Je suis un aventurier honnête

Le vice-président exécutif des Rouches se livre totalement dans un entretien exclusif.

La vie

Je suis de nationalité italienne, résident au Portugal depuis 1985 et vis depuis la fin des années nonante de plus en plus en Belgique, Standard oblige. J’ai une société immobilière en Belgique grâce à laquelle j’ai acquis des immeubles de rapport pour ma famille. J’ai également rénové un bien à Liège où j’habite. Avec ma maison j’ai pignon sur rue. Tout est officiel, tout est clair. Ecoutez, je possède des sociétés à l’étranger mais tout est géré par une société fiduciaire en Suisse en toute légalité. J’ai toujours déclaré tous mes revenus dans les pays où je les ai gagnés, comme le prévoit la loi. Mais en Belgique, on a pu trouver bizarre le fait que je ne gagnais pas d’argent au Standard… J’ai donc un salaire du club depuis février 2006, comme ça on ne pense pas que je détourne de l’argent pour me payer ! En dix ans, je n’ose pas imaginer tout l’argent que j’aurais gagné si j’étais resté simplement agent de joueurs. Sans parler des relations que j’ai mises à la disposition du club. Mais s’il n’y avait pas le Standard, je ne serais pas à Liège. Sans doute que le club a détourné mes biens sociaux à son profit ( rires).

Cela ne m’intéresse pas d’être reconnu. Ce que je veux c’est faire mes courses au supermarché avec ma femme sans être dérangé. Ma philosophie de la vie est simple : la patience, un peu de chance, la compétence. Je n’ai jamais été un novateur, mais j’ai su être aux bons endroits aux bons moments.

Je pense souvent à mon père qui a tout abandonné en Italie pour venir travailler ici avec sa famille et pour survivre. Et à ma mère qui ne savait ni lire ni écrire mais a toujours vécu pour sa famille. Combien de fois quand, avec mon frère, on allait manger des pâtes chez elle et sentant qu’on était énervés, elle disait -Arrêtez-le football, les garçons ! On allait aussi manger chez elle avec des Bernard Tapie ou Alen Boksic et elle ne savait pas qui c’était… bien qu’un jour elle m’a dit avoir reconnu Boksic sur la RAI.

Je n’ai pas d’ordinateur. Ma femme en a un, ce qui l’aide pour son travail de diététicienne. Mais moi, pfft… non. Je retiens tout.

J’aurai bientôt 52 ans et je cours deux ou trois fois par semaine. Sur le Ravel, à Liège. Entre 45 minutes et une heure, seul ou avec des amis. J’ai déjà arrêté plein de fois de fumer mes cigarillos et mes cigares, mais je reprends. J’y arriverai pourtant. Car c’est mauvais pour la santé mais aussi parce que je veux me prouver à moi-même que je ne dépends pas du tabac pour être heureux.

Je pourrais travailler dans un club du sud. Mais ce n’est pas le soleil qui m’intéresse. C’est le type d’action. Je vais où je trouve des choses intéressantes à effectuer. Et si j’ai besoin de soleil, j’y vais.

J’aime qu’on ait l’esprit critique. Il faut pouvoir parler, échanger, s’exposer. Mais je sais aussi que ce n’est pas toujours possible, que l’être humain est parfois un peu imbu de lui-même. On peut être bon dans l’un ou l’autre domaine, mais on a toujours des choses à apprendre. Si on n’a pas cette ouverture d’esprit, on ne dure pas au Standard ; il convient d’avoir l’esprit club jusqu’au bout. Il faut accepter les critiques, et que ce soit aussi un autre qui apporte quelque chose. C’est vrai à la fois dans l’équipe et au niveau de la direction. Pour moi, elle doit être un laboratoire : on y fait des expériences, on se développe. La perfection n’existe pas. Mais en arrivant au Standard il y a neuf ans, je m’étais dit que j’allais essayer d’y construire quelque chose.

