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 » Je vois le football comme une partie de Stratego « 

Tamara Cassimon, coach assistante des Red Flames, est sélectionneuse des U16 et des U17 nationales et prépare des championnes au White Star Woluwe.

« J’ai joué en division un au Brussels D71, avec lequel j’ai notamment gagné la coupe de Belgique, mais deux graves blessures aux ligaments croisés du genou ont mis un terme prématuré à ma carrière. Mon frère, qui a six ans de plus que moi et avait entamé les cours d’entraîneur, m’a convaincue de suivre son exemple. Ce qui me plaît tant dans cette voie, c’est de voir l’engagement des femmes, alors qu’elles viennent parfois directement de leur travail et qu’elles ne gagnent rien. En outre, je trouve l’aspect tactique passionnant : le football est un sport d’équipe très exposé aux aspects individuels. Une joueuse qui dribble à gauche ou à droite apporte une toute autre dynamique. Je vois ça comme une partie de Stratego, où chaque coup en implique un autre.

Le bagage technique pur de beaucoup de femmes est supérieur à celui des hommes.  » Tamara Cassimon

Un entraîneur doit s’y faire : il est parfois impuissant le long de la ligne. Mais je pense avoir une qualité, celle de déceler rapidement le déroulement tactique d’un match et de pouvoir intervenir. Je trouve aussi important qu’un entraîneur dégage de la détermination. J’ai lu un ouvrage parlant de la droiture de Pep Guardiola : tout le monde est égal devant la loi. Je me reconnais dans ce principe. Chaque entraîneur a évidemment ses favoris mais ça ne veut pas dire qu’ils peuvent obtenir des privilèges. J’ai une approche très individuelle des joueurs. On affirme souvent que l’équipe est plus importante que l’individu mais je ne suis pas d’accord. On fait progresser l’équipe en améliorant ses membres.

Je dois reconnaître suivre très peu la Jupiler Pro League. Le niveau me déçoit beaucoup trop. Tous ces coups de coin et ces coups francs mal bottés… Je ne supporte pas ça ! Ces hommes sont bien payés et s’entraînent tous les jours. Ils n’ont pas le droit d’être aussi brouillons. J’ose l’affirmer : le bagage technique pur de beaucoup de femmes est supérieur à celui des hommes. Par contre, sur le plan physique, c’est un autre sport. Donc, dans mes discussions tactiques, je fais rarement référence au football masculin, si ce n’est pour les phases arrêtées, des innovations desquelles nous pouvons nous inspirer. Par exemple, j’ai vu comment Naples faisait un block pour démarquer Dries Mertens et je l’ai montré à mes joueuses. Mais copier une phase de transition me semble beaucoup plus difficile : les femmes n’ont pas la même vitesse et ne délivrent pas de passes aussi longues.

Le football féminin compte également des coaches qui inspirent les autres, comme Sarina Wiegman aux Pays-Bas ou Martina Voss-Tecklenburg, qui a mis sur pied un très beau projet en Suisse et dirige maintenant l’équipe nationale allemande. Par contre, entraîner au plus haut niveau reste un problème. En Belgique, une poignée de femmes seulement détiennent la licence UEFA A. Elles sont trop peu nombreuses à suivre les cours d’entraîneur. Dans tous les sports, d’ailleurs. La plupart des équipes de volley et de basket sont entraînées par des hommes. Je suis convaincue que c’est un problème financier. Il y aura plus de candidates si on leur offre un travail correctement payé. Maintenant, les femmes doivent souvent combiner un emploi à temps plein et une famille. Essayez de trouver du temps, dans ces conditions, pour suivre une formation intensive de quatre ans… Sans parler de dispenser des entraînements trois fois ou plus par semaine. Si je peux entraîner le White Star depuis deux ans, c’est uniquement parce que j’ai un emploi à temps plein à l’URBSFA. Une fonction administrative car je ne figure pas sur les fiches de salaire en tant qu’entraîneur. En fait, je ne suis pas payée pour mon job d’assistante d’ Ives Serneels ni pour celui de sélectionneuse des U 16 et des U 17.

Le football féminin a énormément évolué mais le combat n’est pas encore achevé. L’EURO 2017 a provoqué un revirement en Belgique. Les petites filles veulent maintenant devenir les nouvelles Tessa Wullaert ou Janice Cayman, plus des Messi ou Ronaldo. Kassandra Missipo a tout pour devenir un exemple : elle est particulièrement douée sur le plan technique et constitue aussi un modèle compte tenu de ses racines multiculturelles. Shari Van Belle va également devenir une grande joueuse. C’est pour ça qu’il est si important que la Belgique se qualifie pour l’EURO 2021 en Angleterre. C’est pour ça que je suis revenue chez les Red Flames. »

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