« Je suis le meilleur »

On ne reconnaît plus le modeste Coréen, requinqué après une Coupe du Monde sublime.

Neuf points sur neuf: Anderlecht n’a pas loupé son départ en championnat, cette saison. Et le mérite des Sportingmen est d’autant plus grand qu’ils auront dû négocier deux déplacements périlleux dans cet intervalle: à Westerlo lors de la journée d’ouverture et au Standard, samedi dernier.

Comme au Kuipke, les Mauves se sont imposés par 0-2 à Sclessin. Et à l’image de ce qui s’était déjà produit dans la petite cuvette campinoise, c’est à nouveau Ki-Yeon Seol qui montra la voie à suivre, à ses coéquipiers, chez les Rouches, portant son total personnel à quatre buts en trois matches.

Un total qui lui permet d’ores et déjà d’améliorer son score personnel, au RSCA, en championnat, puisque l’année passée, à l’occasion de ses débuts au Parc Astrid, son compteur n’aura affiché, en tout et pour tout, qu’un maigre bilan de trois unités au sein de notre compétition. Une misère!

D’une campagne à l’autre, on ne reconnaît manifestement plus l’attaquant sud-coréen. Le garçon timide et emprunté a indéniablement fait place aujourd’hui à un élément sûr de son fait et autrement plus réaliste en zone de vérité. Une métamorphose à laquelle sa place de demi-finaliste en Coupe du Monde, avec son pays, n’est pas étrangère.

Vous semblez réellement transfiguré depuis la reprise. Dans quelle mesure la Coupe du Monde vous a-t-elle changé?

Ki-Yeon Seol: Elle a tout simplement dopé mon enthousiasme et mon moral. Au moment de rejoindre l’équipe nationale sud-coréenne, j’étais réellement dans le 36ème dessous à Anderlecht. En réalité, j’y avais terminé la saison sur un couac de dimension. C’était à l’occasion de la visite de St-Trond, au Parc Astrid, lors de la 30ème journée de championnat. A l’époque, le club avait encore un mince espoir de décrocher la deuxième place qualificative en Ligue des Champions. Pour ce faire, la victoire était impérative face aux Limbourgeois. Pendant une heure, mes coéquipiers et moi-même nous étions cassé les dents sur la défense adverse, sans parvenir à trouver l’ouverture. Alors qu’il restait une trentaine de minutes de jeu et que le score était de 0-1 en faveur des Canaris, l’entraîneur, Aimé Anthuenis, tenta le tout pour le tout en lançant d’abord Oleg Iachtchouk dans la bataille, en remplacement d’Olivier Deschacht, puis Cherjill Mc Donald à ma place. Je ne suis pas près d’oublier ce moment car de mémoire de joueur, je n’avais encore jamais été conspué par 25.000 personnes. De rage, j’avais d’ailleurs donné un violent coup de pied dans les panneaux publicitaires, devant le kop du RSCA. C’est vrai, je n’avais pas été heureux dans mes entreprises ce soir-là. Mais fallait-il, pour autant, s’acharner de la sorte sur ma personne? Je ne le pense pas. C’est la pire humiliation que j’aie jamais vécue en tout cas. Après coup, le coach ne m’utilisa plus lors trois derniers matches. Et c’est avec des godasses de plomb que j’ai repris le chemin de mon pays natal. Là-bas, par le biais d’une inoubliable quatrième place au Mondial, j’ai savouré une belle revanche sur mes détracteurs. Cette épreuve aura réellement décuplé ma confiance. Et je m’efforce de continuer sur cette lancée.

Suite à vos prouesses en Coupe du Monde, avez-vous le sentiment que le regard des gens du Sporting a changé?

Incontestablement. Sur place, déjà, j’avais appris, via les quotidiens, que la direction anderlechtoise était vraiment fière de compter dans ses rangs un demi-finaliste… Depuis mon retour, les félicitations et autres marques d’estime ont été nombreuses, tant de la part des responsables du club que de mes partenaires. Seul Walter Baseggio a fait la moue lors de nos retrouvailles dans le vestiaire. Il m’en veut visiblement d’avoir inscrit un but à l’Italie (il rit). Globalement, je pense que mon parcours en Asie m’a apporté pas mal de crédit auprès de tous ceux qui sont concernés par le Sporting. Beaucoup de supporters m’ont témoigné leur sympathie, ces dernières semaines, et après le goal que j’ai inscrit contre le FC Malines, je me suis d’ailleurs empressé de communier avec eux. C’était ma manière d’indiquer que leur attitude envers moi, en fin de saison passée, est complètement oubliée. On le croira ou non, mais il s’agissait de mon tout premier but devant le public anderlechtois. J’espère qu’il sera suivi de nombreux autres. Départ en trombe

Il y a un an, vous aviez également pris un départ en trombe au RSCA, puisque vous aviez marqué à Halmstad, au troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions avant d’offrir la Supercoupe de Belgique à vos couleurs grâce à un hat-trick à Westerlo. Pourquoi étiez-vous rentré dans le rang par la suite?

