« Je suis trop gentil »

Sur le terrain, il peut paraître capricieux mais les apparences sont trompeuses :  » A cause de tous ces changements de position, ma vie n’est pas facile « .

Comment entamer une interview avec Guillaume Gillet sans évoquer le poste d’arrière droit ? Poser la question, c’est y répondre. Le joueur d’Anderlecht – ne parlons pas de défenseur ni de médian – sourit. Il aurait pu se lever et sortir mais il reste assis :  » On ne cesse de me poser cette question mais j’ai du mal à y répondre. J’ai la chance de jouer presque tous les matches. J’ai été titulaire à plus de 100 reprises. Que ce soit à l’arrière droit ou dans l’entrejeu, je suis heureux d’être sur le terrain. Je préfère jouer dans l’entrejeu, tout le monde le sait mais on continue à m’interroger. « 

Guillaume Gillet est un passionné de vitesse. Plus jeune, il s’adonnait au karting et il adorait le ski. Ces sports lui sont interdits : trop dangereux. Sur le terrain aussi, on a bridé ses élans. Il a d’abord été attaquant puis médian offensif et le voilà arrière droit. En début de saison, Herman Van Holsbeeck a déclaré que cette année serait celle de Gillet dans l’entrejeu puis, pendant la préparation, Ariël Jacobs l’a pris à part pour lui annoncer qu’il était son arrière droit…

 » A Belgrade, nous avons joué dans un autre système, au sein duquel j’ai obtenu un rôle plus offensif, dont je me suis bien acquitté. Le week-end suivant, contre Lokeren, j’ai encore bien joué, cette fois dans l’entrejeu. Une semaine plus tard, je me retrouvais pourtant à l’arrière droit. J’ai ensuite rejoint l’équipe nationale, dans l’entrejeu droit. Tous ces changements de position ne me facilitent pas vraiment la vie. « 

Après toutes ces années, êtes-vous devenu l’arrière droit dont vous rêvez ?

Guillaume Gillet : Pas encore. Cela me déçoit, même si entre Gand (où j’ai été arrière droit pendant un an et demi) et Anderlecht (où je ne suis arrière droit que depuis un an et demi), je n’ai joué que trois ans au total. Ce n’est pas beaucoup.

Vous ne pouvez le dissimuler dans les joutes internationales mais en championnat, ça va.

Parce qu’Anderlecht est souvent en possession du ballon et fait le jeu. Les matches de l’équipe nationale et de l’Europa League sont d’un autre niveau.

Le plus de minutes

Appréciez-vous encore ce genre de matches ? S’ils se terminent mal, vous êtes automatiquement critiqué.

Je n’y pense pas pendant le match mais si ensuite, on ne parle que de ce que je n’ai pas bien fait ou qu’on m’attribue la responsabilité d’un but, je le vis mal. On ne peut pas me juger sur mon jeu défensif. Je fais de mon mieux mais je ne suis pas un Philipp Lahm ni un Sergio Ramos. Eux n’ont jamais évolué à un autre poste. Donc, ces critiques sont difficiles à supporter.

Vous continuez à viser le poste de médian ?

La saison passée surtout, quand l’entraîneur m’a replacé à l’arrière droit, j’ai éprouvé des difficultés. Cette saison, c’était différent : pendant la préparation, je savais où j’évoluerais. Puisqu’il n’y avait pas eu de transfert, cela coulait de source. J’étais donc mieux dans ma tête mais à Belgrade et à Lokeren, j’ai de nouveau eu un rôle plus offensif et j’y ai repensé.

D’autant plus que vous avez marqué contre le Partizan ?

Voilà. Je me suis demandé pourquoi je ne restais pas là. Redevenir arrière droit a été pénible. On verra quand Wasyl reviendra ou si, la saison prochaine, le club effectue un transfert, mais nous n’en sommes pas encore là. La saison ne fait que commencer et je ne peux pas me plaindre car tout ce que j’ai vécu ici a été fantastique.

Pensez-vous souvent à la fracture de Wasilewski ?

Oui. J’ai immédiatement su que j’allais reculer d’un cran alors que j’avais été bon dans l’entrejeu jusque-là. C’est ce qui est si dur à supporter.

D’un autre côté, c’est peut-être grâce à ce poste que vous jouez autant car la concurrence est plus rude dans l’entrejeu.

C’est ce que mon père et mon entourage me disent. Ici, je dispute tous les matches. Chaque saison, je fais partie de ceux qui ont joué le plus de minutes. C’est génial mais je ne peux me défaire d’un brin de déception.

Des mauvais jours

Vous êtes modeste mais fier, c’est vrai ?

Je suis le même que celui qui jouait en D2 et étudiait encore. Il y a six ans, j’étais encore en D3. Depuis, j’ai joué pour l’équipe nationale, j’ai gagné le titre et la Coupe. Je suis fier de ce que j’ai atteint.

Mais vous n’avez pas gagné au poste de meneur de jeu…

De fait, j’aimerais être plus souvent impliqué dans des actions, surgir devant le but, marquer…

Etre la vedette.

