» Je sais que je mérite ma place chez les Diables »

Le défenseur rouche revient sur son parcours, sur le Standard et les Diables Rouges.

« Viens à la maison, ce sera plus pratique pour moi « . C’est ainsi que l’on se retrouve dans la banlieue verte de Charleroi, à Presles, pour revenir sur toute la carrière de Laurent Ciman. Si le Standard réalise un des meilleurs débuts de saison de son histoire, malgré la défaite de dimanche à Zulte Waregem, il le doit aussi à son défenseur central carolo qui, à 28 ans, est arrivé à pleine maturité. Régulier au plus haut niveau depuis maintenant deux ans, faisant partie intégrante du noyau des Diables Rouges (une gageure en soi), il revient sur son parcours qui l’a mené de Charleroi (qu’il retrouvera dans dix jours) au Standard, en passant par Bruges et Courtrai. Sans oublier ces Diables Rouges avec lesquels il rêve d’aller au Brésil.

Le plus long chapitre : le Standard

As-tu l’impression d’être dans la forme de ta vie ?

Tout le monde me dit que 28 ans constitue l’âge idéal pour un défenseur. Suis-je au sommet de mon art ? Je ne sais pas. J’évoluais déjà à un bon niveau la saison dernière mais j’ai encore l’impression de monter en puissance. Je suis de plus en plus concentré. Je prends du plaisir sur le terrain. C’est vrai qu’en fin de saison passée, je pouvais me poser des questions suite à l’émergence de Dino Arslanagicet à la lenteur de ma prolongation de contrat mais je n’ai jamais douté. Je demandais quelque chose de précis pour prolonger et je n’ai jamais eu peur de la concurrence. Par contre, je n’ai pas compris le comportement de Mircea Rednic qui a fait de moi un titulaire indiscutable puis m’a mis en concurrence alors que je n’étais passé au travers que lors d’une seule rencontre, à Lokeren (4-1). J’ai vécu cela comme une injustice. Je n’étais pas le seul à avoir fait un mauvais match et j’ai eu l’impression d’être le seul à payer les pots cassés. Il m’a juste dit qu’il s’agissait de choix tactiques. Mais, moi, je ne les comprenais pas trop, d’autant plus que je restais sur une super saison. Peut-être que simplement, comme j’arrivais en fin de contrat, qu’on ne savait pas si j’allais rester et qu’un jeune frappait à la porte, il fallait lui donner une chance. Mais si tel est le cas, j’aurais préféré qu’on me le dise franchement.

Certains ont écrit que tu avais claqué la porte après les matches de barrage, face à Gand. . .

Franchement, c’est triste de finir en disant que j’ai claqué la porte, vidé mon casier et foutu la merde dans le vestiaire. Entre ne pas se satisfaire de son sort et foutre le bordel, il y a une marge ! Je partais simplement… retrouver les Diables Rouges.

Comment as-tu pris le fait d’être le dernier à recevoir une prolongation de contrat ?

Voyant que je n’étais plus la priorité de Rednic, le président Roland Duchâtelet a dû se dire qu’il avait le temps. Puis, Guy Luzon est arrivé ; lui et son agent m’ont téléphoné sur mon lieu de vacances pour me dire qu’ils désiraient que je reste. A mon retour, je suis allé trouver le président qui m’a fait une première proposition. Je n’étais pas trop d’accord et les négociations se sont éternisées. Je pouvais signer en Russie, j’avais des offres de Grozny et Samara mais il aurait fallu alors me séparer de ma famille, ce que je refuse. Je préfère ne pas être riche et me trouver avec ma famille que l’inverse. Finalement, j’ai mis de l’eau dans mon vin, le président aussi et on est parvenu à un accord.

Que représente le Standard pour toi ?

Je m’y sens bien. Comme chez moi. J’ai été très bien accueilli et donc cela ne me donne pas spécialement envie de le quitter. En Belgique, je n’irais nulle part ailleurs. Quand je monte sur le terrain, je donnerais ma vie. Je pense que les supporters aiment cela. Et j’ai besoin de leur reconnaissance.

Pourtant, un Carolo qui signe au Standard, c’est rarement bien vu. . .

Quand j’étais petit, j’allais voir Charleroi-Standard. C’était la guerre sur et en dehors du terrain. Donc, je savais dans quelle rivalité je m’embarquais. Mais il faut avouer que le Standard, c’est un monument. Pour moi, il s’agissait d’une deuxième chance dans un grand club. Dans la région, je me suis fait finalement plus chambrer par des supporters d’Anderlecht que par des Carolos.

