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 » JE VEUX QUE L’UNION SOIT AUTONOME « 

Lors de l’arrivée de Jürgen Baatzsch comme sponsor de l’Union Saint-Gilloise, le club flirtait avec la relégation en promotion. Aujourd’hui, l’Allemand est l’actionnaire majoritaire du club et les Bruxellois disputent les PO2. Rencontre avec un président qui veut encore faire grandir son club et qui a de la suite dans les idées.

Le soleil brille sur le Parc Duden en ce bel après-midi d’avril. Comme le temps, le moral de Jürgen Baatzsch est au beau fixe. Le président de l’Union Saint-Gilloise est un homme heureux : quelques jours plus tôt, ses joueurs ont entamé les PO2 d’une superbe manière en prenant la mesure de Malines (3-0).

 » Je suis évidemment ravi mais tout le monde au club veut une augmentation maintenant « , rigole le businessman allemand.  » Nos joueurs étaient super motivés à l’idée de se mettre en évidence. L’avantage, c’est qu’on n’a pas l’ambition de gagner ces PO2, on est assez conscient du fait que nous sommes loin d’être l’un des favoris. Chaque résultat positif, chaque point pris est magnifique pour nous.

Notre but, c’était le maintien. Donc, les PO2, c’est une espèce de soulagement de ne pas se battre contre la relégation. Surtout quand je vois que Lommel, qui était loin derrière au classement, commence à gagner. On est conscient que c’est le bonheur complet de ne pas devoir jouer les play-downs et le reste, c’est juste du luxe.  »

Vous êtes président de l’Union depuis 2015. Comment en êtes-vous arrivé là ?

JÜRGEN BAATZSCH : Fin 2012, j’ai été invité par un banquier avec qui je traitais tous les jours en Bourse. C’était un supporter de l’Union et il m’avait déjà souvent proposé d’aller voir un match mais je répondais à chaque fois que ça ne m’intéressait pas. Finalement, j’ai accepté et j’ai découvert l’ambiance de l’Union. Ça m’a plu et j’ai décidé de devenir sponsor du club. Après ce parrainage, on m’a demandé de rentrer au club comme administrateur.

Vous aviez prévu d’investir dans un club de foot ?

BAATZSCH : Non, pas du tout. Mais j’ai constaté qu’il était nécessaire de faire beaucoup de changements, dans le personnel notamment. Sans majorité, je ne pouvais rien faire. Donc j’ai négocié avec les anciens actionnaires italiens. C’étaient des agents qui n’en avaient rien à foutre de l’Union. Ils s’en servaient comme d’une plate-forme pour faire des transferts. Le club leur devait pas mal d’argent. J’ai négocié l’effacement de 2/3 de la dette, je leur ai remboursé le dernier tiers et puis j’ai acheté les actions pour un euro symbolique. Il fallait augmenter le capital, aussi me suis-je retrouvé actionnaire principal. Finalement, il y a eu désaccord avec le président de l’époque, Alain Vander Borght, et j’ai pris ce poste en 2015.

 » MON BUT N’EST PAS DE M’ENRICHIR  »

Vous êtes allemand, vous vivez depuis longtemps à Bruxelles et vous avez investi dans un club de foot belge. Il y a d’ailleurs de plus en plus d’étrangers à la tête de clubs belges. Comment expliquez-vous cet attrait ?

BAATZSCH : D’abord, la Belgique a été classée première au classement FIFA dans un passé somme toute récent. Elle est reconnue comme un pays footballistique du top mondial. Les Diables ont manqué d’un peu de chance à la Coupe du Monde mais, pour moi, ils avaient une équipe capable de gagner le tournoi. Deuxièmement, il y a la situation géographique : ce n’est pas loin de l’Angleterre et c’est facile d’accès depuis Paris, Amsterdam, Cologne,… Troisièmement, c’est plus simple d’investir ici qu’en France, où la législation est plus compliquée, ou en Allemagne, où un étranger ne peut détenir la majorité d’un club. Enfin, cela reste bon marché : quand vous possédez un club de D1 belge, vous pouvez parvenir, avec relativement peu de moyens, à le hisser en Europa League. En France, ça vous coûtera vite 30-40 ou même 50 millions.

