» Je suis retombé les pieds sur terre « 

L’ex-flic revient sur l’année la plus tumultueuse de sa carrière : la nervosité de Gand, ses contacts avec le Club Bruges, la clause de son contrat à l’UB et son retour au Gaverbeek.

Il y a douze mois, Francky Dury (54 ans) connaissait le succès à Gand :  » Nous confirmions la bonne saison vécue avec Michel Preud’homme puis tout le monde est devenu nerveux. « 

Le cloaque gantois

Tout a dégénéré dans les play-offs. Le président Ivan De Witte pense que vous n’étiez pas apte à gérer la pression d’un grand club.

Francky Dury : Nous avions joué plus de matches que les autres et manquions de fraîcheur. On est impuissant face à la fatigue, au stress et à la poisse. Nous avons fait match nul contre le Club Bruges alors que nous pouvions gagner. Idem contre Lokeren. Le DG Michel Louwagie nous a félicités mais nous n’avions gagné que deux points sur six.

Gand faillit toujours dans les moments décisifs. Cette fois, De Witte parle du  » stress du titre « …

Et le coach n’est pas responsable… Un jour, De Witte m’a dit que mon style lui plaisait. C’était une victoire pour moi car si Louwagie avait souhaité mon engagement, il avait dû convaincre le président. N’oubliez pas non plus que les playoffs joués avec Michel Preud’homme n’avaient pas été si bons que ça !

N’est-ce pas plutôt De Witte qui a cédé à la pression ?

Le président était très nerveux et les joueurs l’ont senti. Il venait dans le vestiaire mais aussi dans le foyer. Il arrivait au complexe d’entraînement : – Attention, dimanche, il y a un match important ! Comme si nous ne le savions pas. J’ai été surpris qu’il nous mette ainsi la pression.

Après l’ultime match du championnat régulier, à Anderlecht, il vous a accusé d’avoir commis une faute professionnelle grave car vous aviez fait appel à un Jorgacevic incertain.

Jorgacevic s’était blessé dix jours plus tôt mais le staff médical et Jacky Munaron lui avaient donné le feu vert. Puisque le joueur s’estimait prêt, j’ai jugé logique qu’il joue. A 20 minutes de la fin, nous menions 1-2. J’ai dû remplacer Arzo, notre meilleur défenseur, et nous avons encaissé deux buts. Le président est descendu dans le vestiaire et m’a accusé d’une faute indigne d’un entraîneur. Le pire des reproches publics, à un moment crucial, deux semaines avant le début des play-offs. J’ai répondu que c’était moi le patron ! Quelque chose s’est brisé.

Gand vous a aussi soupçonné d’avoir négocié avec le Club Bruges à ce moment.

Le lundi précédant le début des play-offs, le président et Michel ont souhaité me parler. J’y suis allé avec Manu Ferrera, entre les deux entraînements. Michel m’a dit : – J’ai appris que tu téléphonais souvent à Vincent Mannaert et que tu négociais avec le Club. J’ai répondu que Mannaert était un ami et que le reste était faux. Le président a fait remarquer : – Comment peux-tu avoir un ami aussi jeune ? La tournure de l’histoire m’a complètement surpris. J’ai senti là qu’il ne régnait plus aucune confiance.

De là à résilier un contrat de deux ans sans compensation financière ? Un entraîneur ne se met pas à la rue sans raison…

J’ai commis une erreur. Je ne me sentais plus bien dans ma peau. Nos play-offs avaient été mauvais et les joueurs sentaient que notre relation n’était plus intacte. Il ne se passait pas de journée sans qu’un journal évoque les tensions entre la direction et Dury.

Il paraît qu’à votre départ, Louwagie aurait déclaré qu’il avait gagné au Lotto. Vous limoger aurait été très onéreux.

Peu de gens le savent mais pendant ces play-offs, j’ai beaucoup parlé de mon départ avec le président. Il voulait me conserver mais je n’étais pas sûr qu’il le souhaitait vraiment car après chaque entretien, je lisais dans la presse :  » Gand et Dury : la confrontation « . Nous n’étions plus sur la même longueur d’ondes.

Les non-dits brugeois

Aviez-vous signé au Club Bruges ?

Je ne réponds pas à cette question.

En mars et en avril 2011, on vous a vu à plusieurs reprises avec Bart Verhaeghe, Vincent Mannaert, Henk Mariman et Sven Vermant.

Pas de commentaire.

On dit que le Club vous fait taire, qu’il vous paie chaque mois le contrat non honoré et que vous gardez donc le silence.

Le Club ne me fait pas taire.

Vous considériez Mannaert comme un ami. Quelles sont vos relations actuelles ?

Disons qu’elles sont très froides. On verra ce que l’avenir apportera.

Vous avez qualifié votre retour à Zulte Waregem de choix de votre c£ur. C’est un cliché à l’eau de rose. Pourquoi ne reconnaissez-vous tout simplement pas que vous êtes un homme de terrain qui n’a opté pour l’UB que parce que l’épisode gantois avait écorné son image et que vous deviez gagner votre vie…

On m’a fait cette remarque quand je négociais avec l’UB : -Quand on embauche quelqu’un avec le profil de Francky Dury, on risque de le perdre parce qu’il veut retrouver le terrain. Mon travail à la fédération m’a passionné. Pendant trois mois, j’ai travaillé trois ou quatre soirs par semaine jusqu’à dix ou onze heures. J’ai élargi ma connaissance du football belge. J’ai effectué des rapports sur tous les entretiens menés et j’en ai ressorti une vision. Nous avions aussi un beau projet pour les Espoirs. Tout allait bien.

