» Je suis candidat Diable Rouge « 

L’efficacité de Dieumerci Mbokani et de Milan Jovanovic étant en rade, c’est le Brésilien qui a repris les commandes de l’attaque.

Le Standard avait jailli de ses starting-blocks comme un sprinter en début de saison. Il avait inscrit des paquets de buts et développait le meilleur football en ayant la meilleure attaque. Cependant, trois matches nuls consécutifs l’avaient contraint à abandonner la première place au Club Bruges. Cette mauvaise passe était surtout liée à celle de Milan Jovanovic. L’avant serbe avait été l’homme du début de championnat : il avait marqué sept buts. Puis la surcharge lui avait valu des bobos et il avait peiné à retrouver sa forme. C’est alors qu’Igor De Camargo (24 ans) s’est manifesté. Ses buts ont permis au Standard de s’arrimer dans le sillage du Club et de revenir à sa hauteur à la trêve (avec unmatch d eplus au compteur).

Ses coéquipiers et le staff technique considèrent De Camargo, vice capitaine du Standard, comme un pion majeur de cette jeune équipe. Il est un exemple sur le terrain comme en dehors. Souriant, positif, l’avant brésilien vit littéralement au rythme de la samba, tant il raffole de la musique. Il chante et joue de la guitare. En guise de test, nous lui avons fait écouter une chanson sur notre MP3. A lui d’en deviner l’auteur. Il tend l’oreille. Un instant plus tard, la réponse fuse :  » Caetano Veloso ! « 

Bravo ! Vous êtes un connaisseur…

Igor De Camargo : Comment ? C’était ça, le test ? Facile ! Caetano Veloso est un des chanteurs les plus populaires du Brésil.

Pourtant, votre compatriote de Genk, Alex Da Silva, ne le connaît pas…

Non ? Je vais l’interroger. Caetano Veloso fait partie de la scène MPB. MPB signifie Mùsica Popular Brasileira, elle représente des centaines d’artistes. Les Brésiliens vivent en musique. Même dans les grandes sociétés, on diffuse de la musique sans arrêt. Je suis certain qu’à l’instant même, ma mère écoute la radio à son lieu de travail.

Sauf quand je marque ! Vous savez, quand je suis sur le terrain, j’entends constamment de la musique, en mon for intérieur. Je joue à son rythme.

Aimez-vous aussi chanter ?

Je joue souvent de la guitare à la maison, un peu dans le style de Caetano Veloso. J’ai écrit quelques chansons. Non, je ne les éditerai pas : la mélodie doit encore un peu mûrir… Mes textes parlent d’amour, d’amitié, de football.

Les frustrations de Jovanovic

Revenons au football. Le Standard a brillamment entamé la saison puis il a connu un traditionnel passage à vide. Que s’est-il passé ?

Notre excellent départ a accru la pression sur notre jeune groupe. La presse et le public étaient à l’affût de notre premier revers. Nous le sentions. Nous avons alors concédé plusieurs matches nuls mais je persiste à dire que nous n’avons pas été mauvais contre Mons, Malines et Mouscron. Nous nous sommes créés beaucoup d’occasions, ce qui reste le meilleur baromètre en football. Ensuite, je me permettrai de rappeler que nous restons invaincus !

Pourquoi avez-vous si bien entamé la saison ?

Je savais que nous possédions un noyau de qualité. Le mensuel britannique World Soccer a repris Fellaini dans les 50 meilleurs jeunes footballeurs du monde. Steven Defour est une valeur sûre en équipe nationale belge, Sarr au Sénégal et Jovanovic en Serbie. Ce n’est pas rien. En plus, nous avons en Michel Preud’homme l’entraîneur idéal pour former une équipe.

Ce bon départ était essentiellement dû à l’efficacité du duo d’attaque Mbokani – Jovanovic. Qu’avez-vous ressenti ?

En début de saison, j’ai déclaré espérer que Mbokani et Jovanovic marqueraient beaucoup. S’ils permettent au Standard d’être champion, j’en serai heureux. Comme ils jouaient bien, j’ai fait banquette un moment mais je suis d’un naturel positif. J’ai mis les bouchées doubles à l’entraînement pour être retitularisé.

La mécanique s’est enrayée dès que Jovanovic a souffert de diverses petites blessures. Avant son but face à Charleroi le 7 décembre dernier, il n’avait plus marqué depuis le 2 septembre. Il l’a admis : il était frustré.