Vous comprenez que cela puisse faire peur à certains ?

BAATZSCH : C’est la globalisation. Evidemment, les Coréens de Tubize n’ont pas la même culture qu’ici, en Europe occidentale, et c’est plus compliqué pour dialoguer avec les directions d’autres clubs. Si ça ne fonctionne pas, ils partiront et le club tombera par terre. Mais ici, à l’Union, mon but n’est pas de m’enrichir dans le cas où le club dégagerait des bénéfices. Je veux, comme en Allemagne, que le club soit autonome et ne dépende pas d’un investisseur. La vie humaine est limitée tandis qu’un club est supposé durer plus longtemps.

Si vous partez demain, le club survivrait ?

BAATZSCH : Je crois, oui. Avant, ça aurait été plus difficile. Récemment, on a ouvert le capital : une société a acquis 20 % pour 500.000 euros. Les fonds propres sont positifs. Toutes les pertes nécessaires pour en arriver où nous sommes ont été neutralisées par cette augmentation de capital. Vous savez, on ne peut gagner vraiment de l’argent qu’à partir de la D1. Les plus grandes recettes, ce sont les bénéfices exceptionnels, c’est-à-dire les ventes de joueurs. Rajsel en D3, il vaut 50.000 euros, en D2, 500.000 et en D1, 2-3 millions. Les droits tv, c’est déjà beaucoup mieux qu’avant : on touche maintenant 200.000 euros pour les PO2 en plus des 500.000 de base du début de saison.

 » J’ESPÈRE 10.000 PERSONNES CONTRE LE STANDARD  »

Donc, à terme, l’ambition c’est la D1A ?

BAATZSCH : Oui. Mais, je ne serais pas contre l’arrivée d’un autre investisseur qui mette de l’argent pour qu’on ait un budget plus conséquent que les 2,5 millions actuels. Parce qu’il faut être réaliste : si on veut aller en D1A, il faudra quand même de sacrés renforts avec des salaires doublés ou triplés par rapport à ceux actuels. Il faudra également renforcer le staff. Pour monter en D1A, il faut avoir les reins solides.

Le fait qu’il y ait déjà un club bruxellois en D1A avec Anderlecht, ce n’est pas un obstacle ? Vous pensez qu’il y a de la place pour deux clubs bruxellois en D1A ?

BAATZSCH : Bien entendu. Anderlecht a, d’après ce que j’ai entendu, une majorité de ses supporters qui viennent des Flandres. On aura bientôt un stade mis aux normes et il y a assez d’habitants à Bruxelles pour deux ou trois clubs pros.

Justement, qu’en est-il de la question du stade ? Ça fait bientôt un an que l’Union joue au Stade Roi Baudouin et les travaux n’ont toujours pas commencé au Stade Marien.

BAATZSCH : Apparemment, il faut plus de permis que prévu. Nous devons tout faire dans les règles de l’art. Le principal, c’est que le budget est là et que l’entrepreneur a été choisi. C’est une question de temps maintenant. Dès que le permis sera là, les travaux commenceront. On espère que l’Union pourra rejouer au Stade Marien pour le 1er novembre, à l’occasion des 120 ans du club. Mais même si le stade est prêt, la Ligue ne veut pas qu’on change d’enceinte pendant la saison. En principe, on jouera encore toute la campagne à venir au Heysel. Ce sera évidemment bénéfique de revenir chez nous, on aura plus de spectateurs et moins de frais.

Ça vous coûte cher de jouer au Stade Roi Baudouin ?

BAATZSCH : La ville de Bruxelles nous a offert un prix amical et je l’en remercie. Ça nous permet aussi d’avoir la capacité d’accueillir plus de supporters. On espère qu’il y aura 10.000 spectateurs contre le Standard. Ça, c’est l’avantage. Mais moi, tout ce qui m’intéresse, c’est d’être conforme à la licence. C’est le plus important. Après, on reviendra au Parc Duden.

