» Je suis footeuse « 

Belle initiative RTBF d’avoir offert, en direct nocturne comme en différé diurne, le Mondial féminin à partir des quarts. En effet, s’il est désormais de bon ton d’adhérer au foot des filles, nous passons frileusement à l’acte, plus titillés que nous fûmes, en cette période de repos relatif, par les exploits mâles de la Copa America ! Le footeux curieux – je n’ai pas dit voyeur – se devait pourtant de zyeuter côté/Canada plutôt que Chili et découvrir en quoi le foot était universel, même joué par des filles !

Tactiquement, ces filles ont épousé le schmilblic des garçons : généralisation du 4-2-3-1, conviction que le succès passe d’abord par une défense sérieuse. Pour s’affronter en finale, USA et Japon n’avaient scoré que neuf fois, n’avaient encaissé qu’un et trois buts. Le Japon avait gagné les six fois, mais toujours par l’écart minimal, sans jamais planter trois goals… La finale fut par bonheur trépidante, riche en buts, avec parfum d’ébahissement tel l’Allemagne-Brésil mâle, mais ce 5-2 ne peut masquer l’impression globale : ce n’est pas des filles qu’éclora la débauche offensive du troisième millénaire !

La moyenne de buts générale rejoint celle des hommes (2,7 par match), l’attentisme la descendit à 2 lors des quarts, et lors de demi-finales tristounettes : 5 buts dont 3 pénos et un auto-but… un peu chiche pour parler de virtuosité en mouvement ! Ainsi, dans le même contexte étriqué que celui des mecs, les filles apprennent la cruauté des scores finaux et l’aléatoire des pulsions arbitrales, le péno de l’égalisation allemande face à la France en quarts fut symbolique sur ce plan : les footballeuses n’ont pas gagné au change en s’offrant, comme les gars, des siffleurs de leur sexe. C’est-à-dire des siffleuses.

De si sensibles siffleuses ! Elles ont désigné 21 fois le point de penalty en 52 matches, c’est deux fois plus sévère que leurs homologues masculins du Mondial 2014 ! Alors que ce qui saute (de chouette) aux yeux, c’est que pour l’instant – et touchons du bois – les filles ne sont pas rouspéteuses, tricheuses, faucheuses, simuleuses (c’est pour la rime) et tireuses (de maillot) comme les gars : la moyenne d’avertissements fut modeste (2 par match) et seule une malheureuse Nigériane se vit brandir le rouge de la honte !

Techniquement, trois différences frappent. Un, l’inexistence du jeu aérien offensif (malgré le petit train des Japonaises sur coup de coin !), mais les filles savent vider défensivement de la tête. Deux, l’indigence des tirs au but à distance, pétards mouillés souvent tentés et rarement cadrés, alors que ces footballeuses savent jouer long quand il ne s’agit pas de frapper sec. Et surtout l’absence de réelles individualités, stars de leur onze, artistes offensives dont les trouvailles tenteraient la différence et l’épate. Malgré Carli Lloyd extraterrestre en finale, (même si Tobin Heath est mon coup de coeur dribbleur), les filles n’ont pas (encore) de Lionel Messi ou de Cristiano Ronaldo.

Elles s’appliquent à jouer juste, et l’absence d’individualités entraîne l’absence d’individualisme : c’est propre, plaisant différemment, et celles qui crèvent l’écran sont souvent ces médianes axiales, malignes bouffeuses de terrain, demandeuses permanentes de ballons, très explicitement au service du collectif : telles Amandine Henry la française ou Lena Goessling l’Allemande, qui doivent raffoler de Nemanja Matic quand elles regardent la Premier League !

Pas d’individualisme, pas d’ego ! Les footballeuses du top se maquillent timidement, pour s’afficher normales plutôt qu’hors du commun, et ça change de l’excentricité mâle. A peine un bout de bras graffité de tattoos (Anja Mittag) et absence quasi-totale d’excentricité capillaire : seulement de solides chignons, de franches queues de cheval et une majorité de simples cheveux courts, pratiques pour jouer au foot, tout ça ne les rendant pas plus moches que tous les laids du sexe fort… Et deux petites curiosités innovantes pour terminer, dont pourraient s’inspirer les mecs ! Un, le petit (ré)échauffement des Françaises après la mi-temps : passage par un mini-circuit fait de plots pour réintégrer le terrain. Deux, le tableau à 22 magnets appuyé sur un ballon, qu’installait devant lui le coach japonais : pour mieux méditer sur tout l’échiquier sans perdre le fil des détails du match !

Malgré Carli Lloyd, extraterrestre en finale, les filles n’ont pas encore de Lionel Messi ou de Cristiano Ronaldo.

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