Le travail

J’ai été l’agent attitré de nombreux joueurs (Boksic, Tudor, Futre), mais suis également intervenu personnellement dans des cas précis. Et sans mandat d’exclusivité. Pour moi, les mots  » agents, conseils, etc « , c’est beaucoup de rhétorique ; ce qui compte c’est de pouvoir agir. Un exemple : j’étais intervenu dans le passage de Zinédine Zidane de Bordeaux à la Juventus. Un jour, à Turin, il a voulu partir parce que ça n’allait plus. Zizou m’a appelé : -Lucien, tu es le seul à pouvoir me sortir de là. C’est ça qui est important dans ce métier : être reconnu pour ce qu’on peut faire. D’abord, la Juve ne voulait pas que Zizou parte et puis elle a mis son prix à 100 millions d’euros. Le Real le voulait mais sans payer plus de 50 millions. Je suis intervenu, j’ai permis aux deux parties de se rencontrer et finalement, il est parti en Espagne pour 75 millions. Tout le monde était content. Ce que j’ai gagné ? J’aurais pu demander beaucoup plus que ce que j’ai reçu, mais mon but n’a jamais été de faire un coup et puis de disparaître. Ma philosophie a toujours été d’être disponible en ne me fâchant avec personne et de toujours susciter de la confiance. J’ai toujours travaillé de façon claire et transparente.

A chacun son interprétation. Il y a des transactions que les enquêteurs liégeois n’ont pas comprises. Ils trouvent parfois ça énorme comme sommes, pas moi. Tout est une valeur de convenance dans une transaction. Je n’ai jamais obligé personne à signer un accord. Simplement, j’ai toujours été un bon marieur. Trouver les partenaires idéaux n’est pas donné à tout le monde. Car il faut que chacun trouve un intérêt réel et soit satisfait. J’ai sans doute une bonne psychologie dans le contact et surtout, surtout, une très belle connaissance du football.

Si j’arrêtais de m’occuper du Standard, je ne redeviendrais jamais agent de joueurs. Reprendre un autre club ? Je ne le pense pas : ce n’est vraiment pas facile. Avoir les capitaux, c’est une chose mais il faut une bonne gestion sportive. Pour moi, c’est un métier de garder la tête froide par rapport aux émotions, aux passions, aux médias… Quand je vois les sommes démentielles qu’un Abramovitch investit à Chelsea, cela me dépasse. En football, ce n’est pas toujours l’argent qui décide du résultat. Exemple : le Real qui n’obtient pas les résultats escomptés. Moi, ce que je respecte, ce qui me plaît dans le football, c’est la compétence.

Le football en général

C’est en Italie que j’ai vu les jeunes les plus réceptifs. Ils ne rechignent jamais, ils écoutent tout et s’appliquent : ils ont une discipline fantastique, non seulement sur le terrain mais également en dehors. Quand ils jouent, ils savent toujours où se trouvent leurs adversaires et leurs partenaires. Ils ne courent pas comme des poules sans têtes. Au Portugal, on laisse la technique individuelle se développer totalement. Tactiquement, il n’y a pas d’intérêt mais on laisse les personnalités s’exprimer, on n’embrigade pas les jeunes dans un système, on laisse les qualités personnelles se développer à leur paroxysme. A Manchester United, j’ai pu me rendre compte de l’intérieur du système Ferguson grâce à la présence de son adjoint portugais Carlos Queiros, un ami. Outre les installations et la philosophie de jeu, l’éducation y est essentielle. On y a compris qu’il valait mieux ne pas déraciner les jeunes et les laisser grandir au sein de leur famille. On ne les enferme pas dans un centre de formation, on ne les emprisonne pas, on les laisse aller à l’école, rentrer à la maison, rester en contact avec la réalité de la vie. En France, on insiste énormément sur la discipline.

Je n’ai pas imposé une manière de fonctionner à Porto où j’ai été manager. J’ai aussi des contacts un peu partout et j’ai appris beaucoup au Real Madrid, à Barcelone, à la Juve, à Milan, à Manchester United. Le tout n’est pas de trouver certaines choses belles et bonnes, c’est de pouvoir les adapter. Le Standard n’a par exemple pas les moyens de scouter partout dans le monde comme certains grands clubs… ou la possibilité de mettre entre huit et dix millions d’euros sur la table comme Chelsea. De toute façon, tout le monde est confronté à certaines limites. Eto’o était à Madrid avant de passer à Barcelone… mais on ne peut pas se placer au-dessus des lois et faire signer un contrat à un moins de 16 ans. Il y a toujours des choses qui échappent aux meilleurs plans. On peut également se tromper sur l’évaluation d’un joueur. La différence peut parfois être minime et tient à des détails sur un match ou sur une saison.

