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 » Je suis comme je suis. Dans l’émotion « 

Si vous pensiez connaître Jürgen Klopp, détrompez-vous. Dans son bureau du centre d’entraînement de Melwood, le manager de Liverpool s’est dévoilé lors d’un entretien avec l’humoriste, présentateur et ancien footeux amateur John Bishop dans la perspective d’un livre à paraître, A Game of Two Halves.

Durant cette conversation très instructive, Bishop a abordé un grand nombre de sujets avec l’Allemand de 52 ans, parmi lesquels : le racisme, le christianisme, Pep Guardiola et son futur successeur dans le dug-out d’Anfield.

Des faits récents l’attestent : le racisme a refait son apparition dans le monde du foot.

JÜRGEN KLOPP : C’est vrai, hélas. Récemment, un journaliste d’un magazine français m’a parlé de ce fléau. Il m’a expliqué que George Weah et quelques autres anciens footballeurs célèbres avaient eu l’impression d’avoir été sous-estimés lorsqu’il fallait voter pour des prix comme le Ballon d’Or. Ils étaient quasi certains que c’était lié au racisme. Si c’est vrai, j’ai du mal à comprendre. Ce n’est pas la manière dont je vois le monde.

Pour moi, le terrain révèle si vous êtes capable de jouer au football ou pas, quelle que soit votre couleur de peau, votre religion ou votre race. Soit vous avez les qualités, soit vous ne les avez pas. C’est la seule chose qui compte. Le reste, c’est sans intérêt. Ici, à Liverpool, chacun accepte les différences. La preuve avec l’aménagement d’une salle de prière pour Mo Salah et Sadio Mané. Et il y a encore d’autres préceptes islamiques que nous respectons.

Lorsque Howard Gayle est devenu le premier joueur noir, à Anfield, certaines personnes se sont exclamées :  » Liverpool n’engage pas de joueurs noirs.  » Perso, il y a dix ans, je n’aurais jamais pu imaginer qu’un joueur musulman puisse jouer en Premier League. Les temps ont heureusement changé. Quoique…

KLOPP : Je pensais sincèrement que le racisme avait disparu du football. Lorsque j’ai appris ce qu’il s’est passé au Monténégro, où Callum Hudson-Odoi et Danny Rose ont été victimes de chants racistes, cela m’a choqué. Je regarde généralement le football sans le son, parce que les commentaires ne m’intéressent pas, et je n’ai donc pas compris à quoi Raheem Sterling faisait allusion lorsqu’il a montré ses oreilles aux supporters du Monténégro après avoir inscrit le cinquième but de l’Angleterre.

Je me demandais :  » Qu’es-tu en train de faire ?  » Puis, j’ai appris ce qu’il s’était passé. Je peux m’imaginer à quel point c’est dur pour ces garçons. Je ne peux pas me mettre à leur place, parce que cela ne m’est jamais arrivé personnellement, mais c’est fou que le phénomène soit réapparu car le football réunit les peuples, c’est un jeu universel. Tout le monde peut y jouer, même si l’on parle des langues différentes.

Vous faites partie de la première génération d’Allemands qui a grandi sans le poids de l’Histoire.

KLOPP : On appelle cela vergangenheitsbewaltigung. Il n’y a pas de traduction littérale, mais cela signifie, en gros, que l’on a fait table rase du passé.

Cela signifie-t-il que vous avez été élevé avec l’idée qu’il est préférable d’être uni, plutôt qu’opposé, divisé ou enclin à rejeter l’autre ?

KLOPP : J’adore mon pays. J’aime vivre en Allemagne. Vraiment. Mais, pour être franc, je n’aime pas mon pays davantage que d’autres pays. Simplement, je connais plus de gens là-bas et je suis Allemand, donc c’est cool. Je sais que ce magnifique pays a été capable de commettre l’une des plus grandes erreurs de l’histoire mondiale. Qu’il n’a pas pris la bonne direction. Bien sûr, il ne l’a pas fait tout seul, mais certaines personnes étaient prêtes à le suivre.

Elles répondent alors :  » Oui, mais nous ne savions pas exactement ce qu’il se passait.  » Certes, mais le fait de ne pas être informé ne vous dégage pas de vos responsabilités. Ici, ce n’est pas la même situation – ce n’est pas aussi extrême – mais on ne peut pas prétendre que l’on ignore ce qu’il se passe. Ma génération est la dernière qui se sent responsable de ce que l’Allemagne a fait pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Nous avons été en contact direct avec les gens qui ont combattu pendant la guerre. Mes fils ont une relation différente avec l’Allemagne. Mais nous ne pouvons pas oublier ce qu’il s’est passé. Nous sommes responsables du passé. Mais tout le monde ne s’en préoccupe pas. Si toutes vos lumières ne sont pas allumées, c’est peut-être plus facile d’ignorer, mais si vous avez une certaine morale, que vous soyez chrétien ou autre chose, vous ne pouvez pas ignorer.

