Je t’en colle une ? Oh oui !

Dans la vie d’un gamin de 17 ans qui sent que les portes du paradis peuvent s’ouvrir à lui, il y a quatre rêves qui s’invitent en lui. Intégrer le groupe pro, jouer son premier match en D1, y marquer son premier but… et être dans l’album Panini. Bon, ça n’engage que moi mais je sais de quoi je parle. Une des plus belles, des plus pures émotions de ma vie c’est quand j’ai vu ma bête tronche dans le Panini.

C’est grand car c’est un cas d’école où l’homme et le footballeur se rejoignent. Où les émotions de l’un justifient les sacrifices de l’autre. Où tu te dis :  » Et bien, rien que pour ça, je suis content d’avoir rien fait d’autre que le foot depuis que j’ai six ans. De m’être tapé 10 kilomètres en vélo par -8° pour aller m’entraîner sur une patinoire et m’ouvrir le genou sur un morceau de glace et de revenir trempé par toujours -8 ! Mais je m’en foutais parce que le sang de la passion bouillonnait et l’insouciance veillait. De m’être aussi couché tous les samedis à 22 h pour avoir la pêche le dimanche matin alors que les potes avaient la pêche le samedi à 22 h et allaient se coucher le dimanche matin. D’avoir raté TC Matic à Grivegnée parce que c’était un samedi soir, d’avoir raté les Stranglers à Liège parce que c’était un vendredi. Enfin bon, on ne va pas pleurer, hein ! Tout ça a servi à quelque chose. A par exemple être dans le Panini et, 30 ans plus tard, d’écrire dans S/F Mag.

Je vous parlais d’un cas d’école. Et bien, c’est exactement cela. Je me souviens de ces récrés où on se battait presque quand on échangeait ses visages figés et presque inconnus. Car sachez, les jeunots, qu’à l’époque le foot à la télé c’était plutôt rare. Le premier qui avait rempli son album était soit un fils de riche soit un veinard soit un  » voleur de doubles « .

Je me souviens que quand le Panini sortait, on allait beaucoup plus souvent chercher le journal avec les parents. Dans la librairie, notre regard de cocker battu à la ceinture à clous fixait les emballages jaunes. Le libraire (malin) mettait le carton à hauteur de main d’enfant et on la tendait comme un chien gratte le sol pour y extirper son os. Certains se vantaient même d’avoir piqué des pochettes : la libraire avait 78 ans et le temps qu’elle arrive de derrière, les poches étaient pleines. Pas bien !

Quand t’avais rempli toute la page de ton équipe préférée, dans ta tête, c’était saint Nicolas qui dansait un slow avec Père Nöel. Et quand t’es dedans, tu te dis que t’as 18 ans et que t’as déjà réussi ta vie. Tu comprends la joie qu’ont dû ressentir Ken et Barbie quand ils ont eu leur poupée à leur effigie. Quand le premier gosse vient te demander de signer sur ta photo, tu pleures. T’as envie de l’adopter ou de lui piquer son album. D’ailleurs, y a pas longtemps – dans une foire – j’ai failli en acheter un, d’album. Failli, seulement, car j’ai aussi failli m’étrangler du prix. 150 euros. Wouaw ! En plus, ça prend de la valeur ce truc.

Puisqu’on parle de prix, faut savoir qu’en Belgique les footeux ne reçoivent pas un balle ; alors que, quand je jouais en Allemagne, Panini versait déjà de l’argent aux footballeurs pour utiliser leur image. Quand j’ai reçu la lettre de Panini-Allemagne, j’ai cru qu’il me demandait combien j’étais prêt à payer pour être dedans. J’ai proposé une somme très élevée qu’ils m’ont donnée. C’est ça, Panini, un conte de fée qui ne s’arrête jamais. Que tu sois dedans ou dehors t’es tout le temps content.

L’idée est née en 1961. Giuseppe Panini est libraire, il se retrouve à l’hosto, il s’ennuie et passe son temps à dessiner les autres malades. Tout le monde veut son portrait et, de retour à la libraire, il se met à dessiner des joueurs du Calcio. L’aventure peut commencer, elle continue. En Belgique, depuis 1970, c’est quatre milliards d’images et 20 millions d’albums ! Imaginez alors sur les 110 pays paniniens. Il y a eu plus d’images Panini sur cette planète que d’habitants.

Que ce soit de se faire coller ou de coller, il est bon parfois de n’être qu’une image. Panini tu me fais tourner la tête, tu fais tourner le monde.

PAR FRÉDÉRIC WASEIGE, JOURNALISTE BE/TV

Une des plus belles émotions de ma vie c’est quand j’ai vu ma bête tronche dans le Panini.

 » Le football est une fantaisie. Une sorte de dessin animé pour adulte  » Osvaldo Soriano

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