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Udi Shochatovitch, le président israélien de Lommel qui coûte sa licence au club limbourgeois

En D1B, Lommel n’a pas obtenu sa licence pour la saison prochaine. La Commission considère son propriétaire israélien en partance, Udi Shochatovitch, comme un agent de joueurs. En septembre dernier, l’ancien avocat de Pini Zahivi nous avait accordé une interview.

Le Soevereinstadion semble avoir poussé au beau milieu des Landes. S’il se trouve bien à l’extrême nord du Limbourg, la forêt de pins qui l’entoure abrite un nouveau spécimen : Udi Shochatovitch. À 53 ans, celui qui prend ses racines en Israël, mais se définit comme un  » Londonien à la tête d’un club belge et d’une académie en Afrique « , a connu plusieurs vies avant de reprendre Lommel, modeste entité de D1B. Étudiant en droit à l’Université d’East-London, avocat d’affaires, ex-gérant d’une boîte de bus en Roumanie, membre du board du Maccabi Haïfa qui appartient à son oncle Jacob Shashar, ou encore conseiller juridique du super-agent Pini Zahavi, qui s’est quant à lui entiché de Mouscron.

« En Israël, si vous voulez acquérir un club, vous devez suivre toute une procédure. Ici, il n’y a aucune règle. » UDI SHOCHATOVITCH

Une vaste mosaïque et un réseau long comme plusieurs bras dont il compte faire profiter les vert et blanc du matricule 2254.  » Depuis plusieurs années, Lommel était un club sympathique, avec des gens accueillants. Maintenant, il faut le faire passer à l’étape supérieure « , pose l’homme, le poing serré, pressé par quelques belles promesses, dont un nouveau stade. D’abord, il s’attelle à un premier chantier : professionnaliser la structure et se montrer présent, autant que possible.

Pourquoi êtes-vous venu en Belgique ?

UDI SHOCHATOVITCH : Parce que je suis dans le business du football, que c’est ma passion, et que la Belgique est un bon endroit pour le faire fructifier. Initialement, je suis avocat d’affaires, et je suis à la tête de l’un des plus grands cabinets d’Israël (AYR, ndlr), qui emploie plus de 150 personnes. J’ai toujours travaillé sur des dossiers liés au football. Je suis dans ce business depuis plus de 20 ans. J’ai participé à la vente et à l’achat de joueurs, à la vente et à l’achat de clubs, etc. J’ai travaillé pour des grands joueurs, des grands fonds d’investissement, des grands agents… J’ai couvert tous les angles de ce business. Il n’y a pas beaucoup de gens dans le monde qui ont mes connaissances en la matière.

Qu’est-ce qui vous intéresse plus qu’ailleurs dans le football ?

SHOCHATOVITCH : Le football est plus amusant. Ce n’est pas forcément que c’est plus facile d’y investir, c’est simplement que c’est plus excitant. Et je parle bien du business autour du football, pas du football en lui-même. Par exemple, si vous achetez une entreprise et que vous devez la remettre sur pied, vous allez travailler d’arrache-pied pendant six mois, mais ce sera toujours la même chose. Il n’y a rien de passionnant. Quand vous faites des affaires dans le football, c’est toujours amusant. Vous rencontrez les agents, les joueurs, des gens intéressants, vous regardez des matches, vous mangez de la bonne nourriture…

C’est un peu le casino.

SHOCHATOVITCH : Un peu. Acheter des footballeurs, former des joueurs africains, c’est un peu le casino, c’est vrai. Vous ne savez jamais ce qui va se passer.

 » Il y a trois paradis pour le business du football : Chypre, le Portugal et la Belgique  »

C’est cher d’acheter un club en Belgique ?

SHOCHATOVITCH : Oui, ça l’est, mais tout dépend à qui on s’adresse. Pour Roman Abramovitch, ça ne l’est pas. Pour moi, ça l’est (grand sourire). La différence, c’est qu’aujourd’hui, on parle de mon club. C’est à moi. J’ai travaillé avec Chelsea pendant tellement d’années… Je connais tout le monde là-bas, j’y ai mes habitudes, j’y suis même abonné. J’adore ce club, j’aime tout ce qu’il représente, mais ce n’est pas le mien. Aujourd’hui, je joue avec mon propre argent, pas avec celui des autres. C’est une grosse différence.

Comment se déroule la procédure d’achat d’un club belge ?

SHOCHATOVITCH : En Belgique, c’est assez surprenant : la ligue vient faire un état des lieux, mais seulement une fois que vous avez acheté le club et que vous faites la demande de licence. En Israël, si vous voulez acquérir un club, vous devez suivre toute une procédure. Ici, il n’y a aucune règle. Au travers de mon avocat, j’ai demandé à ce qu’on approuve ma demande (à la Pro League, ndlr). J’ai envoyé une lettre pour leur expliquer qui j’étais, ce que j’allais faire, etc. C’est moi qui ai été vers eux. Je n’étais pas contre l’idée de me présenter en personne dans leurs bureaux, je n’ai rien à cacher. On m’a répondu que ce n’était pas la peine, mais moi, en tant qu’avocat, je ne veux pas de surprises. Ils ont fini par poser des questions et j’ai donné mes réponses. J’ai mis les choses au clair mais on ne m’a rien donné, pas même une approbation officielle.

