l’âge de 18 ans, étoffer mon registre au contact de l’élite norvégienne. Avec le recul, ce fut un coup dans le mille, dans la mesure où j’ai à la fois appris à me battre sur un terrain là-bas, tout en focalisant l’attention sur ma personne. Avant d’aboutir à Anderlecht, il faut savoir que j’avais déjà eu des touches, dans le passé, avec Heerenveen, Marseille et, surtout, l’Udinese. Je ne cache pas qu’il m’aurait plu, à l’époque, de tenter l’expérience dans le Frioul. Car le Calcio, c’était ma référence. Gosse, je n’avais d’yeux que pour Roberto Baggio. Un poster à son effigie ornait d’ailleurs ma chambre. Le jour où mes parents voulurent m’offrir mes premiers souliers à crampons, c’était le drame à la maison car je voulais les Diadora de Roby et rien d’autre. Or, chez nous, on ne vendait que des Adidas , des Puma et des Nike. J’ai finalement scié jusqu’à ce que j’obtienne satisfaction. Même si les bottines n’étaient pas à ma pointure puisque j’avais un tout petit pied. Qu’importe, j’ai joué avec des pointes rembourrées pendant deux ans (il rit).

Aujourd’hui, c’est vous qui faites rêver pas mal de jeunes. L’auriez-vous cru à cette époque ?

Non, j’étais loin de m’en douter. Ma carrière ne s’est vraiment emballée que depuis un an. Si on m’avait dit, en début de saison passée, que je militerais à Anderlecht à présent, je me serais pincé. Et pourtant, cette fiction est bel et bien devenue réalité. Depuis lors, tout s’est encore accéléré puisque, de simple substitut en équipe nationale suédoise, je suis devenu titulaire à part entière, avec de réelles perspectives de participer à l’EURO 2004. Mais je ne me considère encore nullement comme une vedette pour autant : je suis loin de jouir de la même cote qu’un Zlatan Ibrahimovic, par exemple. Voire de la star des stars, Henrik Larsson. La génération suédoise actuelle doit assurément une fière chandelle à l’attaquant du Celtic Glasgow. C’est lui, via des performances de choix, qui a donné une nouvelle impulsion au football chez nous. Au moment où j’ai moi-même quitté la mère patrie, en 1998, le ballon rond était très loin d’être le sport-roi. En raison de ses succès en Ecosse, Henke a contribué à inverser la tendance par rapport au hockey sur glace. Aujourd’hui, les assistances ne sont plus mitigées comme autrefois. Le derby de Göteborg entre GAIS et l’IFK a même fait stade comble l’année passée. Près de 42.000 personnes pour un match de football national, c’était du jamais vu jusque-là.

La faute du Standard

Vous avez croisé Henrik Larsson sur votre route cette saison. Avec un bon et un mauvais souvenirs à la clé.

Le match aller, au stade Constant Vanden Stock, a été, pour moi, l’un des moments les plus mémorables de ma carrière. Non seulement nous l’avions emporté à cette occasion, mais, de plus, j’avais donné la passe décisive sur le seul but de la partie, inscrit par Aruna Dindane. C’était la première victoire de l’équipe en Ligue des Champions, cette année, et elle avait fustigé le moral de tout le monde avant le retour à Parkhead. Mais là, il nous aura fallu composer avec des Vert et Blanc déchaînés. Autant ce revers ne souffrait pas la moindre discussion, autant je regrette les unités bêtement perdues à Lyon et au Bayern Munich. Par deux fois, nous avons payé un lourd tribut à des penaltys discutables, sans pouvoir redresser la barre. Cette absence de points lors de nos déplacements européens, c’est, à mes yeux, le gros point noir de cette saison. L’autre déception, c’est notre élimination en demi-finales de la Coupe de Belgique et, dans une moindre mesure, le deuxième tour de la compétition où nous n’avons pas su reproduire le même jeu chatoyant qu’avant la trêve.

Comment expliquer cette rentrée dans le rang ?