L’année passée, comment expliques-tu que le groupe soit resté autant partisan de Ron Jans alors que les résultats ne suivaient pas ?

La tactique n’était peut-être pas la bonne mais comme entraîneur et comme être humain, il s’agissait d’un gars super. La grande classe. Pourtant, on avait des a priori sur lui : un Néerlandais qui vient entraîner un club wallon, ça fonctionne rarement ! Mais après deux mois, il parlait français. Chapeau. Il était vrai et disait les choses en face. Alors, quand il a été limogé, on n’a pas pensé à notre carrière et on a pris sa défense. Avec le recul, j’agirais de la même manière, et je pense que Poco, Regi (Goreux) et Jelle (Van Damme) le feraient aussi. Le groupe pensait que la solution ne consistait pas à virer l’entraîneur et que la sauce allait prendre. D’ailleurs, quand on voit ses résultats avant et après le Standard, on se dit qu’il est peut-être passé à côté de quelque chose de grand avec nous.

Pourtant, c’est Rednic qui a lancé le Standard. . .

Il a remis les choses en place sur le plan tactique. La défense était bien en place et les détails ont fait la différence. Et même si je ne faisais plus partie de ses plans en fin de championnat, je n’ai pas compris pourquoi on ne l’avait pas prolongé. Puis, j’entends parler de Luzon. Oui, bon. Un Israélien. OK. Au premier abord, tu trouves ça bizarre. Mais rapidement, il m’a appelé et m’a donc dit qu’il voulait que je reste. Il a su me convaincre de sa manière de travailler. Il est honnête, il dit ses vérités. Et ça marche !

Chapitre 1 : Charleroi

Quels souvenirs conserves-tu de Charleroi ?

Pour moi, Charleroi, c’est d’abord un nom : Dante Brogno. C’est lui qui est venu me chercher alors que je militais dans un club de D3(NDLR : Olympic) et qui a soufflé mon nom à Jacky Mathijssen. J’ai été lancé face à Anderlecht après 5 minutes de jeu parce que Thierry Siquet s’était blessé. J’avais les jambes flageolantes : en face de moi, c’était quand même Aruna Dindane. Dans le vestiaire, on m’avait placé entre Mustapha Sama et Ibrahima Kargbo, moi tout fin entre deux armoires à glace de six mètres de haut (sic). Mais ce sont eux qui m’ont protégé et m’ont donné les meilleurs conseils. Une fois que je suis rentré dans l’équipe, je ne l’ai plus quittée. Mathijssen était toujours derrière moi. Il me recadrait tout le temps. A l’époque, je trouvais cela exagéré mais c’était pour mon bien, pour que je ne me repose pas sur mes lauriers. Quand je menaçais d’exploser, Frank Defays me disait que ce n’était pas grave et que je devais laisser tomber. Le vestiaire de Charleroi était un bon mélange de gens calmes (Defays, Bertand Laquait, Sébastien Chabaud) et de vrais fous (Grégory Christ, Fabien Camus, Majid Oulmers). Même si on ne disposait pas des meilleures infrastructures, il y avait une ambiance terrible. La famille Dal Mut s’occupait de nous, avec le fils comme magasinier, le père pour les équipements et la mère aux fourneaux. Je n’ai jamais connu un club où on mangeait aussi bien. On avait vraiment l’impression de faire partie de la famille.

Chapitre 2 : Bruges

A Bruges, tu connais l’épisode le plus douloureux de ta carrière. . .

Je ne pensais même pas à un transfert. A Charleroi, après Mathijssen et Philippe Vande Walle, Thierry Siquet a pris la relève et je n’étais plus vraiment titulaire. Je pense qu’il ne m’appréciait pas trop, peut-être parce que j’avais pris sa place comme joueur. Cette offre de Bruges est donc arrivée de nulle part. Le matin, on m’appelait pour me proposer un transfert et le soir, je signais. Mathijssen y officiait comme entraîneur mais il n’est plus resté longtemps. Comme j’avais disputé les Jeux olympiques avec les Espoirs, je n’avais pas effectué la préparation. J’ai vite été pris en grippe par les supporters qui attendaient beaucoup du back droit. Il y avait beaucoup de pression, ce que je ne connaissais pas à Charleroi. J’avais besoin de temps pour m’adapter à la pression, au club. Puis est arrivé Adrie Koster qui ne parlait pas français et moi, je ne comprenais pas son néerlandais. C’était cuit. Mais même si ce passage s’est avéré catastrophique, j’ai appris beaucoup de choses. Cela m’a endurci.

