« Je suis fait pour Schalke 04 »

Il a assisté à la victoire de Schalke en Coupe d’Allemagne. Les supporters l’ont déjà séduit.

L’arrivée

A la réception de l’hôtel berlinois, Sven Vermant hésite un instant au moment de coucher le nom de son employeur sur la fiche. Est-ce le Club Brugeois, dont il a pris congé cette semaine mais qui le paie jusqu’à la fin du mois de juin, ou Schalke 04, avec lequel il reprendra les entraînements au début du mois de juillet et auquel son coeur et sa tête sont déjà acquis? Finalement, il sourit et laisse la case vide.

Alors qu’il s’en va chercher ses billets pour la finale de la Coupe d’Allemagne, le tenancier italien du restaurant où il a paraphé son contrat avec les Königsblauen déboule: « Sven! »

Andreas Müller, l’adjoint du manager Rudi Assauer, veut que Vermant profite de son passage en Allemagne pour compléter quelques documents administratifs, à l’intention de la fédération allemande.

Et après la discussion tactique avec son noyau, Huub Stevens, l’entraîneur, souhaite lui fournir quelques éclaircissements sur le programme de préparation. Rudi Assauer, le manager, est à la terrasse, avec le président du Werder Brême. Il veut que Sven prenne place à ses côtés. Une demi-heure plus tard, Sven prend congé en riant: « Ceux qui prétendent que les Allemands sont dépourvus d’humour n’en ont sans doute pas rencontré beaucoup ».

Dans le taxi qui nous emmène au stade olympique, Vermant poursuit: « C’est typique de Schalke 04. L’accueil que j’ai reçu dès ma première visite est fantastique. René Eykelkamp m’avait déjà parlé de l’ambiance, du côté humain de la direction comme du public. Il m’avait dit: -Tu t’y sentiras super bien. La philosophie du club est simple: il veut réduire au minimum la distance entre joueurs, supporters et dirigeants. C’est pour cela que les business seats du nouveau stade ne sont pas chauffés. S’il fait froid, les hommes d’affaires doivent endosser un manteau, comme les nombreux supporters de la Rhur, dont beaucoup sont au chômage mais dépensent leurs derniers pfennig pour s’offrir un ticket. Les joueurs gagnent beaucoup mais il ne leur viendrait jamais à l’idée de se rendre à l’entraînement en Ferrari. Au vu de l’ambiance qui régnait déjà au Parkstadion, je me demande ce que ce sera au Auf Schalke. Il est comparable au Gelredome où évolue Vitesse Arnhem, mais en plus impressionnant, et il pourra accueillir 62.000 spectateurs. Pelouse entourée de verre, toit coulissant, kop à cinq ou dix mètres du but à tout casser… Je pense que l’ambiance y sera indescriptible ».

Sur le parking du stade olympique, le concessionnaire BMW de Gelsenkirchen, qui fournit les voitures au club, l’interpelle. Sven précise: « J’ai choisi une jeep. Pour la sécurité de ma petite fille ».

Un homme vêtu de bleu, qui travaille à Auf Schalke et qui va aider Sven à déménager, lui demande de croiser les doigts pour la finale. Les 73.011 places du stade olympique de Berlin ont trouvé acquéreur. Et au Parkstadion, pas moins de 30.000 supporters sont massés devant un écran géant. Sven s’arrête un instant, alors qu’il cherche sa place. Il jette un coup d’oeil sur le terrain, où s’échauffent ses futurs coéquipiers. « Ce que je ressens? L’envie de me glisser parmi eux. J’ai vraiment le sentiment que c’est mon club. Quand vous voyez cette ambiance, ces supporters magnifiques, alors que le match n’a même pas commencé… J’espère bientôt vivre une période formidable ».

La Coupe

Le FC Schalke 04 affronte le FC Union Berlin. Eisern Union, Union de fer, un club mythique de l’ancien Berlin-Est, champion de Regionalliga Nord, la D3, sans avoir subi la moindre défaite. Une banderole bleu roi proclame: Ihr denkt, ihr seid eisern! Wir sind aus Kohle und Stahl 1904 (Vous pensez être de fer, nous sommes d’acier et de charbon 1904). Toutefois, il n’y a guère de différence entre les deux clubs populaires, pendant la première période. Au repos, le marquoir est toujours vierge. Vermant constate: « C’est un peu maigre, en effet. Schalke conserve mieux le ballon mais ne parvient pas à le porter à l’avant. Ses mouvements ne sont pas assez offensifs. Il faut davantage chercher un homme entre les lignes. En fait, personne n’évolue vraiment derrière les attaquants. Andy Möller redescend souvent chercher le ballon, mais Jörg Böhme et Niels Oude Kamphuis ne sont pas du style à combler les brèches qu’il laisse. Il y a beaucoup de permutations mais le jeu est trop lent, dépourvu de changements d’ailes. L’Union permet à son adversaire de construire à l’arrière mais place l’entrejeu sous pression. Schalke 04 parvient difficilement à s’imposer. Normalement, il joue plus vite. La première fois que je l’ai vu à l’oeuvre, à domicile contre Kaiserslautern, il trouvait plus d’espaces devant ».

