» Je vise la Coupe du Monde au Brésil « 

Révélation de ce début de saison, le jeune Brésilien d’Anderlecht ne manque pas d’ambitions.

Mercredi 18 mai 2011. A l’occasion du dernier match des play-offs 1, Ariel Jacobs met une nouvelle fois tout le monde sur le mauvais pied en titularisant Fernando Canesin face à Lokeren. Pour sa première devant le public anderlechtois, le jeune Brésilien, âgé de 19 ans, épate la galerie. Aligné comme soutien d’attaque derrière Dalibor Veselinovic, il multiplie les dribbles chaloupés et les actions de classe. Au final, le Sporting perd peut-être cette rencontre, 3-4, mais découvre un artiste capable de distiller le football-champagne dont les fans mauves avaient été trop souvent privés.

Canesin : Cela faisait trois semaines que je m’entraînais avec le noyau A. Avant ce match, l’entraîneur m’avait dit qu’il était content de moi. Je pensais qu’il allait me récompenser sous la forme d’une place de réserviste contre Lokeren, mais à mon grand étonnement, je figurais dans le onze de base. J’ai abordé cette partie comme s’il s’agissait d’une rencontre avec les Réserves. Et elle a bien tourné pour moi. Le lendemain, en regagnant mon pays, j’étais fier d’avoir laissé une bonne impression. Tout en étant heureux, également, d’avoir pu concrétiser mon rêve : j’ai toujours voulu être pro.

Parle-nous de tes débuts à Palestra.

C’est l’un des nombreux clubs de ma ville natale, Ribeirao Preto, à 350 kilomètres de Sao Paulo. Dès mon plus jeune âge, j’ai été formé par de glorieux anciens comme Zito, Toninho ou Nilson. Au départ, j’ai évolué au n° 6. Je récupérais le ballon devant la défense, puis je distribuais le jeu. Au fil des ans, je suis monté au poste de soutien d’attaque. C’est dans ce rôle-là que j’ai été repéré par un scout de Rio Branco. Par rapport à Palestra, c’était un fameux pas en avant. Je passais des matches inter-quartiers à des rendez-vous plus prestigieux contre des grands noms : le FC Sao Paulo, Palmeiras, Corinthians ou Santos. J’y suis resté un an avant d’intégrer un nouveau centre de formation près de mon domicile, Olé Brasil, créé par celui qui est toujours mon manager aujourd’hui, Fabricio Zanello.

Olé Brasil fait davantage penser à une école de samba qu’au football…

Pourtant, c’était du sérieux. Il y avait même tant de bons joueurs que j’ai dû patienter un an avant de pouvoir récupérer ma vraie place. En attendant, j’ai joué au back droit même si j’étais plus souvent devant que derrière. Je ne serais donc pas un rival pour Denis Odoi ou Marcin Wasilewski ( il rit). Finalement, j’ai quand même été aligné au 10 et c’est alors que tout a vraiment commencé pour moi. J’ai d’abord été prêté pendant 6 mois aux Corinthians. Mais l’aventure a malheureusement été de courte durée. Mon père a été victime d’un accident vasculaire cérébral pendant cette période et est décédé. Ma mère avait besoin de moi et je suis retourné à Olé Brasil. J’ai effectué mon tout premier voyage en avion au printemps 2009, au Kazakhstan. Si je n’y avais pas été victime d’une fracture du métatarse, j’aurais peut-être abouti là-bas : j’y avais inscrit le plus beau but du tournoi après un effort individuel. Au lieu de rejoindre Astana, je suis rentré au Brésil pour me faire soigner.

 » Kanu a montré la voie à suivre « 

Quelques mois plus tard, tu ralliais Anderlecht ?

Anderlecht, le PSV Eindhoven et le Werder Brême étaient intéressés par mes services. Moi, je n’avais pas de préférence. Jouer en Europe suffisait à mon bonheur. Le Sporting s’est montré le plus entreprenant. Je crois avoir été suivi une bonne dizaine de fois par son agent local, Pavel Gunya. Ensuite, c’est Werner Deraeve qui m’a vu à l’£uvre à diverses reprises. J’ai été pris à l’essai pendant trois mois, à partir du 12 octobre 2009. Après des vacances en famille, lors des fêtes de fin d’années, je suis revenu à Bruxelles pour être soumis à un nouveau test, jusqu’en juin. Mais 6 semaines après mon retour, j’ai fait une rechute à l’endroit où j’avais été opéré du métatarse et j’ai dû repasser sur le billard. Malgré tout, les dirigeants ont été extrêmement chics avec moi, en me proposant un contrat de 4 ans. Ils estimaient que j’avais fait mes preuves sur le terrain.

En dehors aussi car tu maîtrisais déjà le français.

J’avais une telle envie de réussir ici que j’avais pris une dizaine d’heures de cours avant de venir en Belgique. A mon arrivée, je me tirais donc d’affaire avec quelques mots usuels : – Bonjour, bonsoir, merci. Au premier contact, certains ont quand même sursauté. Comme Peter Smeets, le responsable de la cellule sociale. Quand nous avons été présentés, je lui ai dit : – Bonjour Monsieur, je suis enchanté de faire votre connaissance. Il a alors répliqué : – Holà, un Brésilien qui se débrouille en français ! La conversation en était restée là, car je ne comprenais pas le mot débrouille. J’ai quand même eu besoin de quelques semaines pour tout comprendre. Aujourd’hui, je continue toujours à prendre des leçons avec Rui Abitbol, un compatriote installé à Bruxelles depuis plus de 20 ans. Au départ, c’est surtout Renan Boufleur qui m’a aidé. Il parle français à la perfection et c’est lui qui me traduisait tout ce que Johan Walem, l’entraîneur des Espoirs, avait à me dire.