Chapitre 3 : Courtrai

Comment arrives-tu à Courtrai ?

C’est Vande Walle, que j’avais connu à Charleroi, qui m’a contacté. J’ai alors rencontré Georges Leekens. Je préférais reculer pour mieux sauter que m’enfermer à Bruges. J’avais perdu confiance en moi et il me fallait un entraîneur qui me rebooste. Ça a directement bien collé avec Leekens. Il voulait un défenseur polyvalent et m’a dit – Avec moi, tu auras du temps de jeu. J’ai été accueilli par tout le groupe. Je retrouvais l’ambiance familiale que j’avais connue à Charleroi. Exactement ce qu’il me fallait. A Charleroi, j’étais le petit jeune ; à Bruges, j’ai été traité comme Jacques Mesrine ; et me voilà à Courtrai où quand je me retournais en match, je voyais un mur rouge qui scandait mon nom. La première fois où j’ai entendu cela, j’avais les larmes aux yeux. Je me disais – Enfin, un peu de reconnaissance. A partir du moment où j’ai retrouvé de la confiance, on a vu un autre Ciman sur le terrain. Il y avait une super ambiance dans le vestiaire mais également lors des matches. Encore maintenant, j’adore jouer là-bas, dans ce petit stade à l’anglaise. Courtrai, ce n’était que du bonheur.

Chapitre 5 : Les Diables Rouges

Es-tu fier de faire partie de ce groupe si talentueux ?

Il faut toujours un petit brin de chance dans une carrière. J’ai eu de la chance que Georges Leekensme fasse confiance lorsque j’étais à Courtrai, et que Marc Wilmotscontinue à me sélectionner. Mais j’ai toujours eu un comportement exemplaire en sélection. Je suis franc et droit dans mes bottes. Je pense que Wilmots le sait et apprécie cela. Il sait que s’il me sélectionne, je ne vais pas faire de mon nez, et que s’il a besoin de moi, je répondrai présent. Je crois que c’est utile d’avoir un joueur comme moi dans le noyau. Après, c’est vrai que c’est une grande fierté de faire partie de ce groupe. Encore maintenant, il y a des gens qui ne comprennent pas pourquoi je suis sélectionné. Certains écrivent que je ne suis pas assez bon pour intégrer le noyau. On ne peut pas plaire à tout le monde. Mais moi, je ne dois rien à ces gens-là. Je sais que je mérite de faire partie de ce groupe. Pour moi, se qualifier pour le Brésil et faire partie du voyage constituerait un accomplissement. Je pourrai dire à la fin de ma carrière – J’ai fait une Coupe du Monde. Et même si je ne joue pas, j’aurai fait partie de l’aventure.

Tu es un des seuls à ne pas jouer à l’étranger. En es-tu frustré ?

Non. Le destin en a décidé ainsi. Les autres membres du noyau ne me considèrent pas moins pour autant et moi, je ne suis pas jaloux de leur trajectoire. Je sais où se situe ma place. Je sais qu’entre moi et des joueurs comme Vincent Kompany, Jan Vertonghen ou Daniel Van Buyten, il n’y a pas photo.

Quand tu vois que tu ne joues plus lors des barrages face à Gand, as-tu craint pour ta place ?

Un peu, oui. Mais j’ai téléphoné à Marc Wilmots, qui m’a rassuré et qui m’a dit qu’il ne comprenait pas non plus pourquoi je ne jouais plus.

T’a-t-il dit que tu devais retrouver ta place pour faire partie du noyau ?

Non mais ça coule de source. A partir du moment où tu ne joues pas dans ton club, c’est normal de ne pas être sélectionné.

Que retiens-tu de cette campagne qualificative ?

Tout. J’ai vraiment eu l’impression de vivre quelque chose de fort, d’unique et de magique. L’ambiance, tant à domicile qu’à l’extérieur, était indescriptible. Avec les Jeux Olympiques de Pékin, cela fait partie de mes meilleurs souvenirs.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Entre ne pas se satisfaire de son sort et foutre le bordel, il y a une marge !  »

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