A PROPOS DE L’ALLEMAGNE ET DE SON HISTOIRE

Quelle a été votre réaction lorsqu’on vous a proposé de devenir le manager des Reds ? Avez-vous directement pensé que ce job était taillé pour vous ?

KLOPP : En tant qu’amateur de foot, je savais que le club ne traversait pas une période faste et n’avait pas remporté de trophée durant les quatre ou cinq années précédentes, même s’il avait raté le titre d’un fifrelin. Bien sûr, je n’ignorais pas que Liverpool a une histoire incroyable et que le club a remporté d’innombrables trophées, que ce soit en Europe ou sur le plan national.

Pour être honnête avec vous, j’avais réellement envie de rendre à ce club sa gloire d’antan. J’étais convaincu que le coeur du club battait encore très fort. C’était comme un jardin qui avait besoin de certains aménagements pour qu’il fleurisse à nouveau. Je savais que ce n’était pas la meilleure équipe de l’histoire de Liverpool, mais j’appréciais beaucoup de joueurs qui la composaient. J’avais vraiment envie de décrocher le job. Je ne peux pas expliquer pourquoi exactement, mais j’avais de bonnes sensations. Je savais que, si l’on me faisait une proposition, il ne me faudrait pas beaucoup de temps pour l’accepter.

J’espérais simplement que cette proposition arriverait au bon moment, parce que j’avais besoin d’un petit break après avoir entraîné Mayence et Dortmund. Au final, j’ai eu quatre mois pour récupérer !

A PROPOS de LIVERPOOL ET DE SON AMBITION

Vous êtes arrivé à Liverpool après votre break. Je me souviens de votre première conférence de presse : j’avais été impressionné par votre maîtrise de l’anglais.

KLOPP : C’est facile, pour vous les Anglais : vous n’avez pas besoin de parler une autre langue ! Si ma langue maternelle avait été l’anglais, je n’en aurais pas appris une deuxième parce que cela n’aurait pas été necessaire. L’anglais est la première langue étrangère que l’on enseigne dans les écoles allemandes, mais je n’avais jamais vraiment brillé dans son apprentissage. La génération suivante est vraiment très brillante dans ce domaine. Mes fils parlent aujourd’hui l’anglais couramment, alors qu’ils n’ont jamais vécu en Grande-Bretagne. Sans doute à cause de la musique anglophone qu’ils écoutent.

Jürgen Klopp :
Jürgen Klopp :  » Tous ceux qui travaillent à mes côtés à Liverpool sont meilleurs que moi dans leur domaine spécifique. « © getty

Mon anglais n’est toujours pas parfait, mais je parviens à me faire comprendre. Et j’aime beaucoup les langues, parce qu’elles constituent un outil indispensable pour communiquer. Avant de venir ici, j’écoutais Talksport ! Ils racontent des idioties incroyables, mais j’ai retenu les termes du football anglais et j’ai reconnu différents dialectes – l’Ecossais à coup sûr, probalement l’Irlandais -. J’ai continué à écouter Talksport lorsque je suis arrivé ici, Avec simplement une demi-heure en allant au travail, et encore une demi-heure sur le chemin du retour, je me suis amélioré et j’ai étendu mon vocabulaire.

A PROPOS de L’ANGLAIS ET DE SA MAITRISE

Donc, à Liverpool, vous avez découvert un jardin qu’il fallait réensemencer. Dans l’intervalle, en quatre ans, le club n’a cessé de progresser. Vous êtes visiblement un bon leader, mais quelle importance accordez-vous aux gens qui vous entourent ?

KLOPP : C’est l’un de mes principes : pour être un bon leader, vous devez avoir suffisamment confiance dans les gens qui vous entourent et vous entourer de gens de qualité. Les leaders faibles ont toujours des difficultés avec ce concept parce qu’ils sont incapables de travailler avec des gens qui sont peut-être meilleurs qu’eux dans un domaine spécifique. Je peux l’accepter facilement.

