» Je sens que je grandis à chaque match »

Après des débuts de play-offs en fanfare, le Standard est rentré dans le rang mais s’est découvert un nouveau leader. Entretien.

La file est plus longue qu’attendue. Ce jour-là, la séance de dédicaces a lieu au Shopping Cora de Rocourt. Les joueurs du Standard ont quelques minutes de retard. Le speaker chauffe les supporters venus en masse. Puis arrivent les désignés du jour : Eiji Kawashima, William Vainqueur, Michy Batshuayi et Paul-José Mpoku. Ce dernier a mis ses lunettes  » à la Balotelli  » et un survêtement rouge-orange du plus bel effet. Quelques jours plus tard, le Standard subit sa deuxième défaite d’affilée, face à Bruges (2-4), perdant de vue cette troisième place dont les Rouches avaient fait leur objectif. Mpoku a sans doute réalisé son moins bon match des play-offs. Car aujourd’hui, quand Polo passe à côté de son sujet, on le remarque. Preuve de son importance grandissante dans le noyau liégeois. Rencontre avec une personnalité attachante.

Puis-je dire que j’ai devant moi le Standardman des play-offs 2013 ?

L’homme des play-offs, c’est un grand mot, ça ! (Il sourit). L’homme en forme, oui. Ça c’est vrai. Mais l’homme des play-offs, c’est plutôt l’équipe.

Mais s’il y a une individualité à ressortir, c’est toi. Les attaquants ont déjà été meilleurs, les défenseurs aussi…

Il y a aussi William Vainqueur. Mais c’est vrai que je fais mon travail plutôt bien pour le moment. J’ai essayé de rester constant toute la saison mais je suis plus décisif dans ces play-offs. C’est ce qui explique qu’on parle plus de moi. Quand ça marchait moins bien, j’ai essayé de contrebalancer en travaillant davantage et ça a porté ses fruits.

Donc, si tu n’es pas l’homme des play-offs, c’est normal qu’on ne t’ait pas élu joueur du mois d’avril ?

(Il sourit) Ce n’est pas moi qui décide des votes. Mbaye Leye le méritait autant. Il a marqué beaucoup de beaux buts. Le plus important pour moi est de conduire le Standard à une place européenne. Je préfère ne pas être le joueur du mois et qu’on finisse à cette place que l’inverse.

Tu t’épanouis sur le flanc gauche mais est-ce ta meilleure position ?

Pour le moment, c’est là que ça marche mais à Tottenham, j’ai joué à gauche, en numéro dix ou numéro huit. Je peux jouer à toutes les positions offensives. Ça fait un moment que je n’ai plus évolué comme meneur de jeu mais il ne me suffirait que de 15 minutes pour retrouver mes sensations. Il n’y a que le flanc droit que je sens moins…

 » La saison passée n’a pas servi à grand-chose dans mon développement  »

Peut-on parler de la saison de l’envol ?

Oui. J’ai disputé beaucoup de matches, j’ai la confiance du coach. Mais si j’avais joué d’entrée de jeu au Standard, lors de mon retour d’Angleterre, je crois que je serais encore plus loin dans mon évolution. Les choses ont fait qu’il a fallu attendre Rednic pour obtenir cette confiance du coach. Il m’a parlé et m’a lancé. C’est ce dont j’avais besoin. En équipe nationale espoirs, Walem l’a également fait, comme José Jeunechamps en Espoirs du Standard.

Tu as eu des mots très durs vis-à-vis de José Riga en disant que tu avais perdu un an avec lui…

Je ne dis pas que c’est lui qui m’a fait perdre un an mais la saison passée n’a pas servi à grand-chose dans mon développement. J’aurais pu rester en Angleterre. Tottenham voulait me conserver mais j’ai choisi de quitter l’Angleterre, de prendre un risque pour pouvoir jouer. Mon ancien agent m’avait assuré que Riga me voulait absolument et que je devais remplacer Axel Witsel. Les circonstances ont fait que je n’ai pas joué. Au départ, j’étais peut-être en méforme parce que je n’avais pas effectué de préparation poussée mais par la suite, quand on regarde mes statistiques en Réserves, on ne peut pas dire que je n’étais pas prêt ni affûté !

Quel discours te tenait José Riga ?

Il faut être patient, ça va venir. Tout le temps un peu la même chose. En fin de saison, je préférais aller jouer en Réserves où j’avais un entraîneur qui me parlait et me soutenait que venir m’entraîner avec le noyau A. José Jeunechamps m’a donné la force de travailler.

Ron Jans ne t’a pas plus fait confiance…

C’était un peu différent. En début de saison, il est venu me parler et m’a dit – Je compte sur toi mais comme tu vois, il y a de la concurrence. A ce moment-là, j’ai envisagé un prêt car plusieurs clubs anglais étaient intéressés. Jans et Jean-François de Sart n’ont pas voulu, insistant sur le fait que je faisais partie des plans. Je devais même débuter une rencontre mais je me suis blessé à l’entraînement.

 » Le coach trouve que je chipote encore trop  »

Mais quand on compare tes matches de la saison dernière avec ceux de cette campagne, on voit une forte évolution…

Je sens que je grandis à chaque rencontre mais je suis sûr que la confiance joue un grand rôle. Sans compter que j’évolue à un poste qui me plaît. Monsieur Riga me plaçait toujours à droite. J’avais beau lui dire que je n’aimais pas trop cette position, rien n’y faisait. Il me rappelait sans cesse à l’ordre en me demandant de jouer en une touche. On m’obligeait de développer un jeu qui ne me convenait pas. Ça explique pourquoi ça n’a pas fonctionné.