Le tournant, ce fut peut-être un match amical, au début de la saison, en Tchéquie avec la sélection représentative de mon pays. Nous avions été battus par 5 à 0 et ce cinglant revers ne présageait évidemment rien de bon en prévision de la Coupe du Monde. Curieusement, ce match servit de véritable déclic, pour nous, car à partir de ce moment-là, les résultats de la Corée du Sud suivirent franchement une courbe ascendante. Au Sporting, aussi bizarre qu’il n’y paraisse, c’est l’effet inverse qui se produisit. Tout commença par une mièvre prestation contre le Racing Genk, qui arracha une unité méritée chez nous lors de la quatrième journée. J’avais été remplacé à la mi-temps, cette fois-là, et il m’aura fallu attendre deux mois pour disputer une première fois un match complet face au RWDM. Le 2-2 enregistré à cette occasion ne plaidait cependant pas en ma faveur et, par après, je ne disputai plus que des bribes de matches…quand j’avais la chance d’être retenu, du moins.

Ceux qui vous épaulent à l’attaque sont exactement les mêmes que la saison passée: Gilles De Bilde, Ivica Mornar, Nenad Jestrovic. Pourtant, la division offensive paraît nettement plus percutante. Comment l’expliquez-vous?

L’année passée, il fallait remplacer Koller et Tomasz Radzinski. Et nous avions tous des tracas d’ordre divers: Jestrovic était blessé, De Bilde courait après sa meilleure condition et je devais composer avec une concurrence que je n’avais connue ni à la Kwang University, en Corée, ni lors de mon entrée en matière ici, à l’Antwerp. Aujourd’hui, hormis le Yougoslave, qui ne dispose pas encore de tous ses moyens, tous les autres ont franchi un pas. De Bilde et Mornar n’ont jamais été aussi saignants et moi-même je ne suis plus du tout en proie au doute. Sans compter que, d’une année à l’autre, ma place sur le terrain a également changé. Avec Aimé Anthuenis, j’officiais le plus souvent comme attaquant de pointe. Face à des défenses renforcées, ce n’était pas évident. Sous les ordres du nouveau mentor, Hugo Broos, j’ai déjà pu évoluer plus souvent à ma place de prédilection: celle de faux ailier gauche, qui est également la mienne en sélection coréenne. Quand l’opposition est vraiment forte, je préfère jouer sur le flanc. La plupart du temps, dans ce cas de figure, j’ai affaire à un seul adversaire sur ma portion du terrain. Dans l’axe, en revanche, je suis souvent confronté à une double couverture qui me convient moins bien quand l’opposition est de valeur.

Le changement d’entraîneur, au RSCA, constitue-t-il une délivrance pour vous?

Je n’ai pas cette impression. Je suis revenu à ce point confiant de la Coupe du Monde qu’Aimé Anthuenis aurait de toute façon dû composer avec moi. Il n’en reste pas moins que je ne suis pas fâché de travailler avec Hugo Broos. A de multiples égards, il me fait songer à Guus Hiddink, qui a mené la Corée en Coupe du Monde. C’est un entraîneur qui donne nombre de consignes et qui corrige constamment ses joueurs. Avec lui, je vais encore progresser sensiblement.Dans le miroir

Quel aura été l’impact de Guus Hiddink sur vous?

Non content de m’abreuver de conseils sur le terrain, son influence fut capitale aussi au plan purement psychologique. Pendant toute la durée de la Coupe du Monde, il m’obligea par exemple à me regarder dans le miroir, chaque matin, en répétant sans cesse: -Je suis le meilleur, je suis le meilleur. Les résultats aidant, j’ai fini par le croire. Je n’ai qu’un regret: le jour de la demi-finale contre l’Allemagne, j’ai oublié ce petit rituel. Et nous avons justement perdu contre la Mannschaft. Dieu sait ce qui se serait produit si j’avais observé mon manège habituel (il rit).

Hiddink prétend que vous seriez plus performant encore si vous maîtrisiez l’anglais. Et Broos abonde dans le même sens à présent.

C’est vrai. L’année passée, en raison de problèmes de communication, je n’aurai évolué qu’à 5O% de mes possibilités au Sporting. Cette fois, je dois me situer à 75%. J’ai encore une marge de progression mais les échanges verbaux ne sont pas tout, pour autant. La preuve: Hiddink ne parlait pas le coréen. Cela ne nous a toutefois pas empêchés de savoir à quoi il voulait en venir avec nous sur le terrain.

Au même titre que les autres étrangers du RSCA, vous êtes appelé à suivre des cours de français à raison de deux séances par semaine…

Le français est tellement compliqué que j’aurai besoin de trois ans avant de pouvoir me débrouiller. Avec l’anglais, je me tirerais d’affaire après deux ans. Non pas que cette langue me semble plus facile. Mais mon épouse a l’avantage de la connaître. Et comme on converse quand même à la maison, de temps en temps (il rit).

Au Standard, on a pu voir pour la première fois un drapeau coréen dans le kop anderlechtois. Et le site internet du club croule sous les visites de vos compatriotes. A quoi ressemble la Seol-mania?

C’est fou. Au pays, je ne peux pour ainsi dire plus me déplacer sans escorte. Lors de mon retour à Kangnung, des tas de gens faisaient le pied de grue devant la maison familiale. Il y en avait même dans les escaliers (il rit). En Corée, tout est gratuit pour moi, à présent. Du restaurateur du coin à la compagnie aérienne nationale, plus personne ne veut que je dépense le moindre won. Il me reste à convaincre les Belges d’en faire autant (il rit).

Bruno Govers

« Hugo Broos me fait songer à Guus Hiddink »

« En Corée, je ne peux plus me déplacer sans escorte »

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