» Je voulais découvrir la Flandre « 

Du Standard à Bruges en passant par Virton et l’usine. Le Luxembourgeois démontre qu’il y a du talent en D3… à condition de bien prospecter et de polir les diamants qu’on y trouve.

Bruges a cru en lui, pas le Standard. C’est de cette manière qu’on peut résumer le choix de ThomasMeunier en faveur du Club Bruges. Attention toutefois au raccourci : formé pendant trois ans dans les équipes d’âge des Rouches, l’ancien joueur de Virton ne s’y est pas totalement épanoui… entre autres en raison de ses problèmes de croissance.

 » Je ne sais pas si beaucoup de gens se souviennent encore de moi « , souligne-t-il.  » La plupart des personnes que j’y ai côtoyées ont quitté le club. A la direction de l’école de jeunes, on trouvait TomislavIvic, ChristopheDessy et DominiqueD’Onofrio. Même les joueurs avec lesquels j’ai joué sont partis, à l’exception du gardien AnthonyMoris. Dans ma génération, il y avait par exemple LuisPedroCavanda, qui s’est exilé en Italie, et ChristopherVerbist, qui est parti à Charleroi. La construction de l’Académie Robert Louis-Dreyfus n’était pas encore achevée et je n’avais jamais joué à Sclessin avant le match de Jupiler League avec Bruges voici peu.  »

Un coup de fil de maman

Meunier est arrivé au Standard en provenance de Sainte-Ode, un petit club de P2 luxembourgeoise. La différence était énorme.  » J’avais été repéré par un scout lors des matches des sélections provinciales. J’ai été convié à passer un test avec le Standard lors d’un match contre Charleroi qu’on a gagné 4-0 et j’ai marqué trois buts. J’allais avoir 14 ans et j’étais fier, car peu de jeunes joueurs luxembourgeois quittent leur club pour rejoindre directement la D1. A ce moment-là, j’avais aussi été repris dans les sélections nationales de jeunes, où j’ai côtoyé EdenHazard en U14. Brièvement, car il est rapidement monté de catégorie, mais quand même… Il y avait aussi GianniBruno, un autre Lillois, et KevinDeBruyne. Moi, j’étais simplement content d’être là. Je ne pensais pas réaliser une carrière pro. Je jouais comme n°9, un vrai buteur, et j’étais encore relativement petit. Je jouais sur ma technique, à tel point que l’on me reprochait fréquemment de ne pas lâcher mon ballon. Au début, cela s’est très bien passé pour moi au Standard. Jusqu’au moment où les blessures au genou et au dos, dues à mes problèmes de croissance, se sont succédé. J’ai grandi de 30 centimètres en deux ans.  »

Au terme de sa troisième saison au Standard, on a jugé que le bilan de Meunier était insuffisant et il a été invité à se chercher un autre club. Ce fut Virton, sur un coup de fil de… sa mère.  » Elle avait vu que l’Excelsior organisait un stage de détection pour les jeunes talents et elle a téléphoné pour m’inscrire. Virton était le plus grand club de la province : il évoluait encore en D2, alors que Bertrix et Bleid n’avaient pas encore atteint la D3. Je n’étais pas plus enthousiaste que cela, j’avais surtout envie de vivre une adolescence comme les autres, sans avoir constamment le football en tête. Vu que j’ai été bien accueilli, je suis resté. Avec le recul, je dois reconnaître que ma mère a eu raison. C’est sans doute grâce à ce coup de fil que j’ai percé et que je me retrouve aujourd’hui en D1. « 

A l’usine pendant deux ans

Meunier n’a pas décollé directement en équipe Première, à Virton. Lors de sa première saison, il a de nouveau souffert de problèmes au genou et l’Excelsior a voulu le prêter à Givry, en Promotion.  » J’ai demandé conseil et les avis divergeaient : certains me conseillaient d’accepter, parce que j’étais certain de jouer en D4 ; d’autres me conseillaient de refuser, parce que je redescendrais trop bas et que j’aurais du mal à remonter la pente. J’ai choisi de rester à Virton. « 

Où il combinait football et travail.  » J’avais terminé mes études. Et pour ne pas rester les bras croisés alors qu’on s’entraînait seulement trois fois par semaine en soirée, j’avais trouvé un job à l’usine Saint-Gobin de Bastogne, qui fabrique des vitres et des pare-brises de voitures. J’étais affecté au département accessoires, je préparais les commandes pour les clients. Ça me plaisait, car j’y côtoyais d’autres footballeurs, dont la plupart évoluaient en Provinciales. Lors des pauses, on discutait foot. J’ai travaillé là-bas jusqu’au 1er mars de cette année.  »

La deuxième saison de Meunier à Virton est meilleure.  » L’Excelsior était descendu de D2 en D3. Cette descente fut peut-être ma chance, car de nombreux cadres s’en sont allés et leur départ a ouvert la voie.  » C’est surtout au premier tour de la saison 2010-2011 que Meunier a éclaté sous le maillot des Gaumais.  » On a réalisé une série de 30 points sur 30 et je marquais assez facilement : six buts au premier tour.  » Auxquels il en ajoutera encore cinq au second, alors qu’il avait déjà signé à Bruges.