Plusieurs managers m’ont téléphoné durant cette période, notamment pour Saint-Trond, et j’ai systématiquement refusé. Zulte Waregem, c’était différent. C’est une partie de moi-même. Il me permettait de revenir sur le terrain dans le club de mon c£ur. Je n’aurais pas accepté une autre équipe. Sauf une formation du top 5, mais ces clubs ne me convoitaient pas. Zulte Waregem, 14e, n’était pas vraiment un cadeau.

Pourquoi la fédération vous a-t-elle laissé partir aussi facilement ?

Zulte Waregem s’est acquitté de la clause de départ que j’avais fait insérer dans mon contrat.

D’aucuns vous soupçonnent d’être opportuniste.

Qu’on arrête ! L’UB et moi avions une convention claire. Point. J’ai résilié mon contrat à Gand sans avoir d’autre perspective. Suis-je un opportuniste ? Je ne pense pas.

Pourquoi avez-vous dit oui à Patrick Decuyper, l’administrateur délégué de Zulte Waregem maintenant et pas en mai, avant qu’il n’engage Darije Kalezic ?

Parce que j’espérais encore être engagé par le Club Bruges. Je souhaitais un délai de 72 heures. Zulte n’a pas voulu.

Vous avez donc bien négocié avec le Club Bruges ?

Tout le monde sait que nous avons été en contact.

Deux jours après le licenciement d’Adrie Koster, Mannaert a pourtant juré, dans une émission TV, n’avoir jamais été en contact avec vous.

Je pense que le Club a également dit que j’étais un candidat, comme d’autres, de même qu’il était aussi possible que Koster reste.

Le brutal atterrissage à Zulte Waregem

Vous vous êtes disputé avec Decuyper à propos de votre salaire et vous avez dû revoir vos ambitions !

Nous en avons discuté mais ma décision est venue du c£ur. Ou du terrain si vous préférez. En l’espace de six mois, Zulte Waregem a dégringolé quelques échelons.

Mais vous connaissez Decuyper : à la fin des années 80, vous étiez entraîneur du SK Renaix et il y jouait…

En première ou deuxième Provinciale. Patrick était issu des Juniors et n’était pas mauvais mais a entamé des études universitaires. Je pense qu’il a joué tout au plus un an avec moi. Nous nous sommes revus plus tard et j’ai appris qu’il était directeur de la société Enfinity. Nous n’avons pas eu de contact pendant une décennie.

Selon Decuyper, il n’était pas possible d’effectuer des transferts en janvier mais à peine arrivé, vous avez enrôlé rien moins que Franck Berrier et Mbaye Leye. Tous les deux à titre définitif

D’après ce que je sais, Berrier constituait une opportunité. J’ai déclaré : – Nous sommes 14e, nous ne transférons plus de Chinois. Je veux des joueurs que nous connaissons et qui apportent une plus-value à l’équipe. J’ai aussi insisté pour que les transferts restent viables, sachant que la situation avait changé en six mois.

Decuyper avait aussi affirmé que de nouveaux joueurs déstabiliseraient le groupe… Qui est le patron à Zulte Waregem ?

J’essaie d’aider le club. Sa situation est grave. Quand on est 14e, on n’a plus le droit de prendre des risques. J’ai 27 joueurs, c’est trop. Plusieurs jeunes ne sont pas prêts au jeu dur qui se livre dans la cave du football belge. Je sais de quoi je parle. Patrick veut vraiment le bien du club. Mais quand j’étais directeur technique de la fédération, j’ai visité le PSV. On m’y a dit : -Vous avec entraîné Zulte Waregem. Il a de grands projets et beaucoup d’argent. Si un club étranger affirme ça, c’est dangereux. Nous n’avons pas beaucoup de sous et notre projet est banal. Nous devons avancer pas à pas.

Vous avez donc remis Decuyper les pieds sur terre.

Il ne faut jamais oublier qui on est ni d’où on vient. C’est un art. Patrick est un homme correct et aimable mais il ne connaissait pas l’univers des managers. Ce n’est pas une honte : moi aussi, j’ai dû apprendre à connaître ce milieu.

Jusqu’à la saison passée, votre carrière n’a fait qu’avancer. Où en êtes-vous maintenant ?

Les pieds sur terre. Je dois à nouveau démontrer à tout le monde en Belgique que je suis un bon entraîneur. Je ne dois certainement pas être prétentieux.

Peut-être êtes-vous simplement un entraîneur pour Zulte Waregem, rien de moins, rien de plus ?

Si c’est l’étiquette m’on me colle, je m’en satisfais car Zulte Waregem est un club très chouette. Je considère donc ce cliché comme un compliment.

PAR JAN HAUSPIE – PHOTO: KOEN BAUTERS

 » Berrier constituait une opportunité pour le club. « 

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