» Je vais tout faire pour rester capitaine ! »

Il y a six mois, il était devenu indésirable. Aujourd’hui, il porte le brassard de capitaine. Voici comment la roue a tourné.

L’an passé, à la même époque, Anderlecht comptait cinq footballeurs brésiliens en ses rangs : Diogo, Samuel, Reynaldo, Kanu et Fernando. En janvier, il semblait bien qu’un seul resterait : Fernando. Et voilà qu’aujourd’hui…

Mais c’est tout simplement le capitaine d’Anderlecht que nous avons en face de nous !

Kanu : ( Ilrit) C’est une belle surprise, en effet. Bien sûr, Lucas Biglia n’a pas participé aux premiers matches amicaux, mais néanmoins, je n’en ai pas cru mes oreilles lorsqu’en entrant dans le vestiaire, John Van den Brom m’a dit : – Tu seras mon capitaine ! Je lui ai demandé : – Vous êtes sûr ? En principe, ce brassard devrait revenir à Silvio Proto ou à Olivier Deschacht… Il m’a répondu : – Non, je te confie cette responsabilité !

Ce brassard revêt-il une signification particulière pour vous, après tout ce que vous avez vécu la saison dernière ?

C’est une belle marque de confiance et aussi un encouragement à travailler davantage. Pour moi, il représente quelque chose de très spécial. Comme le signe du renouveau.

Pensez-vous pouvoir le garder ?

Je vais tout faire pour. En principe, s’il reste à Anderlecht, Lucas devrait le récupérer, mais je travaillerai sérieusement afin de continuer à mériter la confiance de l’entraîneur. J’ai déjà 25 ans, je ne suis plus un gamin. Je porte le maillot d’Anderlecht depuis quatre saisons. Je me sens prêt à endosser des responsabilités.

Cela a l’air de bien se passer entre John van den Brom et vous ?

Oui, c’est un entraîneur très différent d’Ariel Jacobs. Un homme très ouvert, qui veut que l’on joue au football et qui préconise un jeu offensif, ce qui n’est pas pour me déplaire. Dès les premières séances d’entraînement, on a touché le ballon. Je me sens comme un poisson dans l’eau. Et je ne suis pas le seul. Tout le monde adhère à ses méthodes et je ressens une grande solidarité au sein du groupe. Pourvu que ça dure. Aujourd’hui, je suis très heureux à Anderlecht et je ne songe plus du tout à partir. Même si un club se manifeste avec un beau contrat à la clé, je refuse. Je me lève désormais du bon pied et je me rends à l’entraînement avec plaisir. Je suis toujours de bonne humeur et prêt à donner le meilleur de moi-même. C’est un nouveau Kanu que vous avez sous les yeux.

Qu’est-ce qui n’allait pas avec Jacobs ?

J’ai le sentiment qu’il n’a jamais eu confiance dans mon travail. Moi, j’avais l’impression de m’entraîner sérieusement. Mais visiblement, il ne partageait pas cet avis. Il estimait que je n’avais plus la tête au football. Ce n’était pas totalement faux. L’état de santé de ma mère me préoccupait et j’avais parfois du mal à me concentrer sur le jeu. Grâce à Dieu, j’ai trouvé la force de réagir. Après l’hiver, j’ai redoublé d’ardeur. Pendant six mois, j’ai effectué un gros boulot physique avec Mario Innaurato. Mais j’ai encore dû prendre mon mal en patience. Jacobs avait beau affirmer : – Celui qui s’entraîne bien, jouera ! Je constatais que rien ne changeait. A la longue, j’ai fini par me résigner. Je me suis demandé à quoi cela servait de fournir des efforts, puisque c’était toujours les 11 mêmes qui jouaient. Et je suis entré dans un cercle vicieux : je me suis effectivement mis à lever le pied. Jusqu’aux play-offs. Le déclic s’est produit lors du deuxième match, au Standard. Après le nul 1-1 à domicile contre Courtrai lors du match d’ouverture, le doute a commencé à s’installer dans l’équipe et il était temps d’injecter du sang neuf. Jacobs m’a donné une chance. J’ai senti que je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité et j’ai fait de mon mieux pour aider mes coéquipiers. Avec le succès que l’on connaît. Je n’avais pas joué pendant six mois et ces dix matches de play-offs ont tout changé. J’ai eu la satisfaction d’avoir activement participé à la conquête du titre et cela m’a boosté.

Et l’arrivée de Van den Brom a encore renforcé cette confiance ?

Exactement. L’équipe n’a pas encore subi de gros bouleversements par rapport à la saison dernière, mais avec un nouvel entraîneur, tout le monde repart sur la même ligne. Ceux qui s’étaient sentis écartés la saison dernière, et dont je fais partie, se sont remis à y croire.

 » Depuis que ma mère va mieux, j’ai repris goût au football « 

Qu’espérez-vous de cette saison ?

