« JE SUIS UN AMOUREUX DU BALLON »

Fer de lance de l’attaque liégeoise aux côtés d’Imoh Ezekiel, le jeune attaquant de 19 ans revient sur son parcours.

Finalement, il est resté au Standard. Malgré toutes les rumeurs de départ, Michy Batshuayia été convaincu par les propos de Roland Duchâteletet la revalorisation salariale qui lui a été offerte. Il a bien fait. Depuis l’entame de la saison, l’attaquant rouche a déjà claqué des buts en championnat et en Europa League. De quoi donc bien lancer sa saison. Malgré une certaine nonchalance et une propension à compliquer parfois les choses sur le terrain, Batshuayi reste un vrai talent. Et un buteur à l’état pur.  » Vous avez de la chance que j’accepte l’interview. Pour le moment, je ne suis pas encore satisfait de mon niveau de jeu et je préfère rester discret dans les journaux.  »

Pourquoi ne t’estimes-tu pas bon ?

Je trouve que parfois je suis trop en attente des buts, trop focalisé sur les buts. L’entraîneur m’a dit que je ne devais pas être trop excité sur le terrain mais rester froid devant le but, de manière à être plus efficace. Je l’ai écouté et, depuis deux matches, je retrouve mes sensations.

Marquer, c’est si important pour toi ?

Oui. Un vrai attaquant, il ne vit que de buts. Quand, pendant un match ou deux, je ne marque pas, je vais tout faire pour remédier au problème. Moi, il me faut ces goals. Ce sont un peu mes médicaments. Quand je marque, tout va bien. Par contre, quand ce n’est pas le cas, j’ai tendance à m’enfermer sur moi-même. Même si j’ai réalisé un bon match, je ne suis pas satisfait si je n’ai pas scoré. Pour moi, un attaquant ne fait un bon match que s’il marque. Mon père essaie de me remonter le moral mais ça ne sert à rien. Dans ces moments-là, je préfère rester seul, je me refais le film du match dans ma tête, toute la nuit, et je me demande pourquoi je n’ai pas marqué. Alors, je joue à la playstation, je me choisis et je me venge (Il sourit). Je dribble tout le monde et je vais marquer mes buts.

D’où te vient cet attrait pour le goal ?

Mon père jouait déjà comme attaquant. Pour moi, ça a toujours été naturel. J’ai toujours été attiré par le but. Marquer constitue la joie ultime. Je me rends compte aussi que je remplis de joie tout un stade.

 » Je suis capable du meilleur comme du pire  »

Certaines personnes continuent à te reprocher un côté personnel. C’est toujours avec cette idée de marquer en tête ?

Oui, souvent. Mais je trouve que sur ce plan-là, j’ai évolué. Je suis moins personnel qu’avant. Cependant, je reste un joueur qui aime garder le ballon. Je suis un amoureux du ballon. Aujourd’hui, mes coéquipiers le comprennent. Ils me disent simplement – tu aimes garder le ballon, ok, mais alors il ne faut pas le perdre.

Pourtant, tu en perds encore beaucoup…

Oui, c’est vrai. Mais c’est mon style de jeu. Avec moi, il faut s’attendre à tout. Je peux parfois perdre cinq ballons en cinq minutes ou être sifflé cinq fois en position hors-jeu et puis finalement marquer le seul but du match. Je suis capable du meilleur comme du pire.

Comment expliques-tu cela ?

Mon père et mes entraîneurs ont toujours dit que je manquais de concentration. Ils affirment que c’est un combat dans ma tête. Souvent, je grandis dans un match. Je suis une sorte de diesel.

Tu as conscience d’être un des meilleurs attaquants du championnat ?

Si je continue à travailler, peut-être oui. Mais pour le moment, je n’ai encore rien fait qui me permette d’être cité parmi les cinq meilleurs.

Es-tu fier de voir des enfants porter un maillot floqué à ton nom ?

Il n’y en a pas encore assez (Il rit).

Est-ce que la sélection belge t’attire ?

Bien sûr, ça me fait rêver. La Coupe du Monde reste un objectif et un rêve. Mais ça ne sert à rien d’y penser si on ne travaille pas pour y arriver. C’est ce que je suis prêt à faire.

Le Standard casse la baraque grâce à Guy Luzon. Comment décrirais-tu son style ?

Il sait ce qu’il veut. Il ne se laissera jamais marcher dessus. Il a toujours la rage. Il nous regarde dans les yeux pour nous dire qu’on doit se bouger. Il n’est jamais rassasié. C’est un guerrier, un gagnant et il veut nous inculquer cet état d’esprit.