La valeur sportive ajoutée sur le joueur, voici ce qu’il faut rechercher. Et ça n’a rien à voir avec la tactique. Les jeunes doivent apprendre les grands principes mais ce n’est pas la tactique d’un entraîneur qui va les faire devenir meilleurs ou pas. D’ailleurs, il n’y a pas de vérité tactique. Tout évolue tout le temps. Même sur un match : on peut commencer dans une disposition et terminer dans une autre. J’aime aussi tester la polyvalence du joueur. Et ça sur une longue période. C’est un plus pour une équipe de pouvoir bénéficier de cette souplesse. D’ailleurs, un joueur se limite s’il ne se voit efficace que dans un rôle. Ce n’est pas comme cela qu’il va progresser ou alors, on tombe sur un type qui est hyper fort à une place où personne ne peut le remplacer. Alors, oui. Mais c’est exceptionnellement rare.

Quand je jouais, mon modèle était Johan Cruijff. J’ai fait sa connaissance quand j’étais dirigeant à Porto : il était coach à l’Ajax et voulait nous acheter Madjer. Il est venu à la maison et on a discuté toute la nuit jusqu’à six heures du matin. Je l’ai souvent revu après, quand il est parti à Barcelone.

La Ligue des Champions est un beau spectacle où les clubs les plus importants se retrouvent sur le plan financier. C’est important mais il faut aussi que les champions des petits pays soient invités à la fête. Car en football, tout est possible avec du talent et comme il y en a partout, il faut laisser de la place aux surprises.

Heureusement que la Squadra a remporté la Coupe du Monde. La situation italienne est très difficile : scandales, clubs qui ne payent pas leurs joueurs, violence. Le Calciopoli ? On parlait de corruption d’arbitres mais ne doit-on pas plutôt parler d’influences des dirigeants qui choisissent les arbitres ?

Ah, l’aspect physique dans le football… On a refait appel à Guy Namurois. Boskamp ne voulait pas de lui mais ce n’est pour ça que ça n’a pas marché. Je laisse travailler les coaches en toute indépendance. Tomislav Ivic n’avait jamais de préparateur physique. Evidemment, il a tous les diplômes d’entraîneurs en ex-Yougoslavie ; même de basket et ça aide ! Mais il n’y a pas de vérité là non plus, même si le Milanlab – qui coûte 10 millions d’euros par an – donne quand même des résultats… Si on n’a pas cette installation, il faut savoir sur quels points on ne peut pas influer. Il faut pouvoir rester simple et logique, autrement, c’est surtout de l’esbroufe. A ce niveau-là, on avait un autre grand ici : le Dr Popovic, ex-champion olympique et du monde de handball. Il nous a malheureusement quitté pour le Qatar. Il a une vue très large du sport de compétition et de ses suivis physiologiques et psychologiques. On a quelques joueurs d’un certain âge dans le noyau et il faut savoir comment les ménager pour prester. Ce n’est pas facile à réaliser, il faut beaucoup de doigté parce que le seuil de la douleur, par exemple, n’est pas le même pour tout le monde. On va voir comment le remplacer, mais je pense qu’on va continuer avec le CHU de Liège.

Le football belge

En Belgique, on se plaint du niveau mais on doit surtout se demander si les clubs travaillent bien. On peut agir énormément entre le passage de la catégorie des jeunes au noyau pro. Le joueur est encore malléable à 18-20 ans. Là on doit travailler à bon escient. En étant très pointu et en étant très large d’esprit avec le staff : en communiquant toutes les informations et en ne voulant pas s’attribuer l’un ou l’autre mérite.

L’Union belge et le Standard ont maintenant de bonnes relations. Je suis satisfait de l’influence des clubs pros : ces derniers n’ont pas en mains la commission sportive et la commission d’appel, mais tant qu’il n’y a pas d’emprise négative sur le championnat, ça va. Mais l’UB est passée à côté de quelque chose d’énorme en ne prenant pas Michel Preud’homme comme président : c’est un ex-joueur de classe mondiale, un connaisseur… mais c’est perdu pour la fédération d’un point de vue national et international, tant sur le plan médiatique que politique. Il a été déçu de ne pas être élu mais s’est repris. Il avait l’opportunité de rester au Standard comme entraîneur et l’a saisie. Mais si Michel nous avait quitté, on aurait été heureux que l’un des nôtres contribue à faire progresser le foot belge.