La possibilité d’un retour au Standard s’est pourtant présentée.  » La saison dernière, PierreFrançois m’a téléphoné alors que j’étais au travail « , raconte-t-il.  » La conversation a été très brève. L’intérêt était mitigé des deux côtés. D’une part, je ne pense pas que le Standard avait fait de moi une priorité. Et d’autre part, j’avais déjà pris ma décision : je n’avais pas envie de retourner chez les Rouches. Pas parce que j’avais gardé de mauvais souvenirs de mon passage là-bas, mais je préférais partir en Flandre, histoire de découvrir autre chose. La Wallonie, j’en avais fait le tour. J’avais envie de me prendre en mains, d’être responsable, de vivre ma vie. Zulte, Saint-Trond, Courtrai et d’autres clubs se sont intéressés à moi. Si j’ai opté pour Bruges, c’est parce que j’ai senti que l’on croyait en moi. Le défi était intéressant tant sur le plan sportif que financier. J’ai été le dernier transfert de l’ancien manager LucDevroe.  »

Une réussite rapide

Peu de gens croyaient en la réussite de Meunier lorsqu’il a signé à Bruges.

 » Des copains m’ont déjà confié : – Jen’aijamaiscruquetuallaisarriver aussi haut ! Tout compte fait, c’est peut-être plus facile de jouer en D1 qu’en D3, car on laisse davantage les joueurs s’exprimer parmi l’élite. En D3, dès que tu as le ballon, on te rentre dedans. Au plus haut niveau, on met davantage l’accent sur la tactique et le placement. Cela dit, je suis moi-même surpris par la rapidité avec laquelle je me suis fondu dans le collectif brugeois. Au départ, je m’attendais à jouer avec la Réserve et à ne faire que l’une ou l’autre apparition en équipe Première, lorsqu’il y avait des défections. Ce sentiment s’est renforcé lorsque j’ai découvert les autres transferts réalisés : Björn Vleminckx, Victor Vazquez, Lior Refaelov, etc. Là, j’ai légèrement frissonné en me disant : – Aïe, l’horizonestentraindeseboucher ! Or, j’ai déjà été titulaire à plusieurs reprises. Au départ, j’ai sans doute obtenu ma chance grâce à la blessure de Refaelov. Mais j’avais déjà laissé une bonne impression lors des matches amicaux. J’ai marqué, délivré des assists et Adrie Koster s’est sans doute aperçu qu’il pourrait compter sur moi plus vite que prévu. Lors des Matines Brugeoises, j’ai joué pour la première fois devant 26.000 personnes. Pour moi, c’était magique. J’ai enchaîné lors de la première journée de championnat contre Westerlo et j’ai marqué dès ma montée au jeu. Je ne savais pas ce qu’il m’arrivait. J’étais perdu, je me demandais comment je devais célébrer ce but : lever les bras au ciel, tourner en rond, courir vers le public ? Après le match, tous les journalistes voulaient m’aborder. Ce fut mon baptême du feu avec la presse nationale, car avant cela, il n’y avait que la presse régionale qui s’intéressait à moi.

Je pense être un attaquant relativement complet. Je suis grand, je fais le poids physiquement, et je me débrouille bien techniquement. On a parfois tendance à me considérer essentiellement comme un joueur physique, en raison de ma taille, mais au départ j’étais surtout un joueur technique. Des qualités que j’ai développées en jouant au mini-foot, un sport que j’adorais et que je pratiquais avant le vendredi soir, à l’insu du Standard, lorsque je rentrais à la maison le week-end après une semaine en internat. Certains affirment que, malgré ma grande taille, je suis plus à l’aise avec les pieds que dans le jeu de tête. Mais je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que mon jeu de tête est faible. Ils ne m’ont sans doute jamais vu jouer de la tête ! Avec Virton, j’ai marqué plusieurs buts de cette façon. Forcément, depuis que je joue sur les flancs, j’ai moins souvent l’occasion de me retrouver devant le but pour reprendre un ballon de la tête. « 

Fan d’Anderlecht dans sa jeunesse

Les qualités de Meunier n’ont pas échappé aux recruteurs. La saison dernière, il a fait l’objet de nombreuses sollicitations.  » Même Anderlecht m’a suivi « , révèle-t-il.  » Apparemment, je n’ai pas convaincu les scouts des Mauves. Tant pis. Lorsque j’étais gamin, j’étais supporter d’Anderlecht. Je regrette cependant qu’un journal flamand en ait fait son gros titre lorsque j’ai signé à Bruges, car cette passion de jeunesse s’est estompée depuis longtemps. Vous savez, quand on est Luxembourgeois, on vous demande de choisir : – Tu tiens pour qui ? Anderlecht ou le Standard ? Il n’y a que ces deux choix-là, et j’ai opté pour les Mauves. J’aimais bien AlinStoica, PärZetterberg et ChristianWilhelmsson. Ces joueurs techniques étaient mes modèles. Mais je suis rarement allé les voir au Parc Astrid. Je ne me suis d’ailleurs pas rendu plus souvent à Sclessin. Avant d’atterrir en D1, la dernière fois que j’avais vu le Standard, c’était lorsqu’il est venu jouer un match amical à Virton. MilanJovanovic portait encore le maillot rouche… Pour tout avouer, je ne me suis jamais vraiment intéressé à la D1 avant cette saison. Je ne suivais que la Premier League car j’adore Manchester United.  »