Je ne le nierai pas : quand cette impuissance devant le but s’éternise, elle devient pesante. J’ai dit à Jova de continuer à travailler. Son problème, c’est qu’il s’attarde trop sur le passé. Une fois, après un match, nous avons eu une discussion très franche : il râlait sur des phases de jeu qui ne s’étaient pas déroulées comme il le souhaitait. Je lui ai dit qu’il fallait tourner la page, puisqu’il ne pouvait rien y changer, et que ça irait mieux la fois suivante.

Etes-vous plus complémentaire avec Jovanovic qu’avec Mbokani ?

C’est possible. Ils sont très différents. Jova garde très bien le ballon. Je n’ai encore jamais vu quelqu’un aussi rapide ballon au pied mais il ne faut pas lui demander de jouer de la tête. Mbokani aime aussi recevoir le ballon dans les pieds mais il se tire mieux d’affaire quand on le sert en course. Mbokani et Jovanovic sont très complémentaires : Mbokani cherche les brèches et Jovanovic conserve le ballon.

Comparez Mbokani à Tchité, avec lequel vous avez joué ?…

Tchité était encore plus rapide.

Le Club mène la danse sans vraiment briller.

Je veux bien développer un mauvais football et être premier aussi. Mais nous ne paniquons pas. Nous sommes sur la bonne voie.

Michel Preud’homme est passé du 4-4-2 au 4-3-3 et vous a aussi placé parfois derrière les attaquants. Etait-ce un compromis pour titulariser ses trois attaquants ?

La composition n’a pas d’importance. Nous avons des joueurs intelligents, qui comprennent rapidement les consignes de l’entraîneur. Nous serions performants en 3-5-2 aussi. Posté parfois derrière les attaquants, j’essaie de leur être complémentaire, surtout en bougeant bien sans ballon. Je regarde souvent les matches de Robinho, Ronaldinho ou Kaká. Ils sont très utiles sans ballon.

Le scout du Standard Stan Van den Buys dit que vous êtes un attaquant idéal pour un coach : vous vous acquittez de vos tâches défensives alors que les autres attaquants s’en moquent. Mais votre abattage vous coûte une partie de votre fraîcheur devant le but, non ?

Je pense aussi être très performant au niveau du passing. L’important pour moi, c’est quand mon équipe gagne. L’aspect narcissique chez moi se résume à compiler tous mes buts sur mon ordinateur portable.

Ne préférez-vous pas jouer à l’avant-centre ?

Si, bien sûr.

Or, Defour préfère jouer dans l’entrejeu axial. Pourquoi compliquer les choses ?

Steven délivre beaucoup de passes décisives. De fait, il exploite mieux son talent au milieu de l’entrejeu.

Defour porte le brassard avec brio. Oubliez-vous parfois qu’il n’a encore que 19 ans ?

Constamment mais… lui aussi ! (Rires). Il est très intelligent. Il écoute les conseils, il a un style bien à lui. Il manque encore d’expérience mais Dembélé, Dante, Lukunku et moi-même lui venons en aide. Nous prenons la plupart des décisions en groupe.

Sauter dans la Meuse

Vous parlez portugais, anglais, français et néerlandais. Vous vous occupez souvent des nouveaux venus. Vous avez notamment accueilli Salim Toama.

Je vis en Belgique depuis huit ans. J’y connais beaucoup de gens, d’endroits. Depuis que Wamberto est parti aux Pays-Bas, je m’occupe de l’accueil des Brésiliens. Jusqu’il y a peu, tous s’adressaient à Wamberto. Je fais de mon mieux pour le remplacer.

Peu de Brésiliens s’épanouissent ici. Triguinho a souffert à Anderlecht, comme Alex lors de sa première saison à Genk, au Standard, il y a Xaviel Fred Burgel et Felipe Soares, lequel est déjà parti à Roulers. Pourquoi ?

A cause du froid. Les Brésiliens ne parviennent tout simplement pas à jouer sous de telles températures. En plus, le style de jeu est très différent : chez nous, on a le temps de réaliser une action alors qu’ici, on n’a qu’une fraction de seconde pour réceptionner le ballon. Pourquoi les Brésiliens réussissent-ils à Barcelone ? Parce que cette équipe joue à la brésilienne, avec beaucoup de courtes passes depuis la défense.

