» JE VEUX ÊTRE DANS LES 20 MEILLEURS MONDIAUX « 

Samedi soir, Hervé Hubeaux tentera d’arracher une victoire contre le Géorgien Gogita Gorgiladze, au Spiroudôme. Cela lui permettrait de s’installer confortablement dans le Top 30 mondial des poids lourds. Rencontre avec  » Double H « .

Le natif d’Andenne est ce que l’on appellerait couramment un  » beau bébé « . Avec vingt-deux succès contre une seule défaite depuis qu’il est passé professionnel en 2010, il affiche un palmarès plus qu’intéressant. La boxe lui est pourtant tombée dessus un peu par hasard mais il a mordu dans ce fruit initialement défendu avec une voracité surprenante et depuis plusieurs années, il met les bouchées doubles pour réussir. Ses trois derniers succès, tous conquis par KO en 2015 et chaque fois avant même le début du troisième round, résument à eux seuls la puissance et le sérieux de cet athlète aussi étonnant par son gabarit qu’attachant par son humilité.

 » J’ai débuté à l’âge de 13 ans dans ma ville natale « , explique-t-il.  » Très sincèrement, au début, j’ai fait ça pour me défouler. Je me souviens d’avoir participé à un stage à Spa, quelques années plus tard, alors que j’avais déjà été champion de Belgique de la catégorie 14/15 ans et je ne m’imaginais toujours pas embrasser une carrière de professionnel à ce moment-là.  »

VIVRE DE LA BOXE

Et d’ailleurs, parce qu’il a la tête bien sur les épaules et qu’il veut parer à toute éventualité, Hervé Hubeaux mène des études dans le secteur automobile en parallèle des heures qu’il passe sur le ring.

 » Je suis passionné de voitures et je suis en effet en dernière année. En juin, je devrais être diplômé et je pourrai alors me consacrer pleinement à la boxe. Actuellement, je m’entraîne six jours par semaine pendant deux heures. Ce n’est déjà pas mal mais je sais que si je veux progresser davantage encore, je vais avoir besoin de plus de temps.  »

A côté de lui, son coach et manager, Alain Vanackère, l’écoute et intervient de façon ponctuelle :  » Sa progression au cours des derniers mois est phénoménale. Et s’il ne peut pas encore vivre de son statut de professionnel, nous espérons néanmoins que ce soit le cas dans les années qui s’annoncent. Nous avons fait une demande auprès de l’ADEPS pour qu’il soit reconnu en tant que tel et nous attendons la réponse.  »

Tout, ou presque, a changé chez Hervé Hubeaux. Son physique d’abord, son attitude ensuite, sa préparation enfin. Comparez des images de combat entre l’ado qu’il paraissait encore il y a peu, et le guerrier qu’il est devenu : la métamorphose vous sautera aux yeux.

 » Je reconnais que je suis devenu beaucoup plus sérieux et concentré. J’ai véritablement changé de mentalité en même temps que je changeais de structure autour de moi. Alain est là depuis longtemps, mais je travaille désormais aussi avec Jonas Wallens en tant que préparateur physique. Voilà désormais un an que je bosse bien plus dur et je sens que j’en récolte les fruits. Le fait de pouvoir côtoyer d’autres boxeurs de la même génération, et notamment Ryad Merhy, qui est mon partenaire d’entraînement, a doublé ma motivation. Quand j’ai vu les efforts qu’il consentait pour atteindre ses objectifs et quand je vois désormais ce qu’il en retire, je suis vraiment déterminé. Il m’a offert une autre perspective de la boxe. Je voudrais aussi citer Bilal Ben Sidi, qui est souvent près de moi.  »

PAS D’AMERICAN DREAM

Ceux qui ne connaissent pas l’univers de la boxe pensent souvent, à tort, qu’il faut séjourner aux Etats-Unis pour réussir. Mais dans l’entourage de Hervé Hubeaux, on n’est pas franchement du même avis. Les salles sombres, l’odeur de transpiration, les douches rouillées et les sacs de sable usés, c’est un décor de film d’action.

 » L’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs « , résume le boxeur.  » Je ne crois pas que je deviendrais franchement meilleur en devenant le sparring-partner d’un autre boxeur. Et mon coach a un avis bien tranché sur la question : si c’est pour aller aux USA, gagner une grosse enveloppe pour ensuite être grillé, ça n’a pas beaucoup d’intérêt. J’ambitionne évidemment de lutter, dans les années qui viennent, pour des titres majeurs, mais il faut savoir faire preuve de patience.  »

Alain Vanackère embraie :  » Je pense qu’il faut se dire qu’en Belgique, on peut avoir de très bons boxeurs. Nous en avons d’ailleurs : Bilal Laggoune, Ryad Merhy, Hervé qui arrive derrière. Mais plutôt que de les exiler, pourquoi ne ferions-nous pas venir des entraîneurs américains en Belgique pour qu’ils apportent à nos combattants leurs idées ? Moi je suis certain que dans les trois à quatre ans, Hervé sera sur un ring pour un challenge mondial à condition, bien entendu, qu’il ne se blesse pas. Je ne l’épargne pas mais je suis vigilant, si je faisais monter Hervé maintenant sur un ring face à l’un cinq meilleurs de la catégorie, je ne lui rendrai pas service. Nous ne sommes pas encore au stade où nous pouvons rivaliser avec les super-professionnels. Mais le but est d’y arriver.  »

