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 » JE SUIS VENU POUR REDNIC

Il a un prénom de joueur de Scrabble et une carte d’identité de basketteur. Et pourtant, Deivydas Matulevicius joue au football. Rencontre avec l’un des hommes qui doit sauver Mouscron.

Ancien meilleur buteur de sa compétition nationale sous le maillot du Zalgiris Vilnius en 2011-2012 (19 buts), c’est surtout à l’autre bout de l’Europe, sur les terres de Mircea Rednic, que Deivydas Matulevicius a fait parler de lui. C’est à Alytus, à une centaine de kilomètres de Vilnius, la capitale lituanienne, que Deivydas Matulevicius a vu le jour. Arborant 1m90 sous la toise, il aurait clairement pu opter pour le sport national, le basket, mais c’est avec les pieds qu’il était le plus doué et évoquer ce sujet le titille d’ailleurs :  » Le problème en Lituanie, c’est que les pouvoirs politiques délaissent totalement le football. Il n’y en a que pour le basket parce que nous avons plusieurs joueurs en NBA depuis vingt ans et que l’équipe nationale est brillante. La conséquence, c’est que l’on ne soutient pas le ballon rond. Un stade national est censé voir le jour depuis plus de dix ans mais les travaux ont déjà été arrêtés trois fois et quand s’agit d’accueillir de grandes nations en matchs qualificatifs, nous avons quasiment l’air ridicules.  »

Le décor est planté et vous l’aurez compris, le nouveau striker des Hurlus n’a pas sa langue en poche. Les grands stades, il connaît grâce à la sélection nationale et l’Europa League :  » J’ai notamment eu l’occasion de jouer à Wembley, c’est un peu le rêve de tout footballeur de pouvoir fouler la pelouse du temple du football. Il y avait 80.000 personnes et c’était somptueux. Le hasard fait que nous sommes à nouveau dans le groupe de l’Angleterre et je vais avoir l’occasion d’y retourner en mars… enfin si tout va bien.  »

PORTE-MALHEUR

Pessimiste Deivydas Matulevicius ? Pas du tout. Réaliste plutôt. Il esquisse d’ailleurs un grand sourire quand il évoque son palmarès :  » Je dois bien reconnaître que je n’ai pas eu beaucoup de chance jusqu’ici. En fait, j’ai toujours fini deuxième avec mes clubs. J’ai perdu une finale de coupe de Pologne, une autre de coupe de Roumanie et mon club a été second du championnat. Enfin, en Lituanie, j’ai aussi été deuxième avec le Zalgiris Vilnius et depuis que je suis parti, il a gagné quatre titres de suite… Vous croyez que je porte malchance ? « , glisse-t-il en souriant.

Au Canonnier, on espère que non bien entendu, car en pleine lutte pour le maintien, Mircea Rednic aura bien besoin de lui. Embourbé dans la zone rouge à quelques matchs de la fin de saison, l’Excel a encore son sort entre les mains. C’est en tout cas l’avis du Lituanien.

 » On a la chance de pouvoir jouer encore plusieurs fois sur notre terrain et c’est évidemment devant nos supporters qu’on doit prendre des points. Je constate qu’il y a une amélioration évidente depuis quelques matchs et, sans des décisions arbitrales burlesques contre Zulte-Waregem, on serait mieux classés. Ce soir-là, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas que dans le championnat roumain qu’il y avait des coups de sifflet étranges. Je pensais pourtant avoir tout vu…  »

CHARMÉ PAR LA BELGIQUE

Arrivé en droite ligne du FC Botosani en janvier, Matulevicius avait déjà évolué dans la compétition roumaine pendant trois saisons précédemment. C’était alors à Pandurii, pour le compte duquel il a planté de nombreux buts. Les deux expériences ont été entrecoupées par un court séjour au Kazakhstan.

 » J’ai vécu beaucoup de choses en football en seulement quelques années et j’ai désormais besoin de stabilité dans ma vie et dans ma carrière. Je n’ai signé que pour six mois à Mouscron, mais ça ne veut pas dire que je n’y resterai pas plus longtemps. Au contraire, ma famille se plaît ici. J’ai un cousin qui vit à Bruxelles, un ami qui habite depuis quelques années à Bruges et nous ne nous sentons pas isolés comme c’était le cas dans d’autres pays. Je pense aussi qu’il y a plus de continuité dans le football belge. Au Kazakhstan, les clubs sont riches, offrent de bons salaires mais du coup, ils pensent que tout est permis. Ça explique que tous les six mois, on change 80 % des joueurs et du staff… C’était une expérience enrichissante mais je n’y retournerais pas. Si j’ai rejoint Mouscron, c’est parce que Mircea Rednic me connaissait et qu’il me voulait. Il avait déjà essayé d’acquérir mes services en Roumanie. Du coup, quand cette opportunité s’est présentée à moi, j’ai sauté sur l’occasion. Le championnat belge est d’un bon niveau et ce n’est pas un hasard si Stanciu l’a choisi pour poursuivre sa carrière à Anderlecht. Et que dire de votre équipe nationale ? Il n’y a que des stars.  »

Même s’il reste loin de sa terre natale, Deivydas Matulevicius estime avoir mûri grâce à ses pérégrinations. Et son épouse le suit partout avec leurs deux filles, âgées de 2 et 4 ans. L’attaquant parle cinq langues mais ne s’est pas encore mis au français :  » En Belgique, il y a une culture fantastique où on laisse une grande marge de liberté à chaque individu. Je me souviens qu’en Roumanie, quand je suis arrivé, mon premier coach m’a dit : Si tu veux jouer, apprends notre langue. Ici, j’ai sympathisé avec mes équipiers, j’ai été accueilli chaleureusement, les responsables du club veillent sur notre bien-être et si l’on se débrouille en anglais, c’est suffisant. Je me sens bien dans ma peau.  »

JOUEUR DE RECTANGLE

Le Lituanien n’a pas mis longtemps à ouvrir son compteur chez les Hurlus mais en pleine lutte pour le maintien, pense-t-il pouvoir planter une dizaine de roses ?

 » Je n’en sais rien et à vrai dire, je ne me suis jamais fixé d’objectif dans ma carrière, hormis de faire gagner l’équipe dont je porte le maillot. Je ne sais pas combien de goals je marquerai pour Mouscron, et je serais très heureux de ne plus en inscrire et que le club se sauve. Mais c’est vrai que j’aime la sensation de faire trembler les filets. Pour y parvenir, je dois m’appuyer sur mes équipiers. Je suis un joueur de rectangle. Ne me demandez de dribbler la moitié du terrain comme sait le faire Trezeguet, je n’y arriverais pas. Mais si j’ai un bon ballon dans le box, j’ai toutes mes chances. En Roumanie, un coach avait décidé de m’aligner médian droit… Je n’ai servi à rien. Vous avez vu mon physique ?  » Et Deivydas Matulevicius de rire, encore.

PAR DAVID DUPONT – PHOTO BELGAIMAGE

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