Lorsque j’ai commencé ma carrière d’entraîneur à Mayence, j’ai dû apprendre le métier parce que nous n’avions pas de cellule de scouting, ni d’analystes. Personne ne m’aidait à exercer ma tâche d’entraîneur. Je faisais tout moi-même, je peux donc apprécier à sa juste valeur le travail de tout un chacun à Liverpool. J’aime être entouré par des gens de qualité. Tous ceux qui travaillent ici sont meilleurs que moi dans leur domaine spécifique. Je pense être le seul, pour l’instant, à pouvoir les réunir, ce qui explique pourquoi je suis important.

Nous avons fait revenir Pep Lijnders au club pour être assistant-manager. Nous avons fait venir Mona Nemmer du Bayern Munich pour gérer le département de l’alimentation. Nous avons fait venir un physiothérapeute d’Allemagne parce que je n’ai pas encore très bien compris comment travaillent les physiothérapeutes anglais. Ils travaillent complètement différemment, ils sont davantage médecins que masseurs.

C’est tout ce que j’ai eu à faire pour construire l’équipe, et nous avons créé une ambiance très positive, ici à Melwood, en invitant le staff à Ténériffe avec les joueurs. Accompagnés par leur épouse, leur mari, leurs enfants, tout le monde. Nous l’avons fait trois fois jusqu’à présent. La dernière fois, il y avait 90 adultes et 50 enfants. Le LFC leur paie un bon hôtel et ils peuvent passer de magnifiques vacances, sous le soleil. Cela favorise l’ambiance et réunit tout le monde.

Le club de football parlent souvent de l’équipe derrière l’équipe, mais ici, ce ne sont pas que des mots. Tous ceux qui travaillent pour le club savent qu’ils sont importants. Bien sûr, ils ne peuvent pas marquer un but ou garder leurs filets inviolés, mais ils sont incroyablement importants pour la gestion du club au quotidien. J’espère que vous l’avez un peu ressenti, en mangeant ce midi au restaurant. Ce sont des gens charmants et très proches les uns des autres.

Votre foi vous aide-t-elle à afficher une telle confiance ?

KLOPP : Je ne raisonne jamais de cette manière. Lors d’une conférence de presse, j’avais un jour parlé du jugement de Dieu. Je m’y suis préparé. Je ne me comporte pas mal. Je ne blesse personne. Avec mes joueurs, c’est parfois différent. Il arrive qu’ils ne soient pas repris dans l’équipe ou que je sois obligé de les vendre. C’est la partie la plus dure de mon job. Mais si nous perdons un match, vous pouvez me juger, pas de problème.

Alors oui, ce qu’être chrétien signifie pour moi, pour faire simple, c’est améliorer le lieu de travail. Il ne faut pas uniquement songer à soi-même. Nous sommes tous égoïstes, mais on ne peut pas être trop égoïste. Lorsque je pénètre dans une pièce et que le moral tombe dans les chaussettes, quelque chose ne va pas. Cela ne devrait pas arriver lorsqu’on est ouvert à la discussion avec d’autres personnes. Ne faites pas ce que vous avez envie de faire, faites ce que vous avez à faire. Ce n’est pas compliqué.

Je ne suis pas un prêtre. Je ne vais pas expliquer aux gens ce qu’ils doivent faire et comment ils doivent se comporter en tant que chrétiens. Le christianisme, tel que je le conçois, est une bonne chose.

Votre définition du christianisme, c’est se comporter comme toute personne raisonnable le ferait : ne faites de mal à personne et faites de votre mieux.

KLOPP : Oui, et je pense que beaucoup de personnes sont d’accord avec moi. Mais on ne leur demande pas pourquoi elles sont ainsi. Dans ma position, on me le demande, et donc je dévoile mon opinion, c’est tout.

Pourquoi observez-vous l’échauffement de l’équipe adverse depuis la ligne médiane, avant un match ?

KLOPP : Je vois mon équipe durant toute la semaine, je n’ai donc pas besoin d’observer l’échauffement de mes propres joueurs. Avant un match, on reçoit la composition de l’équipe adverse, mais on ne connaît pas le dispositif dans lequel elle va jouer. Parfois, lors de l’échauffement, l’équipe adverse s’exerce en fonction de ce dispositif. On peut deviner si elle va jouer à quatre derrière. Parfois, elle joue à trois ou à cinq derrière, mais si la ligne arrière est composée de quatre joueurs pendant l’échauffement, c’est probablement parce que ce dispositif sera utilisé pendant le match.

