© Filip Naudts

 » Je suis meilleur que Samatta « 

Trois ans et demi à Bruges ont fait de lui un monstre physique bien dans sa tête. Un départ cet été, il y pense. La sélection brésilienne, il y pense. Mais d’abord,  » un troisième titre de champion de Belgique, le quatrième titre de ma carrière.  » À 22 ans !

Wesley Moraes est prêt à tout pour notre photographe. Le gars est vraiment de bonne composition. Une réserve, seulement : il ne posera pas torse nu ! À Bruges, ils en ont un peu marre qu’on demande régulièrement à leurs joueurs de se dévêtir pour des shootings. Pas très grave, notre photographe n’avait de toute façon pas prévu de mitrailler Wesley torse apparent. Mais bon, avouez que ça aurait quand même eu de la gueule… Parce que le gars est une véritable montagne de muscles. Une bête. En plus, c’est naturel. Parce que les salles de fitness et lui, ça fait deux.  » Je n’y vais que pour m’entretenir, pour ne pas perdre ma puissance.  »

Wesley :
Wesley :  » Mon apprentissage n’est pas encore tout à fait terminé. Je dois essayer d’être toujours au top, toujours présent, toujours important pour l’équipe. « © Filip Naudts

Entretenir… La flamme… L’espoir d’un nouveau titre… C’est un peu ce qu’on fait aujourd’hui à Bruges. La machine avait pris un départ tonitruant dans les play-offs en écartant, dans l’ordre, Gand, Anderlecht et le Standard. Puis il y a eu le couac, dimanche dernier, sur la pelouse de Genk. Le réservoir commencerait-il à se vider ? Élément de réponse le lundi de Pâques sur la pelouse de l’Antwerp pour l’acte 5.

Notre première interview avec Wesley remonte à deux ans. Il avait alors la vingtaine. On l’avait qualifié de révélation des play-offs parce qu’il venait de marquer trois fois en trois matches. Pour lui, il n’y avait rien d’anormal à ça. Après tout, il avait bossé comme un fou dès son arrivée en Belgique et le travail commençait simplement à payer. Retour sur une déclaration de cette interview :

 » Je marque très peu, et mon concurrent en attaque, Jelle Vossen, fait des bonnes choses. Donc, je ne vois pas pourquoi l’entraîneur changerait son équipe. Je dois simplement attendre une nouvelle chance. Bosser dur. Ne pas perdre mes moyens si je n’arrive pas à mettre le ballon au fond. Ne pas douter. Il y a, dans le monde entier, beaucoup de bons attaquants qui n’arrivent plus à scorer pendant un petit temps.  »

Lors de ces mêmes play-offs, il avait subitement commencé à empiler des buts. Puis il l’a refait un an plus tard, quand ses quatre goals ont pesé dans la balance du titre brugeois. Et cette saison, il semble complètement exploser. Dix buts et neuf assists pendant la phase régulière, déjà deux buts et une passe décisive depuis le début des PO. Wesley Moraes est aussi concentré sur la pelouse qu’ouvert et souriant en dehors. Le gars timide qu’on avait vu débarquer sur notre sol est devenu un mec hyper-confiant. Entretien.

 » Je kiffe les play-offs  »

WESLEY MORAES : Physiquement, je suis au top. Je me sens mieux de jour en jour. Je kiffe les play-offs, c’est chouette que tous ces gros matches se succèdent aussi vite. Tu n’as pas le temps de réfléchir, tu gagnes, tu perds, c’est directement reparti pour le match suivant. Il faut directement se concentrer sur l’objectif qui suit. Et puis, contre les grandes équipes, je suis toujours bon. (Il rigole).

Allez, disons que c’est la plupart du temps comme ça. Je trouve que jusqu’ici, je fais une bonne saison. Je trouve aussi qu’on a réussi à élever notre niveau depuis le début des play-offs. Il faut continuer, maintenir ce rythme, le plus longtemps possible.

Tu avais quels objectifs quand la saison a commencé ?

WESLEY : Sur un plan personnel, je voulais continuer à progresser, être encore plus présent. Je trouve que j’ai bien commencé, puis j’ai eu un petit creux. Ne me demande pas pourquoi, je n’en sais rien. Dans certaines analyses, on a mis l’accent sur les blessures qui ont touché nos joueurs sur les flancs, mais selon moi, ce n’était pas la bonne explication. Le problème était plutôt chez moi, je ne tenais plus tout à fait la même forme. Alors, je suis allé trouver l’entraîneur pour qu’on discute, je voulais avoir son avis sur la question.

