Depuis le samedi 15 mai, il est habilité à arbitrer en D2.

Le 21 septembre prochain, Jerôme Nzolo Efong fêtera son 30e anniversaire. A ce moment-là, il aura déjà arbitré ses premiers matches de D2 puisque, ce samedi 15 mai, la fédération lui a fait savoir qu’il avait été promu. L’homme est fier : jamais un arbitre de couleur n’avait été aussi haut dans la hiérarchie, même pas en D3. Au point où il en est, il a le droit de faire de la D1 son prochain objectif. Mais qui est donc celui que, tout le monde appelle Jérôme ?

 » En Afrique, les noms ne peuvent pas mourir. C’est pour cela qu’au Gabon on m’appelle EfongNzolo, le premier est le nom de mon grand-père, le second celui de mon père et en Belgique, la coutume veut que c’est celui-là qui prévaut « .

Une petite mise au point qui n’étonnera pas ceux qui ont suivi la dernière Coupe d’Afrique des Nations où des joueurs fort connus n’arboraient pas sur leur maillot le nom qu’on a coutume de leur donner dans nos pays. Ainsi pour citer un exemple belge, le Louviérois PeterOdemwingie était appelé Osaze.

Jérôme est arrivé en Belgique le 8 octobre 1995, pour suivre des études en électromécanique. Au Gabon, où le système scolaire est calqué sur celui de la France, il a obtenu son baccalauréat avec grande distinction et, du coup, l’Etat lui a octroyé une bourse. C’est l’Etat aussi qui choisit la destination et l’école où l’étudiant va se perfectionner. Pour Jérôme, le choix s’est porté sur la Belgique. Il étudiera à l’UT de Charleroi et sera logé dans un petit appartement à 100 mètres du stade du Sporting. Passionné de foot, il se dit qu’il pourrait retâter du ballon ne fût-ce que pour ne pas rester inactif. Contrairement à de nombreux jeunes de 21 ans, ce qui intéresse Jérôme, c’est l’arbitrage mais la première session de cours a déjà débuté et il devra patienter jusqu’en janvier 1996. En attendant, des amis l’invitent à rejoindre Lodelinsart, en 3e Provinciale Hainaut, auquel il est toujours affilié aujourd’hui. Il y évoluera pendant deux ou trois mois avant de passer à l’arbitrage.

Arbitre à 14 ans

 » Cette passion pour l’arbitrage remonte à mes 13 ans, je jouais à l’US Mbilanziani… comme ailier gauche, bien que je ne sois pas gaucher. Un jour, je me suis retrouvé avec les deux chevilles plâtrées. J’ai perdu un mois d’école et mon père, Michel Nzolo Minko, m’a mis devant le fait accompli. Je devais choisir entre le football et l’école. Il ne m’imposa rien mais en Afrique, quand on a un bon diplôme, on est assuré de trouver un emploi, tandis que le football, même pour un Cadet qui joue avec les Juniors est très aléatoire. C’est donc moi qui ai opté pour les études. Mais mon père, même s’il n’était pas un fan, n’a jamais empêché mon demi-frère, AurélienNzoloBekogo, de jouer au football. Il a fait toutes ses classes avec DieudonnéLondo, l’ailier de Mons. Attaquant de formation, mon demi-frère est international et a d’ailleurs disputé les qualifications pour la CAN 2004 dans le groupe 7 remporté par le Maroc. Si j’avais opté pour les études, je ne tenais pas à abandonner le foot et j’ai ainsi commencé les cours d’arbitrage à 14 ans. A 21 ans, lorsque j’ai quitté le pays, j’étais en D1 mais évidemment, il n’y a pas au Gabon autant de divisions qu’en Belgique « .

En Belgique, Jérôme a tout repris à zéro. Les cours ont été un succès et les choses sont allées très vite :  » J’ai rapidement été accepté et j’ai toujours été bien soutenu au niveau de la province, notamment par DavidDelférière qui, à l’époque, était président du CPA Hainaut et de son équipe. L’arbitrage était mon hobby préféré. Si les choses n’avaient pas tourné comme ça, si j’avais ressenti un malaise, je serais probablement retourné au Gabon à la fin de mes études en juin 2000. Pour parler vulgairement, je prends mon pied dans l’arbitrage et j’arrêterai le jour où ce ne sera plus le cas. Si j’étais rentré au pays, je serais probablement déjà international. Les cinq garçons avec lesquels j’ai commencé sont tous, soit arbitre, soit assistant avec badge FIFA. D’ailleurs, quand je les rencontre, ils me taquinent « .