Bah… Les réservistes sont aussi très bons, à Anderlecht. Cela ne me gêne pas mais il est certain qu’un attaquant jouit d’une plus grande considération qu’un défenseur, qu’il s’agisse des supporters ou du Soulier d’Or. C’est grâce à ses actions. Or, je dois brimer mes qualités quand j’évolue en défense.

Que voulait dire Marc Grosjean, votre entraîneur à Eupen, en déclarant qu’il devait parfois vous obliger à garder les pieds sur terre ?

Tout se déroulait parfaitement en D2. Je marquais souvent et je ne me donnais pas toujours à fond à l’entraînement, n’en faisant parfois qu’à mon gré. J’étais nonchalant, sachant que je jouerais quand même le week-end. Marc Grosjean m’a appris à me livrer à fond chaque jour à l’entraînement. Cette étape a été cruciale dans ma progression. A Anderlecht ou à Gand, on ne peut couper les tournants. Si vous n’êtes pas le meilleur à votre poste, vous ne jouez pas.

Vous êtes-vous départi de votre nonchalance ?

Pas complètement mais en grande partie. Avant, c’était grave…

L’arrière droit n’étant pas votre place de prédilection, je peux imaginer que parfois, vous avez envie de lever le pied ?…

Parfois, comme tout le monde, dans tous les métiers du monde. C’est grave de dire ça car un footballeur obtient des chances que les autres n’ont pas. Il faut les saisir mais nous restons des êtres humains. Un problème familial peut avoir des répercussions sur nos prestations. A l’entraînement, j’aime réaliser des actions aussi mais ce n’est pas toujours possible.

En parlez-vous à l’entraîneur ?

Parfois. Mais je joue chaque semaine ! Imaginez que je me retrouve sur le banc. Cela, ce serait une catastrophe. Je ne crains pas la concurrence mais comment réagirait l’entraîneur si je disais ne plus vouloir occuper tel poste ?

Cela entrerait-il en compte lors d’un éventuel transfert ?

Je ne sais pas ce que je ferais si un club issu d’un grand championnat m’embauchait pour le poste d’arrière droit….

Vous doutez toujours.

Oui, même si cela a déjà été pire.

Un vainqueur

Grosjean a également déclaré :  » Dans deux ans, Anderlecht sera trop petit pour lui.  » C’était il y a deux ans et demi…

Je jouais alors dans l’entrejeu. La situation a beaucoup changé : de belles choses et des mauvaises, dont les deux éliminations de la Ligue des Champions, contre BATE Borisov et le Partizan Belgrade. Il n’y a rien de pire. Nous avons perdu deux titres au profit du Standard. Il avait mérité le premier mais rater le sacre dans des barrages, c’est très dur. Enfin, ce n’est rien en comparaison avec nos éliminations européennes. La Ligue des Champions est le nec plus ultra mais je n’ai pas encore pu y participer avec Anderlecht. C’est un chapitre sombre. A côté de cela, il y a un titre et une Coupe.

Et personnellement ?

Le premier grand moment a été mon but en finale de la Coupe, contre Gand. C’était mon premier trophée, après six mois et en plus, j’ai marqué le but de la victoire.

J’ai vécu mon pire moment au début de la saison précédente. J’étais blessé, j’ai raté une partie de la préparation et je me suis retrouvé sur le banc contre Sivasspor et en championnat. Restant sur une bonne saison, je ne m’y attendais pas. Si Wasyl ne s’était pas blessé, j’aurais sans doute dû prendre mon mal en patience beaucoup plus longtemps.

Cette bonne saison, vous l’avez disputée dans un triangle avec Biglia et Polák.

Le premier tour a été particulièrement relevé. J’ai marqué huit buts. Ensuite, il y a eu des remaniements dont j’ignore les raisons. Une fois, j’étais milieu droit, une fois arrière droit. Je n’ai inscrit qu’un but de plus.

Y a-t-il quelque chose de plus beau qu’un but ?

Non.

Râlez-vous quand ça ne marche pas comme vous le voulez ?

Oui mais ça passe vite. J’ai une mentalité de vainqueur. Je m’énerve quand tout ne fonctionne pas sur le terrain. Je râle beaucoup. Mais au bout d’une heure, c’est fini. En fait, je suis trop gentil. Je ne sais pas dire non. Un moment, j’étais constamment à la disposition de la presse. A la longue, j’en ai réalisé les inconvénients. J’ai lu toutes sortes de trucs, style  » ce gros cou avec sa Porsche.  » Mais je ne joue pas moins bien parce que j’ai envie de rouler en Porsche ou en Ferrari. Dans ces moments-là, il m’est difficile de vivre avec la presse. J’ai cessé à plusieurs reprises d’accorder des interviews parce qu’on avait écrit des choses qui n’étaient pas vraies. Pas de problème quand on écrit que j’ai mal joué. Mais c’est différent si on écrit que mon amie et moi sortons chaque semaine à Gand… Je n’y ai plus mis les pieds depuis un an et demi. Ne plus parler à la presse a un autre avantage : on se concentre mieux sur le foot.

Par Jan Hauspie – Photo: Photonews

« Imaginez que je fasse banquette. Cela, ce serait la catastrophe. »

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