Il m’a dit, en résumé : Continue à bosser et continue à croire en toi. Tu vas voir que ça va revenir. Il avait raison, ça s’est passé comme ça. Je crois que mon apprentissage n’est pas encore tout à fait terminé. Je dois essayer d’être toujours au top, toujours présent, toujours important pour l’équipe. Quand le niveau collectif baisse, ça s’explique toujours un peu par la baisse de mon propre niveau. Et quand je suis au top, l’équipe tourne bien.

J’ai l’impression qu’on voit le meilleur Wesley dans les gros matches de championnat et dans les rendez-vous européens, mais tu n’es pas toujours le même joueur dans les petits matches. Parce que ton niveau de concentration n’est pas le même dans ces moments-là ?

WESLEY : Tu joues contre Dortmund puis tu joues contre Eupen… Je ne vais pas dénigrer Eupen mais bon, avoue qu’on ne parle pas de la même chose. Quelque part, c’est une réaction normale. Maintenant, il faut faire en sorte que la différence de qualité soit limitée. Et là, je reconnais que cet écart était trop grand. C’est un point sur lequel je devrai travailler dans le futur. La différence s’explique aussi par la façon dont les adversaires jouent. Les équipes des play-offs, les clubs qui jouent en Coupe d’Europe, ils essaient de faire quelque chose, ils attaquent. Ainsi, on a plus d’espaces. Les plus petites équipes s’adaptent plus à nous et les espaces sont plus limités.

Wesley entouré de ses coéquipiers :
Wesley entouré de ses coéquipiers :  » Un joueur seul ne gagne jamais un match. C’est ce qui nous rend aussi forts. « © Filip Naudts

 » Si j’exagérais le travail physique, je deviendrais un taureau  »

Dans quels domaines tu as le plus progressé cette saison, à ton avis ?

WESLEY : Je pense que c’est dans ma façon de me positionner dans le rectangle. J’ai travaillé beaucoup là-dessus après les entraînements avec l’adjoint, Edward Still. Et l’entraîneur a parlé beaucoup avec moi, il a insisté sur le fait que je devais surgir dans les 16 mètres. Je dois plus rester devant. Il me demande de ne pas trop redescendre. Parfois, je l’oublie encore et je descends trop bas, parce que je veux aussi toucher des ballons dans les moments où notre équipe est moins dominante.

Chaque fois, on me fait des remarques là-dessus. Le coach veut me voir plus souvent comme il m’a vu sur notre quatrième but contre le Standard. Quand le ballon est sur un flanc, je dois surgir au premier poteau, me défaire de mon défenseur et la mettre au fond.

Tu n’as pas suivi une formation classique, dans le sens où tu as longtemps fait du futsal. Tu as réussi à éliminer cette lacune entre-temps ?

WESLEY : Oui. J’ai eu besoin de près d’un an pour m’adapter. Je trouve que ces deux dernières saisons, je suis devenu de plus en plus important pour l’équipe. J’ai toujours eu mes qualités physiques. Je les travaille un peu ici, mais pas trop. Si j’exagérais, je deviendrais un taureau, et ce n’est pas souhaitable. La différence par rapport au passé, c’est peut-être que je suis devenu plus intelligent sur le terrain. Et puis, je joue plus de matches, ce qui a un effet bénéfique sur ma confiance.

Il n’y a rien de plus important que les matches. Et je m’entends bien avec mes coéquipiers, hein… (Il rigole). Avec Dennis, avec Diatta, avec les gars qui jouent sur les flancs, ça se passe super bien. Et c’est ça, notre football, le ballon doit toujours passer par les flancs. Ces joueurs savent qu’ils peuvent toujours l’expédier dans le rectangle parce que je serai là pour en faire un bon usage.

 » Difficile de marquer de la tête sur un centre à ras du sol…  »

Par contre, tu peux encore améliorer ton jeu de tête.

WESLEY : Tu as raison. Je ne marque pas beaucoup sur des reprises de la tête. Mais si tu analyses notre jeu, tu remarqueras qu’il n’y a que sur les corners que le ballon arrive en hauteur. Les centres expédiés depuis les flancs sont toujours à ras du sol. Avoue que dans des conditions pareilles, c’est quand même compliqué de marquer de la tête… (Il rigole).

Parfois, on te fait passer pour le nouveau Romelu Lukaku. Tu aimes la comparaison ?

