» Je suis plus proche de ROONEY que de Ronaldo « 

Thomas Meunier a marqué lors des quatre premières journées de championnat. Sous Georges Leekens, le jeune Ardennais, transféré il y a un an de Virton (D3) est devenu un pion majeur du Club.

Thomas Meunier est actuellement aux premières loges du classement des buteurs de la Jupiler Pro League. C’est pour le moins surprenant, même si l’Ardennais, fraîchement transféré de l’Excelsior Virton, pensionnaire de D3, avait aussi pris un départ en fanfare l’été dernier avec des buts contre Westerlo, Gand, le Racing Genk et Birmingham. Pas mal pour un gamin de 19 ans à peine. Mais rideau quelques semaines plus tard à peine. Fin octobre 2011, l’entraîneur du Club Bruges, Adrie Koster est limogé et remplacé par Christoph Daum. Du coup, le numéro 19 des Bleu et Noir ne trouve plus le chemin des filets. Jusqu’à la délivrance, nommée Georges Leekens.  » Pour le moment, tout baigne à nouveau. Je ne peux vraiment pas me plaindre puisque tout me réussit. « 

Qu’est-ce qui a changé ?

Thomas Meunier : Je suis resté le même joueur mais peut-être ai-je changé sur le plan mental depuis l’arrivée de Georges Leekens.

Pourquoi ?

De ce point de vue-là, j’ai eu des problèmes avec Christoph Daum, notamment parce que la communication était beaucoup plus difficile.

Parce qu’il ne parlait pas français ?

Non, ce n’était pas le problème. Il maîtrisait l’anglais mais il ne le parlait pas. (Rires).

Il s’adressait à vous en allemand ?

Non, en anglais, mais surtout sur le terrain et de manière collective. Il m’a aidé sur le plan tactique car il est expérimenté et il sait ce qu’il fait. Mais la communication en dehors du terrain est importante aussi et elle a fait défaut. Il ne noue pas facilement contact. Moi, j’ai besoin d’un échange verbal réel, d’une base à partir de laquelle je peux construire quelque chose. Je trouve important qu’on se dise un mot en souriant. Mais rien que la figure de Daum… Il n’était pas vraiment joyeux. Il transpirait la sévérité. Il gardait ses distances. C’est une méthode comme une autre mais ce n’est pas ma préférée. J’aime me sentir soutenu, en confiance. C’était le cas avec Koster mais nettement moins avec Daum. Maintenant, avec Leekens, tout va à nouveau bien. Et quand on se sent bien dans la tête, on se sent bien tout court.

Comment Leekens s’y prend-il ?

Très différemment. Quand il vous dit bonjour, c’est toujours avec le sourire et un petit mot en plus. Même sur le terrain, il est comme ça. Quand vous travaillez bien, vous sentez qu’il vous soutient et quand ça va moins bien, il discute avec vous.

Vous êtes moins tendu.

Oui, je suis moins stressé car j’ai réalisé une bonne préparation et l’entraîneur me titularise. Le feeling est bon.

 » Je suis devenu un gagnant « 

En novembre, vous nous aviez dit textuellement : je me place sous une énorme pression quand je joue et j’ai tendance à stresser quand mes actions ne sont pas immédiatement couronnées de succès. Je ne pense pas qu’un psychologue soit en mesure de m’aider, je veux résoudre ce problème moi-même. Y êtes-vous parvenu ?

J’ai quand même eu des contacts avec le psychologue du club. Durant le deuxième tour, il est venu me trouver, en voyant que je n’étais plus le Meunier du début de saison.

Quel genre de contacts ?

Il m’a donné des exercices mentaux pour améliorer ma concentration. Il s’agit surtout de ne pas baisser la tête quand je rate un contrôle ou une passe mais de me ressaisir et de recommencer.

Daum a plusieurs fois sauté du banc pour vous inciter à poursuivre vos efforts, après une action ratée, au lieu de rester figé par la déception.

Oui. Je l’ai compris, maintenant. Je suis devenu un vrai gagnant. J’en vois les résultats, ce qui m’aide.

Vous analysez vos actions sur vidéo ?

Oui. Un ami réalise des compilations de toutes mes actions, les bonnes comme les mauvaises, et je les regarde pour voir ce qui n’a pas marché et ce que j’aurais dû faire. C’est intéressant car il s’agit de faits de match, qui se reproduisent presque chaque semaine. Je reconnais donc la situation analysée sur vidéo et je sais qu’en perte de balle, je ne peux pas rester de marbre mais que je dois lutter pour reconquérir le ballon. Je me reprogramme, en quelque sorte.

Vous avez bien entamé l’exercice précédent, pour un garçon de 19 ans issu de D3. Georges Leekens, qui était alors sélectionneur, avait même déclaré qu’il ferait appel à vous. Ensuite, Herman Van Holsbeeck a dit que vous auriez dû théoriquement aboutir à Anderlecht. Vous avez lu ces commentaires ?