On a souvent mal interprété le Standard. Prenez la fan card : on était contre depuis des années et on nous a traités de tous les noms, quitte à sortir de la Ligue Pro. Et finalement, quelques années plus tard elle n’est plus obligatoire. C’est comme quand on a lutté pour le droit à l’image dans son stade, qu’on ne s’est pas rangés à l’avis collectif et qu’on a mis toutes les chaînes de télé en concurrence. On a toujours des idées très tranchées et on a peut-être eu raison trop tôt. On a souvent été un peu isolé, on a dit -C’est de nouveau le Standard qui fait de son nez ! On nous a fréquemment donné une image négative sans se demander si on disait vrai ou pas. Quand j’avais été dire ma façon de penser à un arbitre après un La Gantoise-Standard, j’en avais pris pour trois mois d’interdiction de stade. Mais pour sa montée sur le terrain cette saison, Johan Vermeersch – un gars que j’aime bien – n’a rien pris comme suspension. Cherchez l’erreur…

Il n’y a pas eu de candidat du Standard quand Jean-Marie Philips est passé de la Ligue Pro à la fédération. Pour être président ou directeur à la Ligue Pro, il faut posséder les compétences et la disponibilité. Ni Pierre François ni moi-même n’avons le temps. Mais Pierre siège au comité de direction de la Ligue et nous avons de gros défis à affronter dans ce cénacle où je me rends souvent également. Le plus gros objectif est de tirer le football belge vers le haut. Il y a des tensions mais il faut restructurer la D1. Je n’ai pas la solution et je ne veux pas dire qu’il faut passer à 12, 14 ou 16 clubs mais il faut faire quelque chose. Il faut une ligue forte en D1 et en D2, et être soutenu. Autrement, comment présenter un produit attrayant ? Il ne faut pas toujours tirer les clubs en difficultés, ceux qui laissent la responsabilité de leur club aux autres. Il faut savoir se situer, être à la hauteur sur le plan de l’infrastructure et du sportif. Il faut un chouette stade, un beau terrain, une belle ambiance. Parfois je n’ai même pas envie d’aller dans certains clubs parce que ça frise l’insécurité !

Il faut aider les arbitres : ils sont dans une position de plus en plus difficile. Les télévisions apportent de l’eau au moulin des joueurs, coaches et journalistes. Il y aura toujours des erreurs, mais il faut que les arbitres prennent leurs responsabilités. Ils doivent admettre qu’ils n’étaient pas bien placés, qu’ils se sont trompés. Le jeu va de plus en plus vite, les joueurs sont de mieux en mieux entraînés et les ballons de plus en plus légers ? On a de bons arbitres mais j’aimerais qu’ils aient de la personnalité. Il ne suffira pas de vouloir les aider avec la vidéo ou en augmentant le nombre d’arbitres, il faut aussi les aider à passer un palier. Pierluigi Collina, quand il était le meilleur arbitre du monde, n’avait jamais de mal à reconnaître qu’il s’était trompé. Pour progresser, nos arbitres belges doivent arrêter de se cacher. Et il faudra que les exigences soient plus élevées. Que les observateurs se sentent également impliqués, mis en lumière et ne fonctionnent pas par simple routine. C’est un des rôles de la Ligue Pro d’ouvrir le dialogue avec la commission d’arbitrage.

Avons-nous assez de bons entraîneurs en Belgique ? Pour pouvoir donner son avis, il faut connaître toute la situation. Quand on sait tout ce qui se passe, on raisonne moins en termes de résultats. Un entraîneur n’est jamais le seul responsable des résultats. C’est vrai, aussi, pour l’équipe nationale. Il faut voir les moyens du noyau, ses qualités, la chance ou la malchance, les incompréhensions. On peut avoir un belle petite équipe nationale avec René Vandereycken (un coach qui a des qualités pour réussir), mais il faut du temps et de la chance. Or, l’équipe belge vit sous une chape de plomb. Forme-t-elle seulement un vrai groupe ? Il faut toujours une âme à une équipe, autrement rien ne se passe. Au Standard, à quatre ans d’intervalle, on a engagé Robert Waseige et Johan Boskamp et chaque fois ça s’est mal terminé. On comptait beaucoup sur eux mais la chance n’a pas été avec nous… et ici j’inclus tout le monde. Ce n’est gai pour personne de vivre des moments pareils. Quand les résultats ne suivent pas, on est d’abord patient et puis on se rend compte progressivement que la confiance s’effiloche auprès du public, des dirigeants et enfin des joueurs. Mais les gens ne parlent pas nécessairement, il faut analyser le climat, le sonder avant de prendre la bonne décision. C’est un travail de dirigeant qu’il faut savoir faire.