Tu as progressé alors que Renan vient d’être prêté une nouvelle fois à l’Union Saint-Gilloise. Comment l’expliques-tu ?

Le football n’est pas seulement une question de don, mais également de force mentale. Renan ne l’a pas en suffisance. Au moindre contretemps, il a tendance à baisser les bras. J’aimerais pouvoir l’aider. Ce serait un juste retour des choses par rapport à tout ce qu’il a fait pour moi. Mais c’est très compliqué. Il prend toujours ses distances par rapport au groupe des cinq que nous formons avec Kanu, Samuel, Diogo, Reynaldo et moi. Pourtant, ce n’est pas faute de le solliciter. Une fois par semaine, nous allons manger dans un resto brésilien situé en face du stade de l’Union où il joue. Alors qu’il n’a qu’à traverser la rue pour se joindre à nous, il préfère rester seul. C’est dommage car nous avons tous envie qu’il réussisse.

Ton pote, c’est Kanu. Pourtant, vous êtes aux antipodes l’un de l’autre. Tu passes pour un modèle de sérieux alors que lui est plutôt du genre dilettante.

Si nous sommes cinq, ou même six Brésiliens au Sporting en comptant Renan Boufleur, c’est à lui qu’on le doit. Il a montré la voie à suivre. Pour le reste, nous avons chacun nos caractères. Si je suis appliqué et que je veux à tout prix réussir, c’est par respect envers mon père. Il était doué pour le football mais n’a pas pu faire carrière. Dès son plus jeune âge, il a dû travailler dans une boulangerie pour aider ses parents. Plus tard, il m’a toujours permis de concilier les études et le football. J’ai une admiration sans borne pour lui. Son prénom, Airton, est tatoué sur mon avant-bras et le 55 que je porte dans le dos réfère à son année de naissance. Peut-être qu’un jour, je serai obligé de choisir un autre numéro mais tant que j’évoluerai à Anderlecht, ce sera avec ce chiffre-là.

 » Il y a de la place pour Vargas et moi dans l’équipe « 

Lors de ton passage dans la zone mixte après Anderlecht-Lokeren, tu avais surpris en disant que tu visais une place dans le onze de base cette saison.

Pourquoi ? Je trouve qu’il faut oser viser haut, même si tu ne réalises pas tes ambitions. Si tu me demandes si Anderlecht est ma destination finale, je dis non. Il me plairait tôt ou tard de jouer dans un tout grand club, style Barcelone ou Arsenal. Je ne dis pas que j’y parviendrai, loin de là, mais je veux tout faire pour y arriver. Idem avec l’équipe nationale. Je sais que les places y sont chères et je tâcherai malgré tout de m’y forger une petite place avec l’espoir d’en faire partie à l’occasion de la Coupe du Monde 2014. Ce serait beau d’être là vu qu’elle se déroulera chez moi. Evidemment, le présent c’est Anderlecht.

Pas mal de joueurs peuvent jouer au 10 à Anderlecht : Matias Suarez, Kanu, Tom De Sutter, Ronald Vargas et toi. La lutte promet d’être chaude.

Ronnie m’a dit à la rigolade que je devais bien profiter de mon temps de jeu actuellement, car je rirai moins quand il sera de retour ( il rit). Honnêtement, je pense qu’il y a de la place pour nous deux dans la même équipe. S’il est davantage un 10 qu’autre chose, moi-même je peux évoluer sur tout le front de l’attaque. Un peu à l’image de Mati, sauf qu’il est capable de se tirer d’affaire en pointe aussi. Moi, je manque encore de gabarit et de puissance pour y briller.

Quels autres aspects dois-tu encore améliorer ?

J’ai tendance à trop porter le ballon. Quand j’effectue un rush, j’oublie mes partenaires. Souvent, en revoyant des images, j’ai honte. Je me dis qu’au lieu d’être personnel, je devrais alerter un coéquipier libre à gauche ou à droite. Je dois réellement apprendre à me débarrasser plus vite du ballon.

Es-tu impressionné par certains joueurs en Belgique ?

Il y avait pas mal de beau monde sur les terrains la saison passée. Je songe à un Axel Witsel, un Mehdi Carcela ou un Kevin De Bruyne. Mais le plus fort de tous, c’est Mati Suarez. Quelle classe ! C’est pas permis ( il rit).

Et quelle est la meilleure équipe ?

Anderlecht. Certains ont fait du Club Bruges le favori cette saison. Mais on a prouvé lors de notre déplacement là-bas qu’on était plus fort. On n’a peut-être pris qu’un point sur le terrain, mais dans nos têtes, on en a pris trois.

Qu’espères-tu cette saison ?

J’ai très envie qu’on remporte le titre, pour pouvoir disputer la Ligue des Champions en 2012-2013. Avec la perspective de rencontrer quelques grosses équipes comme le Real ou Milan. Je préfère ça que des noms qui ne disent rien. Il faut viser haut, pas vrai ?

PAR BRUNO GOVERS

 » Le meilleur joueur du championnat, c’est Mati Suarez. « 

 » Si je veux réussir, c’est pour mon père. « 

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