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 » Je voudrais la technique de mon frère, il voudrait ma hargne « 

Trente ans après capi Jean-François, un De Sart peut lever la Coupe de Belgique. Cette photo d’époque est restée une relique dans la famille. Le petit dernier rêve d’exploit avec l’Antwerp.

C’est déjà sûr, il y aura un De Sart en finale de la Coupe de Belgique. Julien avec Courtrai. Ou Alexis avec l’Antwerp. Réponse sur le prénom ce jeudi soir au terme de Courtrai – Antwerp. Et on pourrait donc avoir un De Sart qui lève le trophée fin mars au Stade Roi Baudouin. Trente ans après le succès du père avec Liège dans la même épreuve, un symbole comme on les aime !

Alexis de Sart à l’Antwerp, c’est une des plus belles surprises de la saison. Il est arrivé sur la pointe des pieds durant l’été dernier, provenant d’un petit cube comme Saint-Trond, signant dans une équipe de gars au parcours long comme le bras. Entre-temps, le gamin accumule les matches. Et il le fait bien. Rencontre avec le troisième De Sart de l’histoire du football belge.

J’imagine que dans la famille, la Coupe est le sujet de conversation pour le moment ?

ALEXIS DE SART : Depuis le tirage des demi-finales, c’est le sujet, oui. On en a pas mal parlé avec Julien, avec Papa, avec les cousins. Toute la famille se réjouit déjà d’être au stade pour la finale. Moi, j’espère que je serai sur le terrain, pas dans une tribune…

La victoire de ton père en Coupe, vous en avez souvent parlé ?

DE SART : Oui, forcément. Liège, c’était son club de coeur. Il a levé la Coupe en tant que capitaine. Pour lui, ça a été plus fort émotionnellement que son titre de champion avec Anderlecht. La photo sur laquelle on le voit lever la Coupe, elle est toujours en bonne place chez mes parents.

Tu es né un an après la fin de sa carrière de joueur : tu as vu beaucoup d’images de ce qu’il a fait ?

DE SART : Je peux te dire que la vidéo de son but en Coupe d’Europe avec Liège contre Hibernian, on l’a souvent repassée. Et ça arrive encore maintenant. Une reprise de volée pareille à 30 mètres du but, c’était beau… Quand on reparle de sa carrière avec lui, il y a en général trois grands moments qui reviennent : ce but, la victoire en Coupe de Belgique et sa présence à la Coupe du monde 1990. Ça donne envie !

 » Tous nos matches de Coupe ont été débridés  »

Quand vous avez tiré Courtrai en demi-finale, on a cru que c’était une super affaire pour vous. Après le nul sur votre terrain au match aller, on se dit que ce n’est pas gagné.

DE SART : On savait que ce serait un match compliqué. Mais on espérait mieux. Peut-être qu’on aurait mérité mieux, aussi. On a un goût de trop peu. On a eu pas mal d’occasions puis ça s’est transformé en vrai match de Coupe sur la fin, c’était attaque, défense, attaque, défense. Complètement débridé, ça pouvait partir dans tous les sens. À l’image de tous nos matches en Coupe cette saison. On a été aux prolongations contre Lokeren, on s’est qualifié aux tirs au but contre Genk, on a gagné au Standard alors qu’on était encore mené après une heure. Rien que des matches difficiles. Et on se doute que ça ne va pas être simple à Courtrai. Je crois que ça va être un vrai combat.

Jean-François de Sart, au centre en-dessous de Robert Waseige, a remporté la Coupe de Belgique avec le RFC Liège, en 1990.
Jean-François de Sart, au centre en-dessous de Robert Waseige, a remporté la Coupe de Belgique avec le RFC Liège, en 1990.© BELGAIMAGE-CHRISTOPHE KETELS

La qualification sur le terrain du Standard, ça a été votre match référence cette saison ?

DE SART : Si je dois sortir un match référence, je dirais plutôt notre victoire contre Bruges au mois de novembre. On était dans une période compliquée, puis il y a eu cette étincelle. Après ça, on a enchaîné une super série, sans perdre. Plusieurs fois, on a été chercher des points au caractère. Ce qu’on a fait en Coupe au Standard, c’était un peu la même chose. On était mené mais on n’a rien lâché, c’est d’abord notre esprit d’équipe qui a gagné.

Comment tu expliques le gros passage à vide du mois d’octobre ? C’est difficile à expliquer quand on voit l’Antwerp qu’on a vu après ça !

DE SART : J’ai l’impression que les tours préliminaires de l’Europa League nous ont coûté plein d’énergie. Encore plus au niveau mental que physique.

 » Je n’ai pas le gabarit pour faire le ménage  »

Contre Courtrai en Coupe, tu étais continuellement dans la zone de ton frère et ça a parfois été assez chaud. Dans des moments pareils, frère ou étranger, ça ne compte pas ?

DE SART : C’est quand même très spécial ! Tu joues pour ton équipe, tu joues pour toi. D’un autre côté, tu te dis que tu as ton frère en face. Donc, tu es un peu dans un entre-deux, tu gardes toujours un peu de retenue. Mais en même temps, tu sais que tu ne peux pas te retenir. Donc, ce n’est pas évident de faire la part des choses dans le feu de l’action. La conclusion, peut-être, c’est que tu ne peux pas te retenir mais que tu dois rester correct.