Les grands clubs belges n’ont pas les mêmes objectifs ou la même philosophie. Les moyens et les budgets sont très différents aussi : 30 millions d’euros par an pour Anderlecht, 25 pour Bruges, 20 pour Genk et 18 pour nous.

La justice

On a recherché des traces de blanchiment d’argent au Standard en mai 2004. On n’a rien trouvé, mais du coup, la justice française a eu la puce à l’oreille et m’a cité à comparaître dans l’affaire sur les comptes de l’Olympique de Marseille en octobre 2004. Je n’avais rien à voir là-dedans, ce sont des vieilles histoires qui remontaient à ma période d’agent quand je veillais sur les intérêts de Christophe Dugarry. Il passe coup sur coup de Bordeaux à Milan puis à Barcelone et à l’OM. Je lui avais fait signer un contrat chez Nike qui me versait l’argent que je reversais au joueur. Normal. Le joueur passait d’un pays à l’autre mais pas moi et la justice a estimé qu’on voulait contourner les législations fiscales en vigueur en France ; pas du tout, j’ai toujours agi ouvertement. Fabrizio Ravanelli, je l’ai aussi transféré à l’OM. Et j’ai également perçu le pourcentage prévu, rien d’illégal, et sans abus de biens sociaux. En septembre 1997, je le transfère de Middlesborough à l’OM. Je partage la commission avec l’agent italien. Pourquoi ne pourrais-je pas disposer de cet argent ? Je conteste qu’on me refuse le droit d’utiliser mes trois sociétés : au Panama, au Lichtenstein et aux Pays-Bas. Tout était très clair : il s’agissait d’une commission payée à moi par l’OM qui m’avait passé l’ordre de faire ce transfert. Bref, il y aura l’appel à ma condamnation en juin et on verra bien. Mais comme je fais l’objet d’un procès en France, la justice liégeoise se (re)penche sur mon cas et rebelote en juin 2006 : perquisitions au Standard pour soupçons de faux et usage de faux.

Je n’ai jamais détourné de l’argent. Pourquoi toutes ces récentes auditions au palais de justice à Liège ? Je ne sais pas exactement ce qu’on me reproche. Cela dit, toutes ces audiences se sont très bien déroulées, les enquêteurs ont toujours été très corrects. Je n’ai jamais rien gagné sans le mériter, en profitant ou en fraudant. 35 personnes du Standard ont été perquisitionnées depuis trois ans mais c’est moi qui suis visé.

En France, j’ai été condamné à deux reprises et cela a fait les gros titres en Belgique. Mais quand j’ai été acquitté en appel, la presse n’en a jamais parlé. A l’époque, je n’ai jamais publié un communiqué pour rétablir la vérité. Je n’ai pas demandé que l’on parle de moi en premier lieu. Que les journalistes fassent leur travail jusqu’au bout. Maintenant, on m’accuse d’abus de biens sociaux. Or, je n’ai jamais abusé de l’OM ou de son actionnaire principal Robert Louis-Dreyfus. Il m’a toujours fait confiance. Après juin prochain, j’espère que la boucle sera bouclée.

Je suis certain que la justice fait son travail du mieux possible mais elle n’imagine pas ce que tout ça entraîne sur la santé et sur la vie quotidienne. J’ai beau faire, j’ai une étiquette de bandit… Or, je suis un aventurier, mais honnête ! Et je suis en paix avec moi-même. Je n’ai peur de rien par rapport à la justice. Je suis serein. Ma seule question est de savoir d’où viennent toutes ces enquêtes. Que cherchent-ils ? Dans tous les cas, je suis content d’aller jusqu’au bout parce que c’est mon intérêt. Que la vérité soit faite, ce sera la plus belle chose pour moi.