 » Je ne serai jamais autre chose que bruxellois  »

Tu as eu un été chahuté, ton nom ayant été cité à Swansea et Anderlecht. Comment as-tu vécu cela ?

Normalement car moi, je n’entendais pas tout cela. Seuls mes amis et mes parents me parlaient des rumeurs. Au départ, j’ai cru que c’était une blague. Et de semaine en semaine, cela enflait. Des amis me disaient d’aller à Anderlecht, d’autres de rester au Standard. Mon petit frère me poussait pour que je le rejoigne (NDLR : Il joue dans les équipes de jeunes d’Anderlecht). Moi, je ne calculais pas trop. Je laissais à mon agent et à mes parents le soin de s’occuper de cela. Ma mère voulait aussi que je revienne à Bruxelles. Elle n’aime pas trop que je vive à Liège. Encore maintenant, elle insiste pour que je fasse les trajets. Mais c’est quasiment impossible.

Mais as-tu pensé à un départ ?

Je suis jeune et le plus important pour un jeune, c’est de jouer la tête libre. Il ne fallait pas que je calcule ce qui se passait en dehors du terrain. Mais c’est vrai que l’Angleterre, ça fait rêver… Cependant, le président m’a dit qu’il avait encore besoin de moi et il a réglé cela très vite. Beaucoup de jeunes auraient insisté pour partir. Mais moi et mes parents, nous sommes restés froids. On a bien réfléchi et on a jugé qu’il valait mieux rester encore au Standard.

Que représente pour toi la ville de Bruxelles ?

C’est ma ville d’enfance. Je resterai toujours attaché à Bruxelles. Mon rêve est d’ailleurs d’y acheter un jour une grande villa. Je ne resterai jamais longtemps loin de Bruxelles. C’est là que se trouvent tous mes amis. Je ne serai jamais autre chose que Bruxellois. Comme on dit – Brussels for life !

Quel souvenir conserves-tu de ton enfance ?

Des souvenirs de pote. Pour moi, les amis, c’est tout ! On allait à l’école ensemble, on jouait ensemble, on faisait des bêtises ensemble. Et je n’ai pas changé d’amis depuis que je suis pro. Certaines personnes intéressées essaient de devenir mes amis mais ça ne marche pas comme cela avec moi. Autour de moi, il y a toujours les mêmes gens qui savent comment je fonctionne et je réagis. Ce sont eux qui savent me dire si je commence à déraper.

 » Je suis une tête dure  »

Est-ce que tes amis t’ont déjà sermonné ?

Moi, je suis une tête dure. Donc, si tu veux me conseiller, tu dois être dur. On ne me calme pas avec des petits mots. Mes amis savent quels mots il faut utiliser pour attirer mon attention.

En as-tu perdu en route ?

Oui, quand même. Quand tu deviens joueur de foot professionnel, certains commencent à te regarder autrement. Surtout dans mon milieu. Certains sont venus me voir et m’ont dit que je me la pétais. Ça m’a énervé et déçu. Je me suis remis en question et j’ai demandé à mes proches si j’avais changé. Ils m’ont rassuré et m’ont dit que non. C’est pour ces moments-là que j’ai besoin de mes potes. (Il réfléchit) Pourtant, il suffit de rester deux, trois heures avec moi pour se rendre compte que je suis resté le même homme, avec les mêmes réflexes, les mêmes habitudes. En plus, je suis quelqu’un qui dit la vérité en face. Quand quelque chose ne va pas, je le dis. Ça ne plaît pas à tout le monde. On est des mecs : quand il y a un problème, il faut se le dire en face et pas commencer à parler dans le dos des gens.

Est-ce que l’argent que tu gagnes pose problème à certaines personnes ?

Normalement, ça ne devrait pas être compliqué. Mais c’est vrai que quand les chiffres de mon salaire ont été dévoilés, certaines personnes sont venues un peu me casser les c… Mais les gens qui se rapprochent de moi juste pour me gratter de l’argent, je les vois venir. Je sais qu’ils sont là pour cela et j’ai tendance à les fuir. Mes parent préfèrent que je reste avec des joueurs de foot. Il disent qu’on connaît les mêmes problèmes et qu’on a les mêmes conversations.

Ça te fait mal de ne jamais avoir porté le maillot d’Anderlecht chez les pros ?