Jürgen Klopp :
Jürgen Klopp :  » J’aime la vie, j’aime mon métier, j’aime la plupart des gens. Je suis ainsi. « © getty

Je me place là pour récolter le plus d’informations possible, mais aussi pour avoir un ressenti de l’équipe adverse. C’est la verité : je veux avoir un ressenti. Lorsque nous avons affronté Dortmund en Europa League, je savais que ce serait mal perçu par mes anciens joueurs, mais cela ne m’a pas empêché de le faire ! Pendant que je les observais, ils ont pu voir que j’étais bien là, en chair et en os. C’était la première petite victoire de la soirée.

C’est comme le manager des boxeurs pendant la pesée. Cela y ressemble, n’est-ce pas ? Et cela témoigne des intentions.

KLOPP : Lorsque les joueurs s’approchent réellement de moi, c’est gênant, mais je suis habitué à cela. Je sais qu’ils sont en train de se dire :  » Qu’est-il en train d’observer ?  » Je peux entendre les assistants adverses crier à leurs joueurs de se détourner de moi. Je ne fais pas de l’intimidation, je m’intéresse simplement à ce que les joueurs adverses sont en train de faire.

Vous êtes connu pour vivre un match très passionnément le long du terrain. Comme un supporter, vous voulez voir les joueurs jouer comme vous voulez qu’ils jouent.

KLOPP(Rire glauque)

Pouvez-vous imaginer d’être simplement assis, en train de regarder ?

KLOPP : Oui, je pense que cela pourrait être possible à l’avenir. Je suis déjà beaucoup plus calme qu’autrefois. Je sais que c’est difficile à croire, mais c’est vrai. Je suis déjà complètement différent. Le fait est que je parle aux joueurs durant toute la semaine. Nous préparons des choses. Nous donnons des consignes. Nous transmettons des informations. Durant un match, c’est compliqué de donner beaucoup d’instructions, parce qu’il y a trop de bruit et que le jeu va trop vite. On ne peut parler que pendant la mi-temps.

Donc, je pense que mon job consiste à être le réservoir de substitution pour les garçons : si leur niveau d’énergie baisse, je dois leur en réinsuffler. J’ai déjà dit souvent aux joueurs :  » Je vais vous transmettre toute mon énergie, je n’en ai pas besoin. Donc, prenez-la. Je vais vous botter le cul lorsque c’est nécessaire. Je vais vous crier dessus lorsque vous commencez à faiblir.  »

C’est mieux pour eux d’être agressifs et fâchés contre moi que de ressasser l’une ou l’autre phase précédente :  » Oh, j’ai loupé cette occasion « . C’est mieux qu’ils pensent :  » Coach, tu nous ennuies  » et qu’ils prouvent ensuite ce dont ils sont capables.

Je n’ai jamais réfléchi à la manière de me comporter le long de la ligne de touche. Cela se passe ainsi, c’est tout. Je suis comme je suis. Je ne m’intéresse pas à ce que le gens disent de moi, mais je sais que les gens pensent que je ne suis pas un tacticien parce que je gesticule trop pour être un tacticien. Je suis dans l’émotion.

Alors qu’ils considèrent Pep Guardiola comme un tacticien.

KLOPP : Pep gesticule aussi, mais pas autant que moi. Il passe mieux quand il crie. Pep donne toujours l’impression d’être parfait : son corps, ses vêtements, tout est parfait. Lorsque je crie, j’ai l’air d’un serialkiller. C’est à cause de mon visage : je mords sur ma langue, d’une certaine manière. J’ai l’air d’un bébé qui a exactement la même expression. On lui dit alors :  » Tu es si mignon.  » Et très souvent, dans ce cas-là, le bébé se met à crier.

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Jürgen Klopp :  » Ma génération est la dernière qui se sent responsable de ce que l’Allemagne a fait pendant la Deuxième Guerre mondiale. « © getty

A PROPOS de LEADERSHIP

Comment construisez-vous l’intensité des 90 minutes ? Avez-vous une certaine routine ? Etes-vous capable d’oublier un match, que vous ayez gagné ou pas ? Pouvez-vous le mettre dans un coin de votre mémoire et le ressortir le lundi ?

KLOPP : Je n’ai jamais été capable de tourner l’interrupteur, mais j’ai déjà progressé dans ce domaine. Je donne 12 ou 13 interviews après un match, je n’ai donc pas beaucoup de temps pour penser à moi-même.

Combien d’interviews ?

KLOPP : Une douzaine. Six, environ, pour la télévision, puis la radio, la radio, la radio, et enfin la TV du club.

Ce sont toutes des obligations contractuelles ?