Quand on investit beaucoup d’argent, ne peut-on pas tenir compte de l’intention ? Avoir une influence sur le bonheur de tas de gens est-il important ou pas ou pas ? On fait beaucoup de choses pour les gens ici. A Liège, objectivement, on donne du boulot à 600 personnes à chaque match. Et du bonheur à tout un stade, à toute une communauté. C’est pas beau ça ?

Le Standard

On me critique souvent parce que le noyau du Standard est un chantier permanent. Mais ce n’est pas moi qui crée une situation pareille, ce sont les joueurs. Il est impossible de les conserver quatre ou cinq ans. Il y a des ambitions sportives qui se réveillent en eux et les gains financiers qu’ils peuvent réaliser. Tous les jeunes de D1 qu’on interviewe terminent toujours en disant qu’ils rêvent de partir dans un grand club. Marouane Fellaini a dit à la télévision qu’il rêvait de jouer en Angleterre… Ces réflexions sont normales et prouvent qu’ils ont de l’ambition. Je regrettais d’avoir dû laisser partir Vedran Runje, Mémé Tchité et Oguchi Onyewu mais c’est la réalité. Quand le joueur est bon, il y a toujours un moment où on ne parvient plus à lui donner ce qu’il veut. Cela fait mal de le voir partir mais c’est indispensable pour un club qui doit veiller à sa santé. Ces choses arrivent aussi à Genk ou Anderlecht, mais c’est surtout au Standard qu’on le remarque… Maintenant, le fait qu’Onyewu n’ait pas été conservé par Newcastle ne change rien ; il appartient toujours au Standard et on va voir.

La tentation existe de mettre de l’argent en plus pour gagner des trophées mais il ne faut pas faire n’importe quoi. On a vu assez de clubs disparaître. Le Standard est parfaitement sain… et non, ce n’est pas pour cela qu’il est plus facile à céder. Les projets de vente de l’OM n’ont rien à voir du tout avec le Standard. C’est une autre affaire qui ne nous touche pas parce que les deux clubs font l’objet d’une gestion totalement séparée, même si Robert est présent dans les deux sociétés. Notre conseil d’administration, c’est trois personnes, Robert Louis-Dreyfus, Reto Stiffler et moi-même. Reto est président du CA et c’est pour cela qu’il est président du club.

Je possède 10 % de l’actionnariat du Standard qui a déjà été recapitalisé. Mais qui va racheter un jour le Standard, de manière à ce que les investisseurs soient remboursés de leurs mises ? Notre investissement au Standard se monte actuellement à 35 millions d’euros. Si on était champion, bien en vue en Europe, peut-être que ça intéresserait quelqu’un, mais là. Je n’ai pas envie de vendre et nos accords sont plus forts que jamais.

Le Standard se porte très bien financièrement. En cas de difficultés financières, les actionnaires prendraient leurs responsabilités mais ce n’est pas utile. Le budget est en équilibre et c’est la base. On tient nos promesses. Cela fait neuf ans que je suis là et deux ans que je suis vice-président exécutif… Depuis quelques années, on n’a pas dû remettre de l’argent. Mais on peut le faire si nécessaire, je le répète. C’est arrivé avec l’Académie Robert Louis-Dreyfus, à Bois St Jean. Ce n’est pas tombé du ciel. Tout est payé sur fonds propres à côté de l’aide la Région Wallonne. Il y a aussi eu la rénovation du stade avant ça, l’extension des salles de réceptions, la façade du stade, les vestiaires, le salon d’honneur, le terrain dont on espère qu’il devienne l’un des plus beaux du pays… tout en fonds propres.

Le Standard, c’est le directeur général (Pierre François), le directeur technique (mon frère Dominique) et l’entraîneur (Michel Preud’homme) Je fixe les lignes de travail et s’il y a un problème j’interviens. Mais uniquement si une question se pose. Si tout se passe bien, on n’a pas besoin de moi. Mais je passe beaucoup de temps avec Michel et les joueurs. Quand on a le football dans le sang, on a envie de sentir le terrain, de parler du foot. C’est également là qu’on se rend compte de ce qu’on peut apporter comme améliorations. Pour l’avenir, d’ailleurs, on pense aider Tomislav Ivic en lui adjoignant une personne pour l’Académie, un spécialiste de la formation. On a aussi besoin d’un accompagnateur de l’équipe A, chargé notamment des relations avec l’UEFA pour aider notre team manager.