Quelle fut la recette magique de Rednic à ton égard ?

Quand il est arrivé, il m’a d’abord demandé quelle était ma meilleure position. Il me parle beaucoup, me corrige quand ça ne va pas. Nous les jeunes, il nous conseille et nous gronde. Mais il ne le fait pas pour nous tuer mais pour que cela débouche sur quelque chose de positif. Cependant, il ne m’a pas changé totalement. En Réserves, j’étais déjà le joueur que je suis actuellement mais avec Riga, je n’osais pas trop tenter des trucs.

Comment décrirais-tu la personnalité de Rednic ?

Quand il faut travailler, il demande à chacun du sérieux. Mais en dehors des entraînements, il aime bien chambrer et faire des blagues. Moi, il me dit toujours de ne pas philosopher, de jouer simple. Il trouve que je chipote encore trop. Moi, j’aime le ballon, j’ai appris ma technique dans la rue mais par moments, il faut savoir se défaire du ballon.

Quand t’es-tu dit que tu devais quitter la rue pour aller dans un club ?

La rue, je ne l’ai pas encore quittée. Ça m’arrive encore souvent de retourner jouer dans mon quartier. C’est important de montrer à mes potes d’enfance que je suis toujours avec eux. Là-bas, certains me voient comme un modèle mais beaucoup trouvent que je suis resté le même Polo.

Que représente le Standard à tes yeux ?

C’est le club de ma région, même si je viens de Verviers, et si je peux devenir un jour capitaine du Standard, je le prendrai comme un honneur. Pourtant, à la base, après Tottenham, je voulais aller à Bruges car le Club était intéressé mais suite au changement de direction, j’ai vraiment eu envie de retourner au Standard. J’ai toujours rêvé de porter le maillot de l’équipe première du Standard.

 » On n’a jamais parlé de titre mais d’une place européenne  »

Comment expliques-tu qu’une équipe qui termine la phase classique à 17 points d’Anderlecht joue le titre un mois plus tard ?

Le plus important pour nous, c’était de faire partie des play-offs. Depuis l’arrivée de Rednic, on essaye de prendre le plus de points possibles et on continue sur notre lancée dans ces play-offs même si on reste sur deux défaites.

Vous avez fait forte impression sur le plan physique…

C’est vrai que sur ce plan-là, on est clairement l’équipe la plus forte des play-offs. On harcèle, on court tout le temps, on presse. Rednic est un adepte du foot moderne, à savoir courir, travailler, attaquer et défendre ensemble. On a beaucoup travaillé la course et cela peut expliquer notre fraîcheur. Sans oublier que nos concurrents ont dû jouer l’Europa League et la Ligue des Champions. Au contraire de nous. Ça peut jouer un rôle.

Courir, chasser le ballon, ce sont des termes qui cadrent avec ton jeu tout en technique ?

A Tottenham, chez les jeunes, on devait presser sans cesse, aller chercher le ballon. Là-bas, j’ai vraiment appris à courir. Aujourd’hui, dans le noyau du Standard, je fais partie des meilleurs en termes de VMA.

Avant Anderlecht, on a parlé du titre à Sclessin. Est-ce que cet emballement ne vous a pas desservi ?

Nous, on n’a jamais parlé de titre. On a juste dit qu’il fallait assurer une place européenne. Mais quand vous voyez que vous êtes à deux points de la première place, c’est normal que cette pensée vous traverse l’esprit. Je ne pense pas que cela ait paralysé le groupe. On sait d’où on vient : de loin ! Pour nous, le titre n’a jamais été un objectif.

Vous étiez dans une position où vous pouviez être champion et aujourd’hui vous êtes cinquièmes. Comment gère- t-on ce grand écart ?

C’est cela la difficulté des play-offs. Ça va vite. Il nous reste deux matches à négocier et on va tout faire pour au moins répondre à notre objectif.

Quand William Vainqueur déclare que cette équipe est trop court pour le titre, a-t-il raison ?

Il veut dire que le noyau est un peu trop court. Ce sont toujours les mêmes joueurs qui ont débuté les rencontres. Si, par exemple, tu enlèves William Vainqueur, il n’y a pas grand monde pour le remplacer et remplir sa tâche.

 » On ne possède pas beaucoup de grands gabarits  »

Si vous n’êtes pas européen, peut-on parler d’échec ?

Oui et non. A un moment de la saison, on était 12e et je crois qu’on a surpris pas mal de monde dans ces play-offs. On sera déçu mais de là à parler d’échec…

Mais le Standard se doit d’être européen, non ?

Oui, c’est un des plus grands clubs de Belgique. Donc, logiquement, on doit l’être.

Le jeu du Standard n’est pas dominant…

Ça, c’était plutôt au premier tour des play-offs. Pour les matches retours, il ne fallait plus calculer et attaquer. Essayer de faire le jeu et montrer que tu es le plus fort.

Pourtant, à Anderlecht, vous étiez très attentistes…

Notre objectif était d’aller là-bas pour attaquer et profiter des espaces mais au fur et à mesure du match, on a reculé. Mais ce match n’a basculé que sur deux phases arrêtées…

La taille constitue un des problèmes de cette équipe ?

Oui. On essaye de jouer au sol et rapidement vers l’avant car on ne possède pas beaucoup de grands gabarits. On sait que ce n’est pas notre point fort.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » La rue, je ne l’ai toujours pas quittée. Il m’arrive encore de jouer dans mon quartier.  »

 » Sur le plan physique, on est clairement l’équipe la plus forte des play-offs.  »

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