Vous aviez l’air très décidé à venir ici.

SHOCHATOVITCH : Bien sûr. Nous pouvons dire qu’il y a trois paradis pour le business du football. Chypre, le Portugal et la Belgique. Tous n’ont que très peu de réglementations concernant l’enregistrement des joueurs étrangers. Mais pour moi, le numéro un est la Belgique. Peut-être qu’à l’avenir, j’achèterai un autre club au Portugal.

La différence entre la Belgique et le Portugal, c’est qu’ici, vous pouvez plus facilement prendre le contrôle d’un club…

SHOCHATOVITCH : C’est l’une des choses les plus importantes : ici, je viens, je donne mon argent et j’achète 100% des parts du club. Au Portugal, ce n’est pas encore possible. Vous devez prendre le contrôle du club après un vote des membres, ce qui est le cas à peu près partout dans le monde. À Chypre, c’est comme en Belgique : c’est facile de prendre le contrôle d’un club, mais la grosse différence est la qualité du football. À Chypre, vous ne pouvez pas vendre des joueurs pour beaucoup d’argent. Les recruteurs ne vont pas là-bas. Ici, vous êtes au centre de l’Europe. Je peux appeler des recruteurs d’Allemagne, des Pays-Bas, de France… Tout est à deux heures de route.

Udi Shochatovitch :
Udi Shochatovitch :  » Zahavi ? Quand je suis devenu avocat, je suis directement devenu le sien. Il est comme mon oncle. « © belgaimage

 » Lommel, c’était le meilleur package  »

Vous aviez visité d’autres clubs avant Lommel ?

SHOCHATOVITCH : Pratiquement tous. La majorité en D1B. Je ne suis pas assez riche pour acheter un club de l’élite. Du moins, pas encore… (Il rit) Et puis, c’est mieux de créer quelque chose, de développer un projet sur le long terme. J’ai été au Beerschot, à OHL, à Lokeren, même à l’Antwerp. J’ai bien aimé ce que j’ai vu, mais si la plupart voulaient vendre, ils voulaient aussi garder le contrôle du club… Je ne viens pas pour apporter l’argent et rester en Israël. Et si vous me demandez pourquoi j’ai choisi Lommel, c’est parce que Lommel est un bon moyen de construire mon projet avec moins de pression.

À Lommel, vous vous ne exposez pas vraiment à la vindicte populaire…

SHOCHATOVITCH : Quand le club était en première division, le stade était quand même plein. Mais je suis d’accord pour dire que l’Antwerp peut accueillir plus facilement des milliers de personnes. C’est certain, mais d’un autre côté, c’est plus difficile de diriger un tel club et de développer votre business. Là-bas, si vous ne performez pas, vous allez avoir dix mille personnes devant votre maison. Ici, ce ne sera pas le même problème. J’aurais aimé prendre le meilleur de chaque club, mais ce n’est pas possible. J’ai trouvé à Lommel ce qui me convenait le mieux, le meilleur  » package « . J’y ai aussi trouvé des gens fantastiques, accueillants et polis. Et je suis persuadé que si je leur amène des bons résultats, nous aurons ces dix mille personnes.

 » Je ne suis pas venu pour jouer l’arrogant  »

Avant d’arriver chez nous, vous avez d’abord mis un pied en Gambie…

SHOCHATOVITCH : (Il coupe) C’était mon premier projet : ouvrir une académie à Banjul, il y a deux ans et demi. Depuis, 25 joueurs professionnels issus de cette école évoluent en Autriche, en Serbie, en Croatie, en Israël… J’ai besoin de ce genre de pays. Mes joueurs ne sont pas prêts pour aller jouer directement en Allemagne ou en Angleterre, ils ont d’abord besoin de se développer. Cet été, trois d’entre eux sont venus ici. Quand j’ai créé mon académie en Gambie, je savais que j’avais besoin d’acheter un club en Belgique, parce que le système est propice à ce genre de business. Je peux faire venir autant de joueurs étrangers que je veux, il n’y a pas de limites. C’est mieux qu’ils soient européens, en raison des contraintes financières, mais je peux avoir cinq Africains et cinq Sud-Américains, ce n’est pas un problème.

Lommel doit donc s’attendre à voir débarquer d’autres footballeurs gambiens ?