Sophie Ligot, qui partage la vie du boxeur depuis de longues années, a des étoiles dans les yeux. Elle écoute son chéri répondre aux questions et quand on lui demande son avis sur la carrière naissante de  » Double H « , elle répond :  » C’est une vie de sacrifice mais je suis heureuse de savoir qu’il peut vivre sa passion au quotidien. Au début, j’avais assez peur quand il montait sur un ring mais avec le temps, je pourrais presque dire que j’éprouve la même adrénaline que lui, même si au fond de moi, j’ai toujours une petite crainte d’une blessure grave. Depuis quelques mois, Hervé est vraiment transformé, et il a repris goût aux entraînements.  »

20 KILOS DE MOINS

Et quand on parle de métamorphose, elle est aussi physique bien entendu :  » J’ai perdu beaucoup de poids et je me sens beaucoup mieux. Je pèse quasiment vingt kilos de moins qu’au moment où j’ai été le plus lourd. Jusqu’à présent, je ne suis jamais allé au tapis et je compte bien lutter de toutes mes forces pour ne jamais tomber. Dans quelques jours, je vais affronter un adversaire coriace mais ma préparation est bonne et je suis confiant.  »

 » De toute façon, s’il gagne facilement, on trouvera encore un moyen de dire qu’il a affronté un mauvais « , grimace Alain Vanckère.  » C’est un peu la façon de fonctionner en Belgique malheureusement… Plus encore chez les poids lourds je crois. Les gens font semblant de ne pas voir le travail qu’il y a derrière chaque victoire. Pourtant, quand on jette un oeil au palmarès de Hervé, on peut se dire qu’il y a des heures de labeur et de sueur. Je me souviens d’un combat que Hervé a disputé au début de cette année. Il a dégommé son rival au premier round, un KO magnifique. En réponse, on a eu droit à cette phrase : –Il a boxé un nul. Ça fait mal…  »

 » Mon prochain adversaire n’est pas depuis longtemps chez les lourds mais lors d’un récent combat, il n’a perdu qu’aux points contre le onzième mondial « , enchérit Hervé.  » Je pense donc que ce sera un bon test. Après cela, je pourrai me faire une idée plus précise de mon niveau et de ma place dans la catégorie. J’aime l’esprit de la boxe, j’aime la préparation, les secondes qui précèdent la montée sur le ring, l’émulation intérieure que je ressens quand la cloche va retentir. Mais je vous assure, devenir un champion, ce n’est pas évident. Le quotidien, c’est aussi la solitude dans les entraînements et les mouvements que l’on a l’impression de répéter en permanence. J’ai eu un petit coup de mou par le passé mais c’est désormais derrière moi. Je suis pleinement tourné vers l’avenir.  »

Avec un corps plus musclé, plus athlétique mais aussi une coupe de cheveux plus  » sérieuse « , le boxeur fait désormais peur quand il enjambe les cordes de chanvre. Reste à savoir s’il pourra un jour marcher sur les traces de ses illustres prédécesseurs dans la catégorie-reine de la boxe : Jean-Pierre Coopman et Albert Syben. Pour ceux qui ne le sauraient pas, le premier cité fut tellement brillant au coeur des années 70 qu’il eut le privilège d’affronter le grand Muhammad Ali en février 1976.

 » Je n’ai aucune prétention de ce genre « , glisse tout de suite très humblement l’Andennois.  » J’ai des rêves. Des ambitions aussi, qui ne me semblent pas démesurées. J’ai acquis de la confiance et je serais déjà très heureux d’atteindre le lot restreint des vingt meilleurs boxeurs du monde dans ma catégorie.  »

Né d’un papa belge et d’une maman togolaise, c’est à Andenne que  » HH  » a tout connu. Et dans sa commune, il est fort soutenu. Ainsi, lors de chacun de ses combats, il y a souvent près d’une centaine de supporters présents. Ses parents, son frère et ses soeurs, essaient aussi d’être dans la salle.

 » Au début, ma maman n’appréciait pas vraiment que je me sois tourné vers la boxe et elle hésitait à venir assister à mes combats. Mais depuis, elle a franchi le pas, tout comme mon frère, qui était plutôt branché foot. A chaque match, il y a une centaine de supporters qui me suit et je dois dire que cela fait plaisir. J’en profite d’ailleurs pour les remercier.  »

 » Hervé mérite vraiment que l’on s’intéresse à lui. C’est un boxeur pas comme les autres, c’est aussi un garçon profondément gentil et attachant, c’est un dur au mal et s’il en est là aujourd’hui, c’est à lui seul qu’il le doit « , conclut Alain Vanackère.

PAR DAVID DUPONT – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » Si c’est pour aller aux USA, gagner une grosse enveloppe pour ensuite être grillé, ça n’a pas beaucoup d’intérêt.  »

 » J’aime l’esprit de la boxe, la préparation, les secondes qui précèdent la montée sur le ring.  »

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