Schalke 04 obtient des espaces dans le quatrième quart d’heure. Emile Mpenza pique vers le rectangle et est victime d’une faute. Böhme convertit le coup franc de belle manière. Peu après, Emile (encore lui!) est arrêté dans le rectangle par le gardien berlinois. Penalty et second but de la soirée pour Böhme.

Une semaine après avoir perdu le titre pour une poignée de secondes, Schalke 04 tient un trophée. Des chopes de bière d’un litre circulent dans la tribune principale. L’Union fait la fête aussi, car elle va bientôt participer à la Coupe de l’UEFA, tout comme le rival du Hertha BSC.

Une heure et demie après le match, la fête bat toujours son plein dans le stade olympique. Vermant ne cesse d’observer. « Quel plaisir! Ce qui se passe ici m’emplit d’admiration », commente-il alors qu’un certain Nico Van Kerckhoven vide une dernière fois la coupe avant de débouler sur le terrain, un immense drapeau de Schalke à bout de bras. « Ce qui me frappe, c’est que Schalke forme une vraie famille. les joueurs aiment vraiment leurs supporters, qui les admirent beaucoup. A Bruges, un lien similaire m’unissait à une partie du kop, qui scande toujours Supersvennie.

J’ignore si je pourrai porter le numéro 14. Asamoah joue avec cette vareuse pour l’instant. J’ai demandé comment se passait la distribution des numéros et quels numéros étaient libres, mais rien n’est encore décidé. Non que je veuille à tout prix le 14, mais c’est quand même un chouette numéro. Je préférerais ne pas avoir de numéro inférieur au 9, ni un 33. Disons 28: le double de 14 et l’âge auquel j’ai pu réaliser un transfert de rêve ».

Un joueur pour la Bundesliga?

De la puissance, de l’abattage, une couverture sur l’ensemble du terrain. Des duels. Vermant convient-il au championnat allemand? « Je devrai m’adapter, comme j’aurais dû m’intégrer à la culture néerlandaise ou française du football. Les duels du football anglais m’ont toujours rebuté. Ils sont bien pires qu’en Allemagne où, je l’admets, on y va également de bon coeur. Mais bon, on n’a qu’une carrière et il faut en retirer le maximum. Je pense que Schalke 04 constitue le tremplin idéal.

A mes yeux, le fait que Huub Stevens ait assisté aux négociations dès le début est très important. Il a immédiatement dit qu’il me voulait et il croit vraiment en moi. Il veut évoluer offensivement et il estime que je suis capable d’appeler le ballon et de distribuer le jeu. Un peu comme Andy Möller mais dans une position un rien plus avancée, je pense. Et qu’on ne lance pas le débat: nous sommes tout à fait complémentaires. Je ne sais pas si je serai titularisé dès le début mais ça ne me tracasse pas. On avait émis pas mal de doutes à mon sujet lorsque j’avais été transféré au Club. Pourtant, dès le premier tour, j’ai joué tous les matches.

La lourdeur du programme de Schalke 04 la saison prochaine augmente mes chances de jouer. N’oubliez pas que l’Allemagne, ce n’est pas la Belgique. Ici, les clubs ont un budget qui leur permet d’entretenir un noyau de trente joueurs. Faire banquette est normal. J’en parle souvent avec Eric Deflandre. Il dit aussi qu’en France, il n’est pas anormal d’être tour à tour sur le banc, puis titulaire la semaine suivante. Nous n’y sommes pas habitués en Belgique. Etant qualifié pour la Ligue des Champions, Schalke 04 veut certainement doubler toutes ses positions ».