Vous aviez déjà eu des duels aussi engagés que ce soir-là ?

DE SART : C’était le match le plus engagé entre nous depuis qu’on est pros tous les deux. Ça s’explique aussi par notre système et les consignes du coach. Il demande la plupart du temps un marquage individuel au milieu. J’étais sur Julien la plupart du temps, donc c’était inévitable qu’il y ait parfois des flammes. Mais c’est resté correct, quand même.

Tu n’es pas surpris de jouer autant cette saison ?

DE SART : C’était assez logique que je sois dans l’équipe dès le début parce qu’on n’était que deux joueurs pour deux places dans le milieu, dans ma zone, Faris Haroun et moi. J’ai montré que j’étais capable de bien me débrouiller, le coach a continué à me faire jouer, je suis progressivement monté en puissance comme l’équipe.

Tu es occupé à faire ta meilleure saison depuis que tu es pro ?

DE SART : Les gens aiment bien les stats, alors au niveau stats, non, je ne suis pas aussi performant que pendant ma meilleure saison avec Saint-Trond. Je marquais plus, je donnais plus d’assists. Mais je jouais un peu plus haut, aussi. Donc c’est difficilement comparable. En tout cas, au niveau du jeu, oui je fais ma meilleure saison. Je suis dans la continuité de ce que je faisais à Saint-Trond, je continue ma progression.

Dans quel rôle tu es le meilleur ? En 6, en 8 ou en 10 ?

DE SART : Je ne peux pas être un vrai 6 qui reste devant la défense, fait le ménage et va faire mal dans tous les duels parce que je n’ai pas le gabarit pour ça. Je ne suis pas un vrai 10 non plus. Je me considère comme un 8 typique, c’est dans un rôle de box-to-box que je peux donner le meilleur de mes qualités. Je récupère pas mal de ballons avec mon placement et mon pressing, je me projette facilement vers l’avant, ça me convient.

 » Le vestiaire de l’Antwerp est un vestiaire comme les autres  »

Comment tu as réagi le jour où l’Antwerp a rapatrié Steven Defour ? Un vrai concurrent pour toi.

DE SART : On connaissait tous son état physique à ce moment-là, on savait qu’il n’allait pas être directement à 100 %. Et puis je n’ai pas été surpris parce que c’était clair que le club devait transférer un joueur dans notre zone, vu qu’on n’était qu’à deux. J’ai pris l’arrivée de Defour de façon très positive. Difficile, à mon âge, d’avoir un meilleur guide à l’entraînement. C’est aussi pour continuer à apprendre mon métier que je suis venu ici, donc c’était parfait. Plus il y a de bons joueurs dans un noyau, plus ça tire tout le monde vers le haut.

Un petit jeune comme toi qui débarque dans un vestiaire de trentenaires où il y a plusieurs gars avec une très forte personnalité, ça aurait pu être intimidant.

DE SART : Je t’avoue que c’était ça, ma petite appréhension quand je suis venu pour la première fois. Je ne savais pas trop comment ça allait se passer pour moi dans ce vestiaire. De l’extérieur, tu peux te demander comment ça fonctionne là-dedans ! Mais l’accueil a été super, on m’a directement intégré, et le fait de jouer beaucoup, ça m’a aussi aidé. Au final, le vestiaire de l’Antwerp reste un vestiaire comme les autres.

Mais quand même plus chaud que dans un club calme et sans histoires comme Saint-Trond, non ?

DE SART : C’est sûr que c’est quand même un peu différent. Il y a plus d’expérience, plus de charisme ici. Mais quand j’ai décidé de venir, c’était aussi pour me frotter à un vestiaire plus difficile. Pour moi, c’était encore une façon de passer un cap.

C’est quoi, pratiquement, le charisme dans le vestiaire de l’Antwerp ?

DE SART : Quand un Sinan Bolat, un Faris Haroun, un Dieumerci Mbokani, un Steven Defour ou un Kevin Mirallas entre dans le vestiaire, tu te tais et tu écoutes… Il y a un respect énorme pour eux, pour leur passé et pour ce qu’ils continuent à faire.

 » Quand Julien me parle de son passage en Angleterre, ça me donne encore plus envie  »

À peine arrivé, tu as dit que tu pensais à une carrière à l’étranger. Ça aurait pu passer pour de l’arrogance, comme si tu considérais l’Antwerp comme un simple tremplin. Tu n’as pas eu peur des réactions ?