 » ON AURAIT QUELQUES POINTS DE PLUS SI ON AVAIT JOUÉ DANS NOTRE STADE  »

Le coach, Marc Grosjean, a déjà déclaré que c’était un handicap de jouer là-bas.

BAATZSCH : C’est la même situation. On a quand même montré qu’on était capable de faire de belles choses en dehors de notre stade historique. Même s’il est vrai qu’on aurait encore gagné quelques points de plus si on avait pu jouer au stade Marien.

Ces énormes tribunes vides qu’on voit à la télé, ce n’est quand même pas extraordinaire en termes d’image ?

BAATZSCH : C’est vrai et c’est plus compliqué de se construire une base de spectateurs. Sur la page Facebook, le nombre de suiveurs a triplé en quelque temps et notre travail n’est pas encore fini. J’ai pris l’Union dans la poubelle et maintenant qu’on commence à briller, les gens viennent. C’est un processus qui ne se fait pas d’un jour à l’autre. Même Red Bull Leipzig a commencé avec 3.000 spectateurs. Maintenant ils en ont 40.000.

Il n’y avait que 3.000 spectateurs lors de votre premier match à domicile contre Malines. C’est décevant ?

BAATZSCH : Pour être franc, oui. Mais bon, les supporters n’aiment pas aller dans ce stade-là. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a une espèce de psychose anti-Stade Roi Baudouin. On est ici à Saint-Gilles et on n’a pas encore vraiment acquis des supporters des autres parties de Bruxelles. C’est un travail qui prendra du temps. Avec les victoires et les renforts, on devrait être de plus en plus nombreux. On a renforcé la cellule marketing et communication, on a un nouveau site, on doit continuer à travailler. Bien entendu, il y a aussi une suroffre du marché du football. Du lundi au dimanche, il y a tous les jours du foot à la télévision. Grâce à ça, on touche des droits et la ligue impose 3.000 places assises de plus mais il faudrait trouver une autre formule pour remplir les stades. Plutôt que d’imposer des sièges, imposer des budgets marketing pour attirer les gens me semble intéressant. Ça ne sert à rien d’avoir, comme à Lommel, un stade de 12 000 places où il n’y a personne. Les clubs comme le Beerschot ou l’Antwerp, qui ont une base, c’est ça le foot !

 » POURQUOI NE PAS FAIRE PASSER LES D1A ET D1B À 12 CLUBS CHACUNE ?  »

Que pensez-vous de la formule actuelle de la D1B ?

BAATZSCH : Le niveau est excellent, on a la pression de gagner chaque match parce qu’une victoire change tout. Je suis étonné des buts superbes marqués dans cette division, on se rapproche très fortement de la D1A. Je crois que les équipes de D1B ont le niveau des équipes de bas de tableau de D1A. Mon idée, et j’ai d’ailleurs écrit à la Ligue pour la proposer, est de faire passer la D1A et la D1B à 12 clubs chacune. Ou pourquoi pas, si les 16 de D1A refusent de réduire, faire 16-10 ou mieux encore 16-12 ? Regardez Tubize, OHL, le Cercle et Lommel, ils jouent six fois l’un contre l’autre sur la saison. Comment voulez-vous attirer les supporters ? C’est normal que ces gens-là veuillent voir autre chose que toujours les mêmes équipes et les mêmes joueurs qu’ils connaissent par coeur.

Malgré les excellents résultats, votre relation avec les supporters a parfois été tendue. Récemment, ils protestaient contre le prix des places.

BAATZSCH : Il faut comprendre que l’Union n’a pas le luxe d’un club qui gagne des millions pour faire plein de cadeaux. Les recettes, c’est quoi ? Actuellement, on ne vend pas de joueurs. Donc c’est le ticketing et les droits tv qui font office de rentrées. Avec ça, le club ne peut pas vivre. Le club est toujours sous perfusion, il dépend de moi en privé. Je ne peux pas donner des abonnements gratuits. Un abonnement, c’est 60 euros pour 5 matches plus un chèque cadeau de 10 euros. J’estime que c’est un prix correct. Maintenant, chacun a le droit de rouspéter, on ne peut jamais avoir 100 % de gens contents. Mais on ne m’a rien demandé et tout à coup, je vois une banderole  » On n’est pas des clients mais des supporters  » ! Tout le monde voudrait entrer dans le stade gratuitement mais ce n’est pas possible.