Au risque d’en surprendre plus d’un, il faut selon moi en imputer la responsabilité au Standard. Je m’explique : après une préparation poussée à Maspalomas, cet hiver, nous avions repris en mineur, en championnat, à la faveur d’un déplacement à l’Antwerp. En dépit d’une prestation en demi-teinte, notre avance n’en était pas moins passée de huit à dix points sur les Rouches, coupables de s’être fait piéger sur leur terrain par l’Excelsior Mouscron précisément. La semaine suivante, ce fut du pareil au même : tandis que nous étions pour le moins heureux de l’emporter contre Gand, les Liégeois étaient contraints au draw à Lokeren. En définitive, notre avance doubla en l’espace d’un bon mois et ce, sans jouer une seule fois bien nous-mêmes. Dans ces conditions, un laisser-aller n’est pas étonnant. Je suis persuadé qu’il n’aurait pas eu lieu si le Standard s’était accroché à nos basques. Dans ce cas, nous aurions dû redoubler d’ardeur afin de conserver notre leadership. Je suis d’avis aussi que le départ d’Ivica Mornar n’a pas servi nos intérêts. Au cours des matches aller, l’attaquant croate avait réellement pesé de tout son poids sur les défenses adverses. Au deuxième tour, suite aux indisponibilités de plusieurs éléments offensifs, dont moi-même, l’équipe n’a plus toujours su convertir aussi aisément dans les chiffres sa supériorité sur le terrain. Je n’en veux pour preuve que nos aléas récents à Beveren. Même contre les Hurlus, samedi passé.

Le plus black des Blancs

En tant que joueur spectaculaire vous-même, que vous inspire la cavalerie légère du Freethiel ?

Les Ivoiriens sont, pour moi, la toute bonne surprise de la saison. J’avoue que, dans une large mesure, le football belge est comparable au norvégien. Avec un Anderlecht dominateur dans le rôle de Rosenborg Trondheim, à cette nuance près que l’écart avec les suivants n’est pas aussi marqué ici, même si l’avance criante du Sporting tend à prouver le contraire. En revanche, une formation qui se distingue par une technique d’ensemble au-dessus de la moyenne, comme Beveren, c’est un phénomène que je ne connaissais pas. Honnêtement, je suis sous le charme de cette colonie africaine qui donne vie comme nulle autre au ballon. C’est franchement du grand art. Le jour où tous ces joueurs, sans exception, tiendront la distance pendant 90 minutes au lieu de s’effacer après une heure de jeu, les Waeslandiens seront des candidats sérieux au titre. Et dieu sait les exploits qu’aurait pu envisager une équipe au complet de l’Académie Guillou avec des gars comme Kolo Touré (Arsenal) ou Aruna Dindane. Je côtoie tous les jours ce dernier à l’entraînement et il n’en finit pas de m’épater. Après mon fameux assist sur le cinquième but contre Heusden-Zolder, il m’a même fait le plus beau de tous les compliments en disant que j’étais le plus black de tous les Blancs du Sporting (il rit).

Mis à part la facilité de geste, un autre détail vous rapproche d’Aruna Dindane : vous n’êtes pas un buteur-né.

J’en suis à quatre réalisations pour le moment. C’est peu en regard de la dizaine de buts, en moyenne, que j’inscrivais annuellement en Suède ou en Norvège. Il n’en va pas des statistiques d’un véritable goleador, mais ce ne sont pas les chiffres d’un cul de jatte non plus. Ce que je ne m’explique pas, c’est que j’exploite les situations les plus difficiles alors que je loupe parfois l’immanquable. Mais je me dis qu’il vaut peut-être mieux ce cas de figure-là, qui peut être corrigé, plutôt que le contraire. Je vise aussi une plus grande régularité. J’alterne encore trop souvent les bons matches avec des prestations de moindre niveau. Mais par rapport à mes années en Norvège, j’ai déjà accompli un grand pas vers l’avant en matière de constance. Dès la saison prochaine, je serai devenu tout à fait régulier, promis juré.

Bruno Govers

 » A l’école, je jonglais dans LES COULOIRS ET LES ESCALIERS « 

 » Je suis SOUS LE CHARME DE BEVEREN « 

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