DE SART : Ce n’est pas de l’arrogance, c’est de l’ambition. Évidemment que je suis super bien ici, et si le club continue à grandir, je ne vois aucune raison de partir à court terme. Mais c’est logique aussi qu’à 23 ans, je me dise que ce serait bien d’aller un jour dans un autre championnat. Je ne dis pas que je m’imposerais dans un grand championnat mais je voudrais au moins essayer. Ce que Julien a vécu en Angleterre, ça m’interpelle. De l’extérieur, on peut avoir l’impression qu’il n’a pas trop bien réussi à Middlesbrough puis à Derby County. Les commentaires que j’ai entendus et lus n’étaient pas spécialement positifs. Mais si tu lui en parles, ça ne sera que positif. La D2 anglaise a un très bon niveau, on le sait. Et même s’il n’a pas énormément joué, il dit qu’il a beaucoup progressé là-bas. Et puis ça lui avait fait un bien fou de s’expatrier à ce moment-là, tellement c’était devenu compliqué pour lui au Standard. C’était le bon moment pour essayer autre chose. Alors, chaque fois qu’on discute de son passage en Angleterre, ça me donne encore plus envie.

Alexis de Sart  :
Alexis de Sart :  » Le vestiaire de l’Antwerp, c’était ma petite appréhension la première fois que je suis venu. « © BELGAIMAGE-CHRISTOPHE KETELS

Tu dis que ton frère a plus de talent que toi, mais tu es aujourd’hui dans un meilleur club que lui et ta valeur sur Transfermarkt est plus élevée que la sienne. Qu’est-ce qui a tout fait basculer ?

DE SART : OK, je suis aujourd’hui dans un meilleur club mais qui peut jurer que ce sera encore comme ça dans six mois, dans un an ? Courtrai, c’était une bonne destination pour lui. Il avait besoin de rejouer chaque semaine, il en a l’occasion là-bas. Et il repartira plus haut, j’en suis sûr. Je confirme que Julien, à la base, il a plus de qualités que moi. J’ai toujours dû plus travailler que lui pour m’imposer. Je n’ai jamais pu rien lâcher pour arriver où je suis aujourd’hui. Ça fait partie de mon caractère, c’est une de mes forces. Je n’ai pas la technique de Julien, son art de contrôler, de donner des longues passes millimétrées. J’ai autre chose, je suis plus agressif. On a fait récemment une interview ensemble, il a avoué que c’est le truc qu’il aimerait prendre chez moi.

C’est plus facile à acquérir que son art du passing…

DE SART : Je ne sais pas… (Il réfléchit). Ce n’est pas simple non plus d’apprendre ça. Pas facile d’arriver à se dire, sur chaque phase : Ce ballon est pour moi, il n’y a rien qui passera. Tu peux y arriver une fois, deux fois, mais ce n’est pas facile à enchaîner, à répéter pendant une heure et demie. Ça demande un énorme effort de concentration.

Tu as toujours eu plus la niaque que Julien ?

DE SART : Oui, je pense. Déjà quand on était plus petits, j’étais le plus hargneux. Ça vient de très loin… Quand on jouait au foot dans le jardin, il était meilleur que moi, normal vu qu’il est plus âgé. Je n’arrivais pas à lui piquer le ballon, ça m’énervait alors j’attaquais dans tous les sens. C’est peut-être à ce moment-là que j’ai commencé à développer mon côté engagé.

Le Standard n’est plus une blessure

Ton frère dit qu’il a souffert de porter le nom De Sart. Toi aussi ?

ALEXIS DE SART : C’est clair. Quand je jouais en jeunes au Standard, il y avait régulièrement des petites remarques. Ça venait de parents mais aussi de coéquipiers. Et ça s’est encore amplifié quand Papa a quitté l’Académie pour devenir directeur technique. J’avais 16 ou 17 ans, l’âge où on se demande si on va offrir un contrat pro ou pas. J’entendais des réflexions, évidemment. Mais bon, on était habitués et ça a aussi forgé notre caractère, sans doute. Julien en a encore plus souffert que moi, pendant la période où il était dans le noyau pro. Avoir ton père dans la direction de ton club, ça fait de toi une cible facile. Julien n’était pas le plus grand des bavards, il prenait sur lui mais on voyait que ça le rongeait. Alors, quand Yannick Ferrera l’a expédié dans le noyau B, il était grand temps pour lui de passer à autre chose. J’ai quitté le Standard pour Saint-Trond le premier jour du mercato de janvier, lui est parti en Angleterre le dernier jour du même mercato.

Un Liégeois qui fait des années en jeunes au Standard et qui n’arrive finalement pas en équipe Première là-bas, ça laisse un goût amer pour la vie ?

DE SART : Je t’avoue que sur le coup, je suis parti sans regrets. On m’a fait signer pro en me disant que j’allais faire la saison suivante dans le noyau A, Slavo Muslin m’a fait jouer en préliminaires de l’Europa League, je pensais que j’étais lancé, puis on m’a renvoyé en U21 alors que je trouvais que j’avais fait une très bonne préparation. J’ai compris qu’il n’y aurait pas d’ouverture pour moi au Standard et j’ai senti qu’il fallait que j’aille voir ailleurs. Avec le recul, avec ce que j’ai vécu entre-temps, j’ai la confirmation que j’ai fait les bons choix. Les premières fois où je suis retourné là-bas avec Saint-Trond, j’avais des envies de revanche. Ça a disparu entre-temps. Pour moi, c’est devenu à la limite un gros match comme un autre.

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