WESLEY : Pas spécialement. Lukaku écrit son histoire, j’écris la mienne. Lukaku, c’est Lukaku. Wesley, c’est Wesley. Mais j’aime bien son style, et quelque part, je peux comprendre qu’on nous compare. Comme lui, j’utilise ma puissance et je vais vite. Maintenant, j’aimerais commencer à marquer autant de buts que lui.

On dit parfois que Bruges est une machine, surtout à domicile. Qu’est-ce qui permet de transformer une équipe de foot en machine ?

WESLEY : D’abord, tu dois avoir onze joueurs de grande qualité. On les a. Après, il faut parvenir à les faire jouer ensemble, il faut que l’intérêt collectif passe avant tout. Un joueur seul ne gagne jamais un match. C’est ce qui nous rend aussi forts.

 » On voulait éviter des PO comme ceux de l’année passée  »

Cette saison, vous êtes dans la peau du chasseur, derrière Genk, ce n’est pas comme la saison dernière. Ça vous met plus de stress ?

WESLEY : Non, pas de stress, on a tous suffisamment d’expérience des play-offs. Ce sont dix finales, tout le monde sait à quel point ces matches sont importants. Ce qu’on voulait éviter, c’étaient des play-offs comme ceux de l’année passée.

Comment est ta relation avec Ivan Leko ?

WESLEY : Excellente. Il me parle beaucoup, il n’arrête pas de m’expliquer ce que je dois faire, où je dois courir, ce qui est bon, ce qui l’est moins. Un joueur de foot a besoin de ça. Tout ce qu’il me dit, ça me donne de la confiance. Si tu as un coach qui ne te parle pas, tu ne sais pas ce que tu dois penser, tu es dans le flou.

Par contre, Leko n’était pas content quand tu as pris le ballon pour tirer un penalty contre Ostende alors que le tireur désigné, c’était Hans Vanaken.

WESLEY : On m’aurait coupé la tête si je l’avais raté… (Il rigole). Mais bon, je n’avais plus marqué depuis trois mois. Je travaillais beaucoup mais ça ne voulait plus rentrer. Quand l’arbitre a sifflé le penalty, Vanaken m’a donné le ballon. L’entraîneur s’est un peu fâché, il estimait que je n’avais pas à le tirer, mais on a réglé ça entre-temps.

Tu es parfois nerveux, toi ?

WESLEY : J’ai beaucoup de confiance ! Je ne suis plus le même Wesley qu’il y a deux ans. Je suis moins effacé. Quand tu joues beaucoup, que tout va bien, qu’on te dit des mots positifs, tu es heureux. Je suis heureux ! Je suis ici depuis trois ans et demi, je connais mes missions, je suis important pour l’équipe. Ma mère est ici jusqu’à la fin de la saison, elle m’a fait remarquer que je parlais beaucoup plus qu’avant. C’est logique, je joue et il y a d’autres équipes qui voudraient m’avoir. Comment je pourrais être malheureux en ce moment ?

Tu n’avais pas l’air heureux quand le coach t’a fait sortir dans le match contre Mouscron…

WESLEY : Oh, ça aussi, on en a parlé et tout est réglé. Je n’étais pas heureux à ce moment-là, j’avais envie de rester sur le terrain. Mais l’entraîneur est le patron, il décide, je dois le comprendre et l’accepter.

 » Je suis prêt pour aller plus haut  »

Tu donnes beaucoup plus d’assists qu’avant. Comment tu l’expliques ?

WESLEY : Parfois, je suis tenu de très près, et dans ces moments-là, c’est mieux de donner le ballon à un coéquipier, plutôt que de tenter moi-même ma chance. Mon rôle sur le terrain a aussi évolué par rapport aux saisons passées. Quand Diaby était ici, il jouait souvent plus haut que moi. Aujourd’hui, c’est moi le pivot. C’est pour ça que je donne plus d’assists. Mais je dois encore travailler mon premier contrôle et mes remises, ça s’est vu dans les matches européens. Même si on a fait un beau boulot dans un groupe difficile. Mon grand regret, c’est la défaite à Salzbourg. On a pris trop facilement trois buts, c’est décevant après avoir fait des bonnes choses contre Monaco, l’Atlético et Dortmund.

La différence contre ces clubs-là n’a jamais été énorme. Sauf au niveau de l’efficacité.

WESLEY : Tout à fait. On aurait dû battre Monaco chez nous. Et Dortmund aussi. Je pense que c’est dû à un manque d’expérience. En Ligue des Champions, tu dois jouer jusqu’à la dernière seconde. En tout cas, c’était un excellent apprentissage, ça m’a beaucoup plu. Surtout nos matches contre l’Atlético, qui est quand même habitué à jouer des finales. On a vraiment été très bons contre eux.