De n°10 à joueur de flanc

Meunier a-t-il déjà progressé, en six mois à Bruges ?  » Enormément. Les entraînements de D1 sont évidemment très différents de ceux de D3. A Virton, on allait s’entraîner à 18 h 30, lorsque tout le monde avait terminé sa journée de travail. Les infrastructures n’ont rien de comparables non plus. A Bruges, on dispose de tout le matériel nécessaire : salle de musculation, salle de gymnastique, sauna. A Virton, le staff médical était de qualité mais pour la musculation, on disposait seulement d’un appareil qui avait 15 fonctions et qui ne marchait pas toujours. Depuis que je suis à Bruges, j’ai déjà pris énormément de masse musculaire. Je ne reconnais plus mes cuisses, qui ont presque doublé de volume. Je me sens beaucoup plus fort dans les duels. J’ai aussi beaucoup travaillé la stabilité avec un ostéopathe, car j’ai tendance à perdre l’équilibre en raison d’une légère déformation de mon bassin.

Avant, mon hygiène de vie n’était pas toujours compatible avec celui d’un sportif non plus. J’adorais les sorties et je mangeais à peu près ce que je voulais. Comme mes parents travaillaient, je devais me débrouiller et je ne faisais pas trop attention. Je me rendais trois à quatre fois par semaine à la friterie. Aujourd’hui, je mange beaucoup plus sainement. Pourtant, physiquement, je ne m’estime pas encore au top. Il m’est arrivé d’être à court de jus en fin de match. On n’a pas encore eu énormément d’entraînements spécifiques réservés aux attaquants, mais lorsqu’il y en a, j’adore. KennethBrylle met l’accent sur l’amusement. Déviations, centres, frappes au but : il insiste sur l’efficacité, on doit marquer sur chaque action. Il m’arrive de frapper d’instinct, sans trop réfléchir, et mon ballon part alors dans les nuages. Brylle me reprend et me conseille de contrôler, de regarder la position du gardien et de viser un côté. J’ai changé de position sur le terrain.

A Virton, je jouais comme n°10 ou soutien d’attaque. Je pouvais me déplacer, j’avais énormément de liberté. Ici, mon rôle est mieux défini : je dois arpenter mon flanc, défendre lorsque c’est nécessaire. Cette place n’est pas une découverte : il m’est déjà arrivé, par le passé, de jouer sur le flanc, jamais bien longtemps c’est vrai. Le flanc gauche me convient très bien. J’aime rentrer dans le jeu et frapper de mon pied droit, le meilleur. Pourtant, j’avoue que je rêve encore de reprendre, un jour, mon rôle de n°10. C’est FranckyDury qui me fait rêver du n°10 : avec les Espoirs, c’est à cette position qu’il m’aligne. Et à chaque fois, je prends mon pied : je peux me retrouver au milieu de terrain quelques instants après m’être retrouvé devant le but. J’ai toujours eu besoin de courir, parfois comme un chien fou. Je suis incapable de rester en place, c’est le cas lorsque je suis chez moi aussi. Je sais qu’un rôle de n°10 est difficile à revendiquer à Bruges, car VadisOdjidja et Victor Vazquez remplissent ce rôle-là, mais un jour, sait-on jamais ?  »

Surpris par le limogeage de Koster

Meunier a aussi connu des passages à vide à Bruges. Logique pour un jeune joueur.  » J’ai tendance à me mettre énormément de pression. Je sais que, pour obtenir du crédit, j’ai l’obligation d’être bon. A chaque occasion qui m’est offerte, je donne donc le maximum. J’ai été paralysé par le stress. Lorsque je rate ma première passe, il arrive que j’en perde mes moyens. C’est arrivé à Courtrai. « 

Où Bruges s’est incliné après avoir mené. Le début de la fin pour Koster, qui n’a pas résisté à l’élimination en Coupe à Gand (4-4 après avoir mené 1-3) et à la défaite à domicile contre Genk (4-5 après avoir mené 4-2). Les cartes vont-elles être redistribuées ?  » Le limogeage du coach néerlandais m’a surpris « , reconnaît Meunier.  » Je ne m’y attendais pas du tout. Je suis un peu déçu aussi, car Koster me faisait confiance. Lors du premier match des intérimaires Rudy Verkempinck et Philippe Clement, j’ai joué et marqué à Birmingham. Maintenant, il faudra voir avec le nouvel entraîneur comment cela se passera…  »

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: KOEN BAUTERS

 » J’étais un petit joueur technique, je suis devenu un grand joueur physique. « 

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