KLOPP : Oui. Les interviews d’après-match, en Ligue des Champions, sont encore plus contraignantes.

Cela signifie-t-il que vous avez déjà eu le temps de décompresser, puisque vous racontez tout à la presse ?

KLOPP : Je ne suis pas sûr ! Après un match, on se rend rapidement au vestiaire pour une minute, puis on sort et Matt McCann ( l’attaché de presse de Liverpool, ndlr) m’attend pour m’emmener où je dois aller. Comment puis-je l’expliquer ? C’est comme un morceau de viande qui n’est pas assez cuit. Je me sens parfois un peu cru, mais je dois y aller.

Jusque-là, pas de problème. Mais si quelqu’un ne veut pas comprendre ce que je dis, ou qu’il n’est pas intéressé par ce que je dis, qu’il recherche simplement une petite phrase-choc qui peut faire la ‘une’ du journal ou qu’il demande :  » Comment avez-vous pu laisser ceci ou cela se produire ?  » là, j’ai du mal à me contrôler. En Allemagne, je suis réputé pour donner des interviews bizarres. Comme lorsque, en direct à la télévision, j’ai abordé l’intervieweur en lui demandant :  » Quel match avez-vous vu ? Bla, bla, bla.  »

Je ne vous ai pas encore vu faire cela ici.

KLOPP : Je ne suis plus la même personne. Je suis plus calme.

C’est l’âge, probablement.

KLOPP : Absolument. Lorsque j’en ai terminé avec les interviews et que j’ai vu les joueurs, je ne pense plus au match. Mes deux fils, qui ont 30 et 33 ans, sont complètement fous de football. Donc, lorsqu’ils viennent à Liverpool, ils me parlent constamment de football. Ou ils m’envoient un sms depuis l’Allemagne. Parfois, je dois leur dire :  » S.v.p. la ferme ! « J’ai vu le match. J’étais présent. Je n’ai pas envie d’en parler. J’ai une réunion à ce sujet demain.

A A PROPOS d’ INTENSITÉ ET DE SES OBLIGATIONS

Beaucoup d’anciens joueurs légendaires gravitent autour du club. Kenny Dalglish est un directeur non-executive et sa présence ne semble pas vous gêner. Vous avez introduit Steven Gerrard comme manager des U18. Dans votre position, certains managers diraient :  » Je préférerais que les anciens joueurs soient hors de mon chemin  » mais vous vous en accommodez parfaitement.

KLOPP : Premièrement, je dois dire que Kenny et Stevie m’ont soutenu dès le premier jour. Deuxièmement, ma position en tant que manager n’a rien à voir avec les personnes qui m’entourent. Si Liverpool décidait de me limoger demain, Kenny pourrait être le premier choix pour me remplacer, mais je pense qu’ils feraient plutôt descendre Stevie de Glasgow. Si vous me demandiez qui serait le plus à même de me succéder, je répondrais Stevie. Il était ici il y a dix minutes. Je l’aide lorsque c’est possible. Si quelqu’un prend votre place, il ne faut pas en vouloir à votre successeur, cela signifie simplement que vous n’avez pas bien fait votre travail.

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Jürgen Klopp :  » Pep donne toujours l’impression d’être parfait : son corps, ses vêtements, tout est parfait. Moi, quand je crie, j’ai l’air d’un serial killer. « © getty

Je suis suffisamment âgé pour savoir que je me donne à fond pour ce job. Je ne suis pas un génie, je ne suis pas parfait, mais je me donne à 100% pour le club. Si c’est assez, très bien. Si ce n’est pas le cas, c’est que la situation ne s’y prête pas. Je ne suis pas jaloux, je ne suis pas sceptique. Je suis ouvert à tout. Si vous me demandez mon aide, vous l’obtiendrez. Ma famille pense souvent que je m’ouvre trop facilement, mais je pense que si j’agissais autrement, ce serait une perte de temps. J’aime la vie, j’aime mon métier, j’aime la plupart des gens. Je suis ainsi.

A PROPOS des IANCIENNES GLOIRES DES REDS

La première fois que je vous ai vu ici, à Melwood, vous étiez arrivé au volant d’une Opel, qui n’est pas la voiture la plus sexy…

KLOPP : Je roule toujours en Opel, aujourd’hui…

C’est très bien, mais je n’ai pas l’impression que vous ayez été mordu par le côté sexy du foot. Votre monde à vous s’en éloigne. Que faites-vous lorsque vous ne travaillez pas ?