Commercialement, nous faisons les efforts voulus. Nous préférons avoir nos propres services internes de sponsoring et de marketing que recourir à une société extérieure. On a tout repris en mains et ça ne marche pas mal, bien que la Wallonie ne constitue pas un marché tellement florissant. On n’est pas sur un pied d’égalité avec un Anderlecht implanté à Bruxelles mais on n’a pas à rougir de notre image, elle est vraiment nationale : les deux clubs les plus connus à travers le pays, c’est Anderlecht et le Standard. Ce sont les deux plus demandés en télévision et la popularité est quasi la même. Mais cela n’empêche pas certaines multinationales de nous bouder : on ne parvient pas à trouver un sponsor maillot qui nous apporterait trois millions d’euros par an, ce qu’on mériterait. Où restent les grosses banques ou grandes sociétés ? Se basent-elles sur des études de marketing pour passer à côté du Standard ? Leur pouvoir décisionnel n’est pas en Wallonie, tout simplement… J’aimerais tant que notre club soit ressenti partout comme par Yves Leterme, le président de la communauté flamande.

Les types qui ont canardé Dominique avec de la terre il y a un an ne sont pas des supporters. Car nos supporters aiment le Standard et ceux qui le servent. On a mis en place une structure dirigée par Louis Smal : La Famille des Rouches. Ils sont de loin les meilleurs du pays sur le plan de l’ambiance et du comportement.

Lors du stage d’hiver, Sergio avait parlé de s’en aller. Mais il est resté. Sergio est très fort aimé ici et tout le monde connaît le deal qui nous unit : c’est lui qui décide quand il arrête ou quand il part. Sans ça, il ne serait peut-être pas venu, il faut s’en souvenir. Sergio ne se cache jamais sur un terrain, il prend toujours ses responsabilités. Evidemment, quand il prend une carte, il s’en veut toujours. Après…

Tomislav Ivic possède une expérience énorme du footballprofessionnel mais également dans le domaine de la formation des jeunes. C’est un travailleur, un passionné. Le Standard peut continuer à apprendre beaucoup de choses avec lui. Je sais que son arrivée a provoqué quelques réactions dont le départ à son initiative de l’ancien responsable de la formation Christophe Dessy. C’est dommage d’avoir réagi comme cela.

Le plus beau compliment qu’on puisse me faire est que le Standard est bien géré. Quand je pense où le club était il y a dix ans ! On a retrouvé l’équilibre après sept ans et on est passé maintenant de 12.000 à 22.000 spectateurs de moyennes. Quelle fierté. D’avoir relancé tout ça en me basant toujours sur la même philosophie : on gagne ensemble, on perd ensemble. Maintenant j’aimerais qu’on gagne la Coupe. Ah, gagner un trophée ! Ce serait un sacré élan au club. Le Standard doit jouer son rôle. En général, je suis toujours un peu au-dessus du résultat parce que, pour moi, le match est déjà une victoire : c’est le résultat d’une suite d’événements qui se sont bien passés. C’est déjà une joie. Je ne suis pas un supporter, je suis un passionné mais ce n’est pas une question d’ego. Quand les choses vont mal, je n’hésite pas à monter au front pour dire que les mauvais résultats sont de ma faute… Pour ôter la pression des autres. Mais j’ai évidemment des regrets, comme quand on a débuté la saison avec un 2 sur 12. Où serait-on maintenant si on avait eu huit sur douze ?

Mon but maintenant est de construire un grand stade pour le Standard. On a l’Académie Robert Louis-Dreyfus, bientôt on aura un stade de plus de 40.000 places. J’ai déjà deux sites parfaitement en tête à propos desquels je discute actuellement avec les autorités compétentes. Ce sera le bout du chemin, après avoir remis le navire à flots. Je veux un stade qui ressemble à celui du Bayern Munich. Il faut un véritable héritage au Standard de Liège. Il est temps de continuer l’aventure.

recueilli par john baete – photos : reporters/mossiat

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