Anderlecht, ça me parle car c’est le club de la ville mais je suis vraiment bien au Standard. Ça ne me manque pas. Ils ont fait une erreur en me virant. Et je mesure très bien la rivalité entre le Standard et Anderlecht. Il suffit de voir ce qui s’est passé avec Milan Jovanovic et Dieumerci Mbokani ! Je n’ai pas trop envie de faire comme eux. Je veux quitter le Standard en laissant une trace. Je veux que les supporters se souviennent de moi.

Pourtant, tu arrives à faire abstraction de la pression des tribunes…

Oui, c’est vrai que quand je suis sur le terrain, je ne pense qu’à mon match. J’ai un caractère fort et c’est difficile de me déstabiliser. Mon plus grand combat, je le mène contre moi-même, finalement. Ce n’est pas un adversaire ou un supporter qui arrivera à me déconcentrer. Je me souviens d’un match à Zulte Waregem lors duquel j’avais marqué. Les supporters ont commencé à me siffler. Moi, ça me faisait rigoler quand j’avais le ballon. Ça m’excitait encore plus.

 » On n’arrive plus à me déstabiliser  »

Avec le recul, comprends-tu qu’Anderlecht t’ait viré du centre de formation ?

Peut-être que j’avais un petit problème de comportement. Un peu comme tous les jeunes, non ? Même si j’ai encore parfois un peu ce problème, j’ai grandi. Je suis devenu adulte. J’ai compris que je devais mener une vie de professionnel.

Ça a été facile d’appréhender toutes les contraintes de la vie de pro ?

Je ne suis pas quelqu’un qui sort beaucoup. La seule chose que j’aime, c’est traîner avec mes potes. J’ai seulement parfois un peu de souci avec la ponctualité (Il rit). J’ai du mal à arriver à l’heure. Je suis jeune et je suis tout seul à la maison. Mes parents ne viennent que deux fois par semaine. Alors, je me retrouve seul, le soir, à jouer à la playstation. Les heures défilent et j’ai parfois du mal à me réveiller le lendemain.

Cela fait deux ans que tu as débuté, avec des débuts mitigés à Mons, puis une explosion fin novembre avec un but pour ton premier match de Coupe d’Europe, à Copenhague. Quels souvenirs gardes-tu de cette période ?

Pour moi, c’était une période magnifique. Premier but dans une compétition importante même si on était déjà certain de passer les poules. Tous les jeunes attaquants rêvent d’un scénario pareil.

Quelle partie de ton jeu a le plus évolué en deux ans ?

Je joue plus simple. Je sais quand il faut dribbler et quand il ne faut pas. J’ai appris à être moins agressif car j’ai reçu quelques cartons rouges à mes débuts. Je n’aime pas me faire marcher dessus, alors, j’avais tendance à réagir à la provocation des défenseurs. Mais j’ai compris que cela ne servait à rien de réagir. Ça n’apportait rien. Comme je l’ai dit, on n’arrive plus à me déstabiliser.

Avant de revenir à la surface sous Mircea Rednic, tu avais disparu de la circulation avec Ron Jans. Comment l’expliques-tu ?

Je n’ai toujours pas compris. J’avais terminé meilleur buteur de la préparation, j’avais perdu mes kilos en trop. J’étais vraiment prêt pour le premier match.

Tu avais eu une discussion avec Jans ?

Non. Pourquoi ? Je ne suis personne pour aller me plaindre à l’entraîneur. L’entraîneur, c’est comme l’arbitre. C’est lui le chef. S’il a fait un choix, il faut le respecter. La seule chose qu’il m’a dite, c’est qu’il me laissait à la maison pour voir ma réaction. Mais je ne savais pas comment je devais réagir ni pourquoi il me disait cela.

L’arrivée de Rednic, tu l’as vécue comme une délivrance ?

Pas sur le coup puisque je ne savais pas si j’allais retrouver ma place. A l’époque, j’étais fâché et un peu perdu. Je ne savais pas où je me situais, ce que je devais faire, où j’allais terminer. Est-ce que le Standard comptait encore sur moi ? Mais quand il a dit qu’il allait évoluer en 4-4-2, certains coéquipiers sont venus me voir et m’ont dit – C’est intéressant pour toi. A toi de saisir ta chance. Puis, Rednic lui-même est venu me parler et m’a dit que j’étais un bon joueur et que je ne devais pas gâcher mon talent et me concentrer à l’entraînement.

As-tu craint de voir ta carrière stagner ?

Je me suis posé des questions. J’ai eu peur. Mais quand Rednic m’a donné ma chance, je me suis dit – ça passe ou ça casse ! ?

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » On est des mecs : quand il y a un problème, il faut se le dire en face.  »

 » J’ai parfois un peu de souci avec la ponctualité (Il rit). « 

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