KLOPP : Je suis aux côtés de ma femme, de mon chien, de mes amis, de ma famille. Mes deux fils sont mes meilleurs amis, c’est cool. Ils travaillent tous les deux en Allemagne. Comme je l’ai dit, ils sont tous les deux des fanas de football, donc ils viennent ici le plus souvent possible, surtout pour les grands matches. Ils m’envoient constamment des messages. Je viens de rentrer de six jours à Dubaï avec ma femme, mes fils, leur compagne respective. Je ne pourrais pas être plus heureux.

Pour être honnête, j’ai commencé à apprécier mon métier de manager à partir du moment où je n’ai plus dû me soucier de l’argent. C’est arrivé assez tôt, parce que je n’ai pas besoin de beaucoup d’argent, vraiment. Les sommes que nous gagnons dans le football sont complètement folles, mais il y a toujours le risque de perdre son emploi ou de voir son nom sali. S’ils – la presse, les supporters – décident de s’en prendre à vous, vous ne travaillez plus. C’est arrivé souvent en Allemagne.

A PROPOS de SON ASPECT  » NORMAL ONE  »

Donc, lorsque j’ai quitté Mayence, j’étais complètement libéré parce que je savais que j’étais capable de faire le job. Je pourrais être le sélectionneur des îles Fidji, j’apprécierais toujours autant mon métier et je l’exercerais du mieux que je pourrais. Je ne suis, dans aucun autre domaine, aussi bon qu’en football. Cela signifie que, si je ne travaillais pas dans le football, je ne sais pas ce que je pourrais faire.

Je suis certain que c’est pareil pour vous : si vous n’étiez pas comédien, quel autre talent avez-vous dans lequel vous pourriez briller ? Nous avons de la chance : nous pratiquons un métier que nous adorons et dans lequel nous excellons. Vous êtes sans doute dans la même situation que moi : à partir du moment où vous êtes devenu à l’aise financièrement, vous avez commencé à apprécier ce que vous faisiez.

Ce qui m’est arrivé est rigolo : j’ai commencé la comédie relativement tard et subitement j’ai réalisé :  » OK, je peux être un comédien dans une grande salle ou dans un simple pub, mais je peux toujours être un comédien « . L’argent n’a pas d’importance, rien d’autre n’a d’importance, la seule chose qui importe est de savoir qu’on est capable de faire ce métier.

KLOPP : Pour moi, le plus important était que les gens comprennent que j’étais capable de faire ce métier. Je me suis dit alors :  » OK, à présent je pourrai exercer ce métier aussi longtemps que je le souhaite  » et c’est exactement ce que je fais en ce moment.

Et vous êtes ici jusqu’en 2022, c’est exact ?

KLOPP : Mon contrat court jusqu’en 2022.

Vous vous sentez chez vous, ici ? Ou c’est plutôt dans la Forêt Noire que vous vous sentez chez vous ?

KLOPP : J’ai quitté la Forêt Noire à 19 ans. Chez moi, c’est à Mayence. Nous sommes en train de construire, là-bas. L’un de mes fils vit là-bas, l’autre est à Berlin.

Excusez-moi, mais je ne sais pas où se situe Mayence.

KLOPP : Oh, c’est très proche de Francfort, dans le sud-ouest de l’Allemagne. La ville compte 180.000 habitants, dont beaucoup d’étudiants. Elle est située le long du Rhin et c’est une région vinicole. C’est très joli, vous devriez y aller. Le temps est plus agréable qu’ici ou qu’à Dortmund. ( On frappe à la porte) Désolé, mais je dois y aller. Merci pour votre visite. ( Il quitte le bureau)

A Game of Two Halves

Cette interview de Jürgen Klopp n’est qu’un passage d’une séquence beaucoup plus longue publiée dans le livre  » A Game of Two Halves  » d’Amy Raphael. On y trouve également des considérations fouillées de Pep Guardiola, Frank Lampard, Rio Ferdinand, Ian Wright, Eric Dier, Steven Gerrard, etc…

Edité par Allen & Unwin, une partie des recettes de l’ouvrage seront versées au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Pour plus d’informations : www.unhcr.org/football.

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Jürgen Klopp :  » Si quelqu’un prend votre place, il ne faut pas en vouloir à votre successeur. Cela signifie simplement que vous n’avez pas bien fait votre travail. « © getty
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Jürgen Klopp :  » Mon job consiste à être le réservoir de substitution pour les joueurs : si leur niveau d’énergie baisse, je dois leur en réinsuffler. « © getty

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