Vous avez aussi eu des déclarations malheureuses en disant que Vincent Vandiepenbeeck et Anthony Sadin, de vieux serviteurs du club, n’avaient pas le niveau pour la D1B.

BAATZSCH : C’est l’entraîneur qui a déclaré que pour pouvoir rester en D1B, il fallait un certain niveau. Vincent Vandiepenbeeck est semi-professionnel et sa condition physique s’en ressent. Moi, je veux bien lui donner un contrat pro. Mais, dans ce cas, il doit arrêter de travailler à côté et d’être fatigué à l’entraînement. Anthony Sadin, je l’adore. Mais ce n’est pas moi qui décide, c’est l’entraîneur. Je répète ce qu’il me dit. Ce n’est peut-être pas très diplomate de ma part. Je me suis excusé pour ce qui avait été écrit contre eux. Ce sont nos clubmen mais encore une fois c’est l’entraîneur qui dit s’il veut tel ou tel joueur. C’est la loi du football professionnel.

 » J’AI MAINTENU MA CONFIANCE EN GROSJEAN. LA SUITE M’A DONNÉ RAISON.  »

C’est donc Marc Grosjean qui a les clés du sportif. Il vient de prolonger son contrat.

BAATZSCH : Il a été prolongé de deux saisons plus une en option. Ce qui m’a beaucoup plu avec Marc, c’est son envie d’améliorer le travail avec les jeunes, sa façon de communiquer, de gérer les crises. On a trouvé un bon accord. C’est un projet à long terme même si, bien sûr, il doit gagner ses matches.

Vous avez envisagé de vous séparer de lui quand les résultats étaient moins bons cette saison ?

BAATZSCH : Si on commence à ne plus gagner pendant 6 matches, il faut se poser des questions. Un entraîneur se mesure aussi à ses résultats. Ceci dit, avoir une phase négative arrive à chaque équipe. Ici, tout le monde était contre Marc Grosjean. Les supporters, les gens en interne au club, les investisseurs. J’ai reçu une demande de CA d’urgence concernant l’entraîneur. J’ai refusé. On m’a traité de nazi. Finalement, j’ai demandé : – Vous avez un meilleur entraîneur ? -Vous avez du budget pour engager un nouveau et payer le préavis de l’ancien ? Ce n’était pas le cas. La question clé, je l’ai posée séparément à 4-5 joueurs importants du noyau pour voir s’ils étaient encore derrière lui. Ils étaient tous affirmatifs, donc je lui ai maintenu ma confiance. Et la suite m’a donné raison.

On doit s’attendre à beaucoup de changements au sein de l’équipe pour la saison prochaine ?

BAATZSCH : Oui, quand même. Pas mal de contrats se terminent. Il y aura dès lors quelques départs, dont des joueurs actuellement prêtés. Le choix concernant ceux qui partent est presque quasiment fait et maintenant, on cherche à se renforcer. De nouveaux joueurs vont arriver mais on doit bien sûr respecter le budget. Il ne change pas. On a levé quelques options, comme celle de Gertjan Martens ou d’autres, et c’est 20 % de plus déjà.

Quid de Nicolas Rajsel ?

BAATZSCH : On voudrait qu’il reste mais si une belle offre nous parvient, le club ne va pas s’opposer à ce qu’il parte en D1A. C’est à lui de décider. S’il obtient un beau transfert, ce sera bénéfique pour les caisses du club et on pourra aussi s’orienter vers des renforts plus chers.

L’objectif sera d’atteindre à nouveau les PO2 ?

BAATZSCH : Oui, je crois. Maintenant, si on trouve encore un sponsor important, pourquoi ne pas viser plus haut ? On ne va pas refuser la montée mais ce sera un rude combat, c’est clair. C’est le sport.

PAR JULES MONNIER – PHOTOS BELGAIMAGE – THIERRY ROGE

Nous avons un pré-accord de collaboration avec un club du top 6 de Bundesliga. « JÜRGEN BAATZSCH

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