Oui mais j’ai également lu que le scouting d’Anderlecht ne m’avait pas jugé assez bon. Quand je vois la façon dont les choses se déroulent ici, je me dis que j’ai opté pour le bon club.

 » J’ai appris à simplifier mon jeu « 

Lors de votre transfert au Club, on vous a décrit comme un joueur de football en salle, un technicien frêle et fragile. Or, vous êtes devenu un gars costaud, qui se distingue par sa force, son abattage et sa vitesse.

J’ai toujours beaucoup bougé. Je suis un peu hyperactif. Je suis incapable de rester en place, j’ai besoin de courir. Le rythme des entraînements n’est évidemment pas comparable à celui de Virton, pas plus que l’encadrement ni les appareils de musculation, etc. Le staff nous encourage à travailler par nous-mêmes. Cela ne me dérange pas car je suis d’un naturel travailleur. C’est comme ça que je deviens petit à petit un footballeur qui a le rythme, la force et l’endurance requis parmi l’élite.

Parfois, c’est au détriment de votre technique. On a l’impression que votre toucher de balle est moins bon.

C’est comme si j’étais devenu un autre joueur ! Ma mentalité a changé aussi. Avant, j’exploitais ma technique pour me faire plaisir mais le Club Bruges veut un bloc, des footballeurs qui jouent les uns pour les autres et non pour eux-mêmes.

No sweat, no glory.

Exactement. Nous formons une équipe de battants, de travailleurs. J’en suis un mais je devais muscler mon jeu. Avant, j’avais tendance à éviter les duels alors que maintenant, je ne me retiens plus. J’aime me battre. J’ai appris à simplifier mon jeu, à le rendre plus efficace. Par exemple, Nabil Dirar peut jouer très physiquement tout en conservant le ballon. Moi, cela me pose des problèmes. Donc, pour être efficace, je dois jouer plus simplement. Il y a trop peu de fantaisie dans mon jeu mais compte tenu de mon évolution physique et mentale, un rôle un peu plus costaud me convient sans doute mieux. Dans mon style de jeu, je suis plus proche de Rooney que de Ronaldo.

Est-ce également une question de position ? Vous nous avez déclaré, à votre arrivée, obtenir votre meilleur rendement dans l’axe ou sur le flanc gauche. Ici, vous êtes aligné à droite. Des quatre postes offensifs, c’est celui que vous aimez le moins.

Oui, c’est vrai. (Il rigole).

 » L’arrivée de Leekens m’a libéré « 

Comment l’expliquez-vous ?

Tout est différent avec Leekens. Il incite Lior Refaelov et moi à permuter et à quitter notre flanc pour profiter des brèches dans l’axe. On est constamment en mouvement et on se relaie. C’est un vrai tournant pour moi. Avec Daum, chacun devait rester dans sa zone et on jouait aussi plus bas. L’arrivée de Leekens m’a libéré. Ce n’est pas un hasard si je n’ai pas marqué un seul but en six ou sept mois sous Daum. Je ne me sentais pas bien dans ma peau et quand j’avais le ballon, je n’en faisais pas grand-chose.

Si on vous place en soutien d’attaque vous marquerez au moins quinze buts par saison ?

J’aurais davantage d’occasions de but. A Malines, par exemple, il y avait beaucoup d’espaces dans l’entrejeu et je pouvais parfois parcourir trente mètres sans être attaqué. C’était plus facile d’entrer en contact avec le ballon et de susciter le danger mais nous avons aussi Zimling, Jorgensen, Vadis, etc. qui sont de véritables médians.

En Espoirs, Francky Dury vous a aligné au numéro dix mais Johan Walem, son successeur, vous préfère sur le flanc droit. Comprenne qui pourra, Thomas !

Il nous aligne à la place que nous occupons dans notre club mais cela ne me dérange pas. Johan Walem nous encourage à faire preuve d’audace et à jouer librement. Donc, il me permet aussi de rentrer dans l’axe. Ce serait différent s’il me demandait, comme Daum, de rester collé à ma ligne.

Vous êtes devenu pour de bon un extérieur ?

Je suis un avant de formation et donc, automatiquement, une sorte d’ailier. Un avant veut être dangereux, quelle que soit sa place : c’est inné. Mais je ne serai jamais aussi bon sur l’aile qu’au numéro dix ou à l’avant-centre, je pense.

Donc, vous espérez toujours occuper une position plus centrale, un jour ?

Peut-être que je rejouerai un jour au numéro dix. Mais je sais qu’avec du temps et beaucoup de travail, je peux aussi devenir un véritable ailier, tout comme je peux me muer en numéro neuf ou en arrière droit. J’ai la puissance requise et ce serait aussi positif pour moi, même si ce n’est pas ma véritable place.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE – PHOTOS : KOEN BAUTERS

 » Ce n’est pas un hasard si je n’ai pas marqué un seul but sous Daum. « 

 » Quand je suis bon, je sens le soutien de Leekens. Quand ça va moins bien, il me parle. « 

 » Je ne serai jamais aussi bon sur l’aile qu’au numéro dix ou en pointe. « 

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