D’abord, jouer plus que la saison dernière. Et participer à la conquête des objectifs fixés par le club. Le premier, par ordre chronologique, est forcément la qualification pour les poules de la Ligue des Champions. Il y a quatre ans que le club attend cela. La victoire de Chelsea nous oblige à passer par le tour préliminaire, ce qui n’était pas prévu, mais on fera le maximum. On sait aussi que, la saison prochaine, le champion de Belgique sera directement qualifié pour les poules. Et cette fois, sans condition. La conquête du titre est donc, davantage encore que cette année, le deuxième grand objectif. Pour le club, mais aussi pour les joueurs, qui aspirent à participer à la C1. J’espère que la réalisation de ces objectifs sera couplée à la pratique d’un bon football, attractif pour les spectateurs. Ce qui, avouons-le, a parfois manqué la saison dernière.

Vous vous êtes préparé pendant les vacances ?

Oui… à la plage ! Mais je ne suis pas resté allongé sur le sable. J’ai travaillé avec un ami qui est préparateur physique. J’ai aussi disputé de nombreux petits matches avec les copains. Je ne suis pas resté inactif.

Et votre mère ?

Elle va beaucoup mieux. Elle a failli perdre un £il à cause du diabète, mais on a pu le sauver. C’est un énorme soulagement. Depuis que je suis rassuré, j’ai de nouveau la tête au football. Ce furent des mois terribles. La distance a encore accentué mon inquiétude. Savoir que sa mère est souffrante et qu’on se trouve à 10.000 kilomètres, c’est invivable. Je n’avais qu’une idée en tête : rentrer au Brésil. Je voulais abandonner le football. Mon agent m’en a dissuadé, il m’a fait comprendre que le football représentait mon avenir, et que si je n’avais plus ni ma mère ni le football, je serais complètement dans la dèche. Je lui en suis reconnaissant, c’est un très bon conseil qu’il m’a donné.

En janvier, Anderlecht a songé à vous vendre, mais seul le Terek Grozny aurait manifesté de l’intérêt…

Que serais-je allé faire en Tchétchénie ? C’est encore plus loin du Brésil que la Belgique ! Et les communications auraient été encore plus difficiles…

Qui s’est occupé de votre mère au Brésil ? Votre père ?

Mon père ? Je ne sais pas où il est, mon père ! Je ne tiens pas à en parler, c’est trop délicat. Mes frères et s£urs étaient au chevet de notre mère.

 » Kanu ? C’est en référence au joueur nigérian « 

Comment avez-vous été découvert ?

Lorsque je jouais à la Juventus de Sao Paulo. Philippe Collin était venu visionner un autre joueur et je lui ai tapé dans l’£il. C’est sans doute ce que l’on appelle le destin.

D’où vous est venu votre surnom de Kanu ?

Au début de ma carrière, lorsque je portais le maillot de Palmeiras, il y avait un joueur nigérian qui s’appelait Kanu. L’entraîneur trouvait que je lui ressemblais et il m’a surnommé ainsi. C’est resté.

Vous avez un homonyme au Standard…

Oui, je le connais bien depuis que je suis tout petit. On a grandi ensemble, à Salvador de Bahia, sur la côte nord-est : la partie africaine du Brésil. On y trouve beaucoup de gens de couleur. Lui, c’est E. Kanu : Eduardo Kanu. Moi, c’est R. Kanu : Rubenilson Kanu. Dos Santos, c’est le nom de mon père. Et Da Rocha, celui de ma mère.

Eduardo Kanu a, lui aussi, eu le mal du pays. Il songeait aussi à partir, cet hiver. Un peu comme vous…

Quand on est Brésilien, c’est difficile de s’adapter à la mentalité européenne. Ce n’est pas uniquement une question de climat ou de langue. Les Brésiliens sont très ouverts, et ils s’entraident. Lorsqu’on intègre un groupe, les coéquipiers sont des amis. On s’invite mutuellement à la maison, on va manger ensemble. En Europe, on est souvent considéré comme des concurrents dans une équipe et c’est parfois chacun pour soi.

L’adaptation est plus facile pour un Argentin ?

Les Argentins sont, pour la plupart, des descendants d’immigrés européens. La mentalité est différente.

On connaît la rivalité qui oppose Brésiliens et Argentins. Cela se passe bien entre vous, à Anderlecht ?

Très bien. La rivalité oppose surtout les équipes nationales. Mais, dans un club, il n’y a aucun problème de cohabitation. Lucas Biglia, Matias Suarez et Pablo Chavarria sont des garçons formidables. Je m’entends très bien avec eux.

Que sont devenus vos compatriotes Diogo et Samuel ?

Diogo est à Sao Paulo et Samuel à Braga, au Portugal. Cela se passe très bien pour eux. Ils n’ont jamais reçu leur chance à Anderlecht. Ils sont peut-être arrivés un an trop tôt car avec Van den Brom, la situation aurait été différente pour eux aussi. Ils ont des qualités. Ce sont des joueurs techniques, dont le style ne correspondait peut-être pas à ce qu’on attendait au Sporting la saison dernière.

Et vous, le Portugal ne vous tente pas ? On y parle votre langue…

Pas tout de suite, en tout cas. On verra quelle sera la situation dans un an. Je veux m’imposer à Anderlecht, disputer la Ligue des Champions avec ce club.

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Jacobs trouvait que je m’entraînais mal. Il n’avait peut-être pas tort. « 

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