Des supporters à Berchem

Jérôme a décidé de rester en Belgique où, lors de sa dernière année d’études, il a rencontré Lorena. Le choix sera dur, cependant :  » Ma mère, Marie, a eu deux enfants. Elle a perdu ma petite s£ur juste avant que je lui annonce ma décision de vivre en Belgique. J’étais le seul enfant qui lui restait et j’allais habiter à des milliers de kilomètres d’elle… Sa réponse a été : – Tant que tu es heureux, je le suis aussi. Bref, j’ai dû décider seul « .

Jérôme sillonnera la province de Hainaut pendant cinq saisons (de 1996 à 2001), le temps qu’il lui faudra pour passer des Minimes à la 1re Provinciale.  » Les gens ici m’ont beaucoup encouragé. L’intégration s’est bien faite. On parle toujours de Charleroi comme du Pays Noir mais c’est un endroit convivial « .

En septembre 2001, il monte en Promotion où il restera deux saisons.  » J’ai arbitré mon premier match à Aarschot. Ce qui m’a surpris, c’est qu’à l’issue de la rencontre une journaliste du Standaard est venue me poser quelques questions de routine et le journal est même venu photographier le petit appartement où je vivais. Quelques jours plus tard, MichelPiraux, qui revenait de Barcelone où il était allé arbitrer un match, me dit que dans l’avion vers l’Espagne, il avait lu un article sur moi. Je me suis informé et j’en ai eu confirmation quinze jours plus tard quand j’ai reçu le journal. Manifestement mon cas intéresse plus la presse flamande que la presse francophone. C’est un peu comme si en Wallonie, on trouve normal qu’il y ait un arbitre de couleur. Dans le Hainaut, ils sont habitués à me voir. J’ai en tout cas été contacté par plusieurs médias néerlandophones « .

La situation politique en Flandre et plus particulièrement à Anvers, explique peut-être cette curiosité :  » J’avoue que dès ma montée en Nationales, je me suis demandé ce qu’il allait m’arriver quand la CCA m’enverrait arbitrer à Anvers, du moins dans le noyau dur. Ce fut le cas lors du premier match de cette saison 2003-2004 à Berchem. Eh bien, un groupe de supporters m’a encouragé pendant tout le match. Je n’en revenais pas. Le visionneur était surpris lui aussi et me lança : -Je n’ai jamais vu ça, des supporters qui encouragent un arbitre. Je ne comprenais pas non plus : ce n’étaient pas des copains qui étaient là et j’ai répondu au visionneur : -Mais ce sont des Anversois, regardez il n’y a que des Blancs. Et ce n’est pas tout, à mon départ, soit une bonne heure plus tard, ils étaient là pour me féliciter « .

L’aide à la jeunesse

Retour en arrière : Jérôme se souvient également de sa deuxième apparition en Promotion à Rhode-Ste-Genèse.  » Ce match a été très important pour moi car il m’a incité à suivre des cours de néerlandais. Comme je parle beaucoup aux joueurs, j’étais conscient que ma méconnaissance du néerlandais constituait une barrière. Ce jour-là, comme mes assistants néerlandophones ne me comprenaient pas, je leur ai donné mes instructions en anglais et je me suis dit que cela ne constituait pas une solution. Depuis, les choses vont nettement mieux et, avec les joueurs, je n’ai pas de problème. Des joueurs qui font semblant de ne pas comprendre, il y en a aussi parmi les francophones. La grande majorité des footballeurs néerlandophones apprécient que l’on fournisse un effort et, très souvent, il y en a qui me répondent dans un français impeccable « .

Fin 2001 également, Jérôme a trouvé de l’embauche à la Sonatine, un centre d’accueil d’urgence à Bruxelles.  » Cela m’a changé de mes boulots temporaires en électromécanique. Evidemment, mon emploi n’a rien à voir avec mon diplôme mais il me permet d’aller à mes matches et comme, dans l’aide à la jeunesse, les horaires sont très flexibles, je n’éprouve pas de problème à concilier les deux activités « .

Nicolas Ribaudo

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