Ça te fait dire que tu es prêt pour passer un nouveau palier ?

WESLEY : Je pense bien, oui. Et je ne suis pas le seul. Il y a d’autres joueurs de Bruges qui ont montré qu’ils avaient le niveau pour jouer dans un meilleur club. Mais bon, on est toujours au Club, on ne doit pas se laisser distraire par tout ça.

Ça a été facile de rester calme pendant la période de transferts en janvier ?

WESLEY : Je savais qu’il y avait plein d’équipes qui me suivaient. Notamment la Lazio. Mon agent est allé trouver le président, qui lui a dit que je devais rester. Et ça m’a fait plaisir, vraiment. Ici, je connais tout le monde, je m’entends bien avec tout le monde. Je ne vais pas rester toute ma vie à Bruges mais je vois que je peux être champion de Belgique pour la troisième fois, ce serait le quatrième titre de ma carrière.

À 22 ans… Pas mal quand même.

WESLEY : Tu as raison… (Il rigole).

 » Être en équipe nationale pour la Copa América à domicile cet été, ce serait fantastique  »

C’est sans doute Samatta qui finira meilleur buteur. Qu’est-ce qu’il y a comme différences entre lui et toi ?

WESLEY : Il joue un peu comme Diaby chez nous l’année passée. Il cherche les espaces, il joue moins en puissance. C’est peut-être pour ça qu’il a plus d’occasions de but que moi, parce qu’on le laisse plus souvent seul. Et pour ça qu’il marque plus. Je dois travailler dans ce sens-là, chercher des espaces, partir en profondeur au lieu de demander le ballon dans les pieds. Vu ma vitesse, ça devrait pouvoir se faire.

Tu es plus complet que lui ?

WESLEY : Aucune idée. Mais je trouve que je suis meilleur que Samatta. (Il rigole). Maintenant, si tu lui poses la même question, tu auras sans doute une autre réponse… En tout cas, il est important pour Genk et je suis important pour Bruges.

Pour ton avenir, tu penses à des destinations précises ?

WESLEY : Pas encore. Je n’ai pas vraiment de préférence, même si je pense que le championnat d’Angleterre me conviendrait.

Les mésaventures de José Izquierdo ne te font pas réfléchir ?

WESLEY : Je ne sais pas exactement comment ça se passe pour lui à Brighton, mais n’importe quel joueur peut rencontrer des problèmes pour s’adapter dans un nouvel environnement. D’un autre côté, je trouve que le championnat de Belgique te prépare bien pour aller ailleurs.

Aujourd’hui, on te connaît un peu mieux au Brésil ?

WESLEY : La Ligue des Champions a ouvert des portes. Maintenant, les journaux brésiliens écrivent des articles sur moi. C’est surtout mon but contre Monaco qui a changé les choses.

Tu penses que ça pourrait te rapprocher de l’équipe nationale ?

WESLEY : Peut-être. Cet été, la Copa América se disputera au Brésil. Ce serait fantastique d’être dans l’équipe. Mais bon, je ne serai pas dans le trente-sixième dessous si ça ne se fait pas. À condition qu’on soit champions…

© Filip Naudts

 » Je prends plein de coups, je gère  »

Tu as aimé le Belgique – Brésil à la Coupe du Monde ?

WESLEY MORAES : C’était mauvais. Très mauvais. Mais si Neymar avait été à 100 %, on gagnait ce match. Garanti. La Belgique a un paquet de très bons joueurs, mais de là à battre le Brésil avec Neymar au top… jamais de la vie.

Ici, on voit Neymar comme un gars qui est toujours par terre. Danjuma a dit récemment qu’il le comprenait, vu le nombre de coups qu’il prend.

WESLEY : Je suis bien d’accord. Moi aussi, je prends sans arrêt des coups. Mais j’ai appris à garder mon contrôle. Parfois, les arbitres pensent qu’avec mon gabarit, je dois pouvoir gérer ça. Mais ce n’est pas toujours le cas. Je ne réagis quand même pas. Je ne le fais plus. Ça s’explique par mon développement, comme sportif et comme homme. Il y a encore des joueurs qui essaient de me provoquer, comme Kara récemment. Mais il y en a de moins en moins parce qu’ils voient que ça n’a aucun effet. Je conserve mon calme.

Peut-être que tes adversaires te respectent de plus en plus ?

WESLEY : Oui, je le sens.

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