SHOCHATOVITCH : Bien sûr, cela fait partie du projet. S’ils sont bons, pourquoi ne pourraient-ils pas venir aider mon équipe ? Il y a aussi une autre très bonne académie au Sénégal, d’où provient Sadio Mané (Génération Foot, partenaire du FC Metz, ndlr). Mon rêve est de voir éclore le nouveau Mané. Il a été formé en Afrique, acheté par un club français, révélé en Angleterre et boom ! (il tape dans ses mains) C’est un des meilleurs joueurs du monde. C’est ce que je veux faire à Lommel. Je pourrais amener autant de Gambiens que je voudrais, mais je ne vais pas le faire parce que l’identité de Lommel m’importe. C’était d’ailleurs très drôle : quand je suis arrivé, j’entendais les gens parler de ce fou qui allait faire jouer Lommel avec une vingtaine d’Africains. Ça n’a jamais été mon intention. Ma première décision en tant que propriétaire a été de faire signer Ronny (Van Geneugden, ndlr) comme directeur sportif. Ronny était la star numéro un ici, quand Lommel jouait en première division. C’était une manière de montrer que je ne vais pas amener vingt joueurs de Banjul.

Quelles sont alors vos intentions ?

SHOCHATOVITCH : Je veux faire de Lommel un club du top, professionnellement parlant. Je veux que les entraînements soient les meilleurs, que la qualité d’encadrement soit la meilleure, aussi bien pour les jeunes que pour les pros, ce qui n’est pas encore le cas et c’est la raison pour laquelle je ne parle pas d’aller en première division. Pour l’instant. Premièrement, il faut reconstruire le club. Ensuite, il faut construire une académie capable de faire évoluer des talents venus de Belgique, mais aussi des Pays-Bas ou d’Allemagne, pour qu’ils alimentent notre équipe première. Je veux que Lommel devienne connu et reconnu pour vendre des joueurs. Je veux que ce club devienne un petit Ajax, un petit Dortmund.

Vous avez un accord sur cinq ans. L’ambition n’est pas de monter sur ce laps de temps ?

SHOCHATOVITCH : Bien sûr, je serais très heureux que cela arrive, par erreur (il rit). Mais je ne suis pas venu en Belgique pour jouer l’arrogant et dire que nous allons être champion. Mon objectif premier est de construire un top club, digne de ce nom, capable de s’auto-suffire, de vendre plusieurs joueurs chaque année vers des meilleurs clubs et pour plus d’argent. Un club qui joue un beau football et qui rend heureux les gens de la région. Voilà le plan.

Udi Shochatovitch, le président israélien de Lommel qui coûte sa licence au club limbourgeois
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 » Pini Zahavi est une légende « 

Vous disiez qu’il était plus facile pour vous d’investir à Lommel, parce que vous venez d’une petite ville. Vous pouvez préciser ?

UDI SHOCHATOVITCH : J’ai grandi à Ness Ziona. À l’époque, il devait y avoir quatre ou cinq mille habitants. Tout le monde se connaissait, c’était un petit village. Un petit village à vingt kilomètres de Tel Aviv, mais un endroit calme quand même. J’y ai eu une enfance magnifique. Quand j’étais un enfant, je n’étais entouré que d’oranges. Il y en avait partout. Tout était vert, il n’y avait pas de crime, rien. C’était juste parfait. Aujourd’hui, les oranges ont été remplacées par les buildings et il doit y avoir entre cinquante et soixante mille habitants…

C’est à Ness Ziona que vous rencontrez un certain Pini Zahavi.

SHOCHATOVITCH : Quand je suis devenu avocat, je suis directement devenu le sien, pour de longues années. Il est comme mon oncle. Il est un peu plus vieux que moi, même s’il est resté très jeune dans sa tête (il sourit). C’est le meilleur ami de mon oncle et un très bon ami de mon père. Ils ont grandi ensemble à Ness Ziona, quand il n’y avait peut-être que 200 familles qui y vivaient. Je me souviens d’aller aux matches de Ness Ziona avec mon père et il était là, lui aussi. À l’époque, il était encore journaliste. Puis, il a rencontré Bob Paisley à l’aéroport et il a effectué son premier transfert : Avi Cohen à Liverpool. Le reste n’est qu’histoire.

C’est un exemple pour vous ?

SHOCHATOVITCH : C’est quelqu’un de très intelligent, de qui j’ai énormément appris. Sauf qu’il est agent, je n’en suis pas un, je n’en jamais été un et je n’en serai jamais un, parce que ce n’est pas mon business. Je n’ai pas les qualités pour l’être. Mais ce que Pini a accompli, en partant de Ness Ziona, est extraordinaire. Il a participé à tellement de négociations. En Angleterre et dans le monde entier, tout le monde le connaît. Récemment, à Londres, je l’ai présenté à des jeunes agents. Quand ils l’ont vu, ils étaient excités comme s’ils avaient vu Messi ou Ronaldo (il rit). Lorsqu’on parle de business dans le football, c’est une légende.

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