Et le style de jeu? « D’après ce que j’en ai vu, Schalke joue beaucoup mieux que ce que les gens pensent. Il ne développe pas un jeu typiquement allemand. Parfois, quand je vois le Bayern, je me dis qu’ils sont constamment derrière le ballon pour tenter un contre. Ça arrive également à Schalke quand l’équipe est sous pression mais elle essaie de développer un jeu offensif. Contre Kaiserslautern, Schalke 04 a été collectivement très fort, nettement meilleur que ce que je croyais. Il ne joue pas sur sa puissance, ne procède pas par longs ballons en s’époumonant. Le jeu est construit, de nombreux joueurs touchent le ballon. Le mérite en revient à l’entraîneur. Je suis transféré dans un club allemand entraîné par un Néerlandais.

Marc Wilmots, Nico et Emile m’ont prévenu: à l’entraînement, les joueurs y vont fort. Je sais très bien ce que je vais subir dès les premiers jours… Je dois m’y préparer. Durant les premières semaines, il s’agira avant tout de bien observer ce qui se passe.

Nico et Emile m’ont dit qu’ils se réjouissaient de mon arrivée. C’est plus important pour Emile car personne ne parle français, là-bas. Je suis convaincu de m’entendre très bien avec lui, sur le terrain comme en dehors. J’aime amener quelqu’un devant le but, l’isoler, d’une belle passe. Ma vitesse facilite les choses. Emile et Ebbe Sand savent exploiter les espaces et marquer. C’est intéressant pour l’entrejeu ».

L’émotion des adieux à Bruges

Schalke 04 est tellement chouette que le jour de la signature, des larmes ont coulé chez les Vermant. « De retour de Gelsenkirchen, nous avons bu le champagne. Mon beau-père m’a pris dans ses bras en me disant: -Tu le mérites vraiment, Sven. Nous avons pleuré de joie. Je n’ai pas une grande famille, ce qui resserre nos liens. Ma femme est fille unique et moi-même, je n’ai plus guère de contact avec ma famille. J’en avais déjà fort peu avec mon frère mais depuis la naissance de ma fille, il n’avait plus le temps de passer que les soirs où je jouais. Alors, j’ai dit: -Ça suffit. Deux mois après mon mariage, j’ai appris que ma mère avait un autre partenaire et j’ai également rompu les ponts.

On travaille pour vivre de tels moments. Je ne pense pas que les gens s’y attendaient. Un club qui joue le titre en Bundesliga, qui s’est qualifié directement pour la Ligue des Champions… Pouvoir y jouer constitue une fameuse satisfaction. Mais pas une revanche ».

Tout est beau, comme l’étaient ses adieux à Bruges, ce qui est rare lorsqu’un joueur en fin de contrat s’en va, gratuitement. « Je me suis beaucoup amusé lors du dernier match, parce que nous jouions comme au premier tour. Entendre les gens scander mon nom tant de fois était fantastique. Le tour d’honneur m’a également comblé, mais le sommet, c’est que ma femme m’attendait à l’entrée du couloir, avec un bouquet de quatorze roses, flanquée de mon beau-père et de la petite, qui portait un t-shirt avec le numéro 14 et Vermant dans le dos.

Je dois reconnaître que le Club m’a réservé des adieux superbes. Les membres de la direction avec lesquels j’avais le plus de contacts, comme Jacques De Nolf et le vice-président Raoul Beuls, sont venus me souhaiter bonne chance. Jacques m’a même serré dans ses bras, à la sortie de la salle des joueurs. Il m’a remercié pour ces huit belles années. Je pense que le Club veut se débarrasser de la mauvaise image qui lui colle aux basques, du fait que tous ceux qui partent ont des problèmes.

Non, je n’ai vu ni entendu Antoine Vanhove. Je ne m’attendais d’ailleurs pas à des voeux de sa part car ce n’est pas son style. Je ne sais pas si ça devait venir de moi ou non. On peut me dire beaucoup de choses sans que je me fâche mais pas m’accuser de choses qui sont complètement fausses. A Barcelone, il avait annoncé que j’avais signé à Anderlecht et que je ne serais plus aligné après le Nouvel An. Imaginez que la semaine suivante, j’aie mal joué contre le Lierse. Les supporters auraient pu se retourner contre moi, voire tout casser. Je trouve une telle attitude complètement irresponsable, à un moment où nous jouions le titre. Il a aussi touché ma famille, à travers moi. En fin de compte, mes beaux-parents travaillent depuis 26 ans pour le Club. Ils ont toujours protégé la direction. Avec Marcel et Meentje, qui s’occupaient du Klokke, ça fait même près d’un siècle que ma belle-famille s’investit au Club, de manière bénévole. Et j’aurais dû accepter d’entendre que mon rendement était insuffisant. Enfin, ça n’a pas été trop grave. D’autres ont vécu des moments plus désagréables.

Christian Vandenabeele, envoyé spécial à Berlin

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire