» Je suis un clochard et JE M’EN FOUS « 

Il a longtemps rêvé de succéder à Stijn Stijnen et de devenir une icône à Bruges.

On avait oublié sa tête de sale gamin sympathique, de colosse souriant toujours prêt à fourrer du poil à gratter dans le short d’un équipier ou de placer un coussin péteur sous la chaise de son coach.

Glenn Verbauwhede (26 ans), c’est ça. Un comique, un boute-en-train, un gars aux raisonnements qui étonnent parfois / souvent. Un gardien de but spectaculaire et doué, aussi. Une formation au Club Bruges, quelques matches là-bas, ensuite la vraie découverte de la D1 et l’affirmation avec Courtrai – et même une convocation chez les Diables. Mais depuis l’été dernier et la rupture de son contrat à Bruges, il était chômeur. Il vient de se recaser à Westerlo.

Pendant ces six mois sans club, tu n’as jamais cru que ta carrière était finie ?

Glenn Verbauwhede : Jamais ! Je visais l’étranger. J’avais tout réglé avec West Ham. Sam Allardyce avait donné son accord après mon test mais son entraîneur des gardiens voulait absolument Manuel Almunia. Entre-temps, j’ai refusé NEC Nimègue, Roda, OHL et encore d’autres. A Westerlo, on voulait me faire signer un long contrat, je ne voulais que 6 mois. Parce que j’ai un accord verbal avec un bon club du sud de l’Europe : le long de la mer. Il y en a qui vont être surpris.

Pourquoi tu n’y es pas maintenant ?

Parce qu’il y a déjà trois gardiens.

On t’a proposé un contrat en Promotion…

Oui, par téléphone. Si j’avais eu le gars en face de moi, je l’enfermais direct dans le coffre de ma voiture.

 » Grâce à moi, Stijnen était bon « 

A 26 ans, tu as joué à peine 80 matches de D1. C’est peu !

Tu trouves ? Moi pas. Regarde mon palmarès : titre, Coupe de Belgique, matches de CL.

OK mais tu étais sur le banc…

C’était le tout grand Bruges, hein ! Et Stijn Stijnen, le gardien indiscutable en équipe nationale… C’était la meilleure équipe du pays. Quand on m’a appelé en dépannage, j’ai prouvé que j’avais le niveau. Tu sais, si on m’avait offert 25 matches comme on l’a fait avec Colin Coosemans, je me serais imposé. C’est au moment où j’étais réserviste que Stijnen a fait ses meilleurs matches. C’est à cette période-là qu’il a été contacté par le Rubin Kazan et le Hertha Berlin. Il sentait une vraie concurrence.

Comment tu as vécu cette période sans boulot ?

Une seule chose m’a manqué : la vie en groupe. Mais j’ai beaucoup travaillé. Des séances individuelles avec Hans Galjé, Theo Custers et d’autres pros. En plus de Michael Creyf, un coach de triathlètes. Tous les jours, je travaillais quatre heures d’affilée. Je n’ai pris congé que quelques dimanches. Le jour de Noël, j’étais sur le terrain. Sans ça, ce n’était pas possible de faire le match que j’ai fait contre le Standard après m’être entraîné une semaine avec Westerlo.

Gros tank

Tu n’as jamais été mince et ça ne s’est pas amélioré !

Typiquement belge comme remarque ! Quand j’ai passé les examens médicaux à West Ham, les docteurs m’ont dit : -Tu pourrais peser trois kilos en moins mais ce n’est pas un souci. Partout, si tu te défonces à l’entraînement et si tu arrêtes des ballons le week-end, on s’en fout de ton poids. En Belgique, c’est trop gros, donc pas bon. Walter Baseggio a traîné cette réputation toute sa carrière. Mais quel joueur fantastique ! On préfère quoi ? Un gars mince qui est faible dans sa tête parce qu’il est obsédé par son poids ?

A Westerlo, des coéquipiers te surnomment gros tank…

J’en ai rigolé. Si des gars se sentent mieux parce qu’ils peuvent se moquer de quelqu’un, pas de problème. Et si en plus, ça fait du bien à l’équipe, c’est encore mieux.

Tu as bien embêté le Standard dès ton retour : tu te souviens que tu avais autrefois traité les Standardmen d’imbéciles ?

Je n’avais pas dit que c’étaient des imbéciles. J’avais un problème avec la mentalité de quelques joueurs. Trois bons matches et ils sont invincibles. En Wallonie, le Standard est LA référence. Et qu’est-ce qu’ils font, les joueurs références ? Des casques audio, des chaussettes blanches au-dessus du pantalon, les lacets défaits, 15 chaînes en or, des boucles d’oreille, une casquette rose,… Je ne supporte pas. Ils veulent être tendance mais ils ne ressemblent à rien. Tu ne vois jamais ça en Angleterre.

Il y a quelques années, j’ai perdu en peu de temps mon arrière-grand-mère, deux copains et mon grand pote à Bruges, François Sterchele. Je ne m’en remettrai jamais, de son accident. Sa mère m’a offert le chapelet qu’il avait dans son armoire au Club et il ne me quitte pas. Quand j’ai eu ces problèmes dans la tête, je suis allé chez un psy et je l’ai dit. Il y a beaucoup de footballeurs qui consultent. Et combien l’avouent ? Personne ou presque. Parce que le foot est un sport de machos. Idem quand j’aborde ouvertement la question de mon poids. Il y a plein de joueurs qui traînent des kilos mais on se tait. Ils ont peur qu’on se foute d’eux.