Felipe Soares est un de vos amis. Au Brésil, il s’est produit pour l’Internacional Porto Alegre, un club renommé. Maintenant, il n’est même pas titulaire à Roulers. Ne pouvez-vous pas l’aider ?

Je lui ai déjà dit que s’il n’épuisait pas son adversaire, celui-ci l’aurait. Il faut être dur. Trop de Brésiliens s’excusent quand ils commettent une faute et ne mettent pas assez le pied à l’entraînement. Leur talent est pourtant supérieur. Felipe a un pied gauche fantastique. Il a été repris dans les équipes nationales d’âge. Fred Burgel aussi mais il a la malchance d’évoluer au même poste que Sarr et Onyewu, deux internationaux.

Est-il exact que vous assistez régulièrement à des matches de volley pour supporter vos compatriotes ?

Il n’y a pas longtemps, j’ai suivi Averbode – Roulers, pour soutenir mon compatriote et ami André Eloi, d’Averbode. Avant, j’encourageais régulièrement Maaseik, quand il alignait encore des Brésiliens. Actuellement, Lennik aligne Felipe Canedo, Ricardo De Paula et De Almeira Alvas. J’ai fait la connaissance de nombreux Brésiliens aux fêtes organisées par Wamberto. Presque tous étaient des sportifs de haut niveau. Nous avons échangé nos numéros et nous nous soutenons les uns les autres. Savoir qu’un ami est dans la tribune constitue une motivation supplémentaire.

Contre Lokeren, quand vous avez inscrit le but de la victoire, vois avez couru vers Espinoza, le gardien, et l’avez associé à votre joie. Pourquoi ?

Parce que nos supporters ont beaucoup critiqué Espinoza. Il a été sous le feu des critiques depuis qu’il a pris sa place à Olivier Renard et il en a souffert. Je n’avais rien contre Renard et je comprenais sa déception. Je n’ai d’ailleurs pris le parti de personne, mais je n’accepte pas qu’un coéquipier soit sifflé par ses propres supporters. Ceux-ci doivent soutenir l’ensemble de leur équipe. Renard avait tenu des propos déplacés à l’égard de l’entraîneur et aurait mieux fait de respecter son choix. En début de saison, quand je faisais banquette, je me suis tu et j’ai travaillé d’arrache-pied.

Vous vivez seul en Belgique depuis quelques mois, puisque votre amie Giovanna est provisoirement retournée au Brésil pour ses études. Or, vous avez toujours souligné l’importance de sa présence à vos côtés. Comment gérez-vous son absence

Difficilement ! Parfois, j’ai envie de sauter dans la Meuse (Rires). Il est plus agréable de pouvoir bavarder avec quelqu’un quand on rentre à la maison. Maintenant, à mon retour, je m’installe dans le fauteuil et… c’est tout. Un proverbe brésilien dit que l’ennui est la pensée du diable. Un homme doit être occupé afin de ne pas trop penser à des choses négatives. En principe, elle revient ici après la trêve hivernale. Je m’en réjouis car j’ai vécu des moments difficiles sur le plan privé.

Vermeersch, mon ami

Vous avez conservé des liens étroits avec le président du Brussels Johan Vermeersch. L’avez-vous vu ou entendu depuis l’affaire Zola Matumona ?

Non mais peu avant, je l’avais eu en ligne. Nous restons bons amis. Il m’a souvent soutenu mentalement. Vermeersch n’est pas raciste. Il est ouvert à tous mais il est d’un naturel émotionnel. Il veut que son équipe soit performante. Mon père est noir, comme la moitié de ma famille. Pensez-vous qu’un raciste s’occuperait de moi ?

Où en sont vos démarches pour obtenir la nationalité belge ?

J’attends. J’ai rentré mon dossier il y a quelques mois, tout est en ordre mais un courrier m’a signalé que je devais attendre d’un à 18 mois. Peut-être puis-je profiter de cette interview pour rappeler que je suis candidat Diable Rouge ? (Rires)

Qui est le meilleur buteur en Belgique ?

Sérieusement ? Frutos. Il a souvent démontré qu’il était indispensable à son équipe. Sterchele a été la révélation du Germinal Beerschot la saison passée mais il doit encore prouver qu’il mérite sa place dans une grande équipe. C’est pareil pour Ruiz. J’estime que Wesley Sonck a sa place dans cette liste. Et ajoutez-y Jovanovic !

par matthias stockmans

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