Rien que des gros machos ?…

Ben oui, regarde les voitures, les femmes, les fringues. Quand je vois comment beaucoup sont sapés en arrivant au stade, je fais des yeux comme ça ! A côté d’eux, moi je suis un clochard. Mais je m’en fous. J’investis beaucoup dans les briques plutôt que de claquer mon argent dans des gadgets. Je vois des machos. Et des hypocrites.

C’est-à-dire ?

Tous ces gars qui balancent sur Twitter mais ont peur quand ils donnent une interview. Dès qu’ils ont un journaliste face à eux, ce sont les clichés, les discours de circonstance : je vis comme un pro, je ne roule jamais vite, etc. Et il y a plein d’égoïstes. Le foot est le plus individuel des sports collectifs. J’en vois tellement qui disent qu’ils font ceci et cela pour le groupe mais qui ne pensent en fait qu’à eux.

 » Bruges panique, ce n’est pas nouveau « 

Tu avais déjà travaillé avec Jan Ceulemans à Bruges. Tu retrouves le même homme ici ?

Il a été torpillé là-bas. La direction l’a beaucoup trop peu soutenu. Il avait pris sept points en Ligue des Champions alors qu’il y avait la Juventus et le Bayern dans notre poule. Le Club avait été recasé en Coupe de l’UEFA. Et en mars, on pouvait encore décrocher le titre. Les dirigeants ont fait l’erreur de le virer bien trop vite.

C’était la panique ?

Oui. Et c’est encore la panique aujourd’hui… (Il rigole). La pression est très forte là-bas, alors on ne prend pas toujours les meilleures décisions. On l’a encore vu avec Adrie Koster : il était déjà sous pression avant le début du championnat. Pas vivable.

La communication entraîneur – joueur avec Ceulemans, c’est… ?

Je n’ai pas besoin de beaucoup communiquer avec mon coach pour savoir ce qu’il attend de moi.

A Bruges, tu avais connu Trond Sollied : le jour et la nuit du point de vue de la communication !

Sollied communique beaucoup… vers l’extérieur. Vers les médias. Pas avec ses joueurs. Comme footballeurs, Sollied et Ceulemans n’avaient besoin que d’une demi-phrase pour comprendre l’essence du jeu.. Comme entraîneurs, ils prononcent une demi-phrase et les joueurs sont censés compléter. Pourquoi El Ghanassy a-t-il autant de difficultés à Gand ? Parce qu’il n’arrive pas à le faire. Il y a là-bas 25 gars qui en sont capables. Sollied donne des pistes, ils complètent. Et ça fait une équipe qui joue le titre. Nous avons rigolé la première fois que Sollied nous a dit : -There is one rule ; there are no rules. C’est un résumé parfait de sa méthode. C’est impossible d’avoir plus de liberté. Mais si tu ne sais pas la gérer, tu as un gros problème. Avec lui et tes coéquipiers.

Et Leekens qui a fait de toi un gardien de D1 ?

C’est mon deuxième père. Tu vas vers la sortie de route, il te tire par la manche et te ramène sur la bonne trajectoire. A Courtrai, il y avait aussi Philippe Vande Walle. J’ai dit à la direction : -Je reviens chez vous seulement si vous prenez Vande Walle. Leekens a dit qu’il allait être trop cher. J’ai répondu : -S’il n’y a pas assez d’argent, je donne une partie de mon salaire. Finalement, Courtrai l’a pris et l’a payé…  »

 » Bruges m’a donné tellement d’argent en me licenciant que j’aurais accepté d’y jouer gratuitement « 

La déception a dû être terrible quand le Club a rompu ton contrat !

Bien sûr mais je le savais depuis mars. Bruges m’a longtemps fait rêver. Demande à Réginal Goreux pourquoi le Standard est extraordinaire, demande à Romelu Lukaku pourquoi Anderlecht est unique. Quand tu as fait autant d’années dans un club, tu es marqué. Mais c’est le passé. Je pense beaucoup à Coosemans. On le bombarde n°1, il fait quelques petites erreurs. Au lieu de dire que ça fait partie de son apprentissage, on transfère Bojan Jorgacevic en plein championnat. Mais on bloque sa carrière et de l’autre jeune qui était n°2 en début de saison, Sven Dhoest.

Ce n’était pas un cadeau empoisonné pour Coosemans de partir comme titulaire ? L’équipe était toute nouvelle.

Pour un gardien, le boulot est toujours le même, qu’il connaisse son équipe ou pas : arrêter les ballons. Je m’entraîne 4 jours avec Westerlo puis je stoppe tout contre le Standard : tu crois que je connaissais mes coéquipiers ?

Tu as dit que tu n’avais apparemment pas le bon profil pour le nouveau Club…

Par convention de rupture, je ne peux pas faire de déclarations négatives sur le Club. Et l’inverse est vrai. Tu enregistres l’interview et je le fais aussi… Je dois me protéger. Je n’ai pas envie d’un combat juridique qui n’arrangerait personne. Juste un truc sur le fameux profil : quand on a passé plus de 10 ans dans une maison, on a sans doute le profil de cette maison, non ?

On t’a recontacté au moment des négociations avec Jorgacevic ?

Oui. Les deux grands patrons du Club me proposaient de retourner mais les décisions se prennent à quatre et les deux autres ne voulaient pas entendre parler de mon retour. Pour des raisons extra-sportives.

Tu aurais accepté d’y retourner ?

Pourquoi pas ? Ils m’ont donné tellement d’argent en me licenciant que je suis prêt à jouer gratuitement pour eux !

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTO: IMAGEGLOBE

 » Les voitures, les femmes, les fringues. Le foot est un monde de machos, d’hypocrites et d’égoïstes. « 

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