« Je reviens à la maison… »

Pierre Bilic

Le rouquin d’Udine retrouve Sclessin et explique ses motivations. Monologue.

Régis Genaux: « Non, je n’ai pas repris le chemin de la Belgique en songeant avant tout à l’équipe nationale. Si j’ai été attentif dès qu’une piste fut d’actualité au Standard, c’est pour tout ce qui m’unit à ce club et à la région liégeoise. Je suis Carolo de naissance, je ne le renie pas, mais ma vie, mon présent et mon avenir se situent à Liège. Il y a bien longtemps déjà que je me suis totalement fondu dans cette région pas comme les autres. C’est chez moi. J’ai vécu en Angleterre et j’adore Udine, bien sûr, mais Liège, c’est autre chose. La Coupe du Monde est importante, j’espère y aller, évidemment, mais l’Italie est à deux pas. Pour Robert Waseige, jouer à Udine ou à Sclessin, cela ne change pas grand-chose pour le scouting. Je reviens d’abord parce que j’en ai envie. Je suis extrêmement motivé. Je songe en priorité au Standard et à moi, le reste suivra.

Je suis admiratif en notant la réussite d’ Eric Deflandre. C’est mérité et je le trouve un peu trop confortablement installé au back droit, ma place préférée. Si je peux lui mettre la pression, pourquoi pas? Ce serait toujours cela de pris. Personne ne l’inquiète pour le moment. Cela lui ferait du bien… Et, c’est vrai, j’ai toujours été blessé avant les grands tournois de l’équipe nationale. Cela doit changer. Il y avait eu des touches avec le Standard il y a un an ou deux. A l’époque, j’étais intéressé mais Udine pas. Je devais rester dans le Frioul, où j’entretiens de très bonnes relations avec tout le monde, et très certainement avec le président du club qui est bon comme le pain. Quand il apprécie un joueur, c’est pour la vie. Les premiers contacts avec le Standard ont été noués il y a dix jours ».

« Ventura est différent d’Hodgson »

« Mon manager a été direct: -Est-ce que cela t’intéresserait de rejouer au Standard? J’ai dit oui et je devais justement revenir en Belgique afin de passer une visite médicale à Anvers, chez le Docteur Martens. Mon agent, Milo Raiola, avait eu des contacts avec Luciano D’Onofrio. La Faculté m’a rassuré. Je suis tout à fait prêt pour y aller à fond. Il me manque un peu de temps de jeu et le constat était le même en Italie. Autrement dit, j’allais vite reprendre le boulot de groupe à Udine. J’ai perdu des mois pour une intervention chirurgicale aux ligaments croisés. Mes deux genoux ont été opérés presque coup sur coup: c’est vraiment du béton maintenant. A Udine, j’ai payé le remplacement d’ Hodgson par Ventura. J’appréciais beaucoup le premier car il était proche des joueurs. Il se souciait du bien et de l’état de santé de tout le monde. Un mot suffit parfois. Hodgson ne passait jamais à côté de moi sans me dire: -Régis, vas-y, bosse, j’aurai bientôt besoin de toi. Quand un coach de ce niveau vous dit cela, vous grimpez sans corde au sommet de l’Himalaya s’il le faut. J’étais tout à fait certain de rejouer avec lui.

Puis, le ton est un peu monté entre le coach et le président. Hodgson a affirmé à la presse anglaise qu’il avait eu tort de signer à Udine. Il regrettait de travailler pour le compte de ce club. Ses paroles ne sont pas passées inaperçues et le président, qui n’attendait qu’une erreur, lui a accordé son bon de sortie. Ventura, son successeur, c’est autre chose. Pour lui, je n’existais pas. Un jour, il m’a même dit: -Je dois te voir. En fait, j’attends toujours cette conversation. Udine a un problème: les grands moments de gloire sont dans le rétro. Quand je suis arrivé, on a pris un abonnement pour la Coupe d’Europe de l’UEFA. Les grands du Calcio avaient peur d’Udine, qui était capable à chaque instant de leur infliger une défaite. J’y ai joué avec Bierhoff, Amoroso, Walem, etc: c’était solide. La presse appréciait ce club du Frioul qui savait se faire respecter. Mais le temps a passé. Il y a eu d’autres grandes et belles aventures comme celle de Chievo cette année. Udine n’a pas su continuer sur sa lancée. Beaucoup de vedettes sont parties ».

« Plus à l’aise à droite »

« A la fin décembre, j’étais bon pour le service. J’ai hélas été victime d’une infection à la vessie. Elle m’a considérablement affaibli et j’ai dû reprendre ma préparation physique à zéro. Une tuile car Ventura avait changé les habitudes du groupe. Je ne suis pas parti en préparation hivernale avec le noyau dans la région de Naples. Ventura à des méthodes bien à lui et prône des mises au vert du mardi au dimanche. Et il en sera ainsi tant qu’Udine ne possèdera pas huit points d’avance sur le premier descendant. Je ne crois pas que tout le monde apprécie de telles idées. Je n’aime pas ses idées tactiques non plus. Hodgson ne jurait que par le 4-4-2. Tout le monde sait que je me sens comme un poisson dans l’eau quand on pratique un système défensif à quatre et à plat. Georg Kessler, Arie Haan, René Vandereycken et Robert Waseige m’ont tous confié cette place. Je ne refuse pas de jouer au centre de la défense, même dans un rôle de stoppeur strict au marquage, mais je suis plus à l’aise sur la droite.

C’est ma zone à moi, mon secteur, là où je connais chaque centimètre carré de jeu, la réaction des ailiers, des adversaires qui doivent tenir compte de la ligne. Pour moi, cette ligne a toujours été une alliée, un atout. J’aime l’avoir près de moi et elle fait totalement partie de ma géométrie de jeu. Ventura a abandonné le 4-4-2 d’Hodgson et en est revenu à un 3-5-2 terriblement défensif. Je n’ai pas envie de passer ma vie au stoppeur. Je connais les réalités et les obligations d’un bon secteur défensif. On ne gagne pas sans une défense qui soit à la hauteur des événements. Une équipe qui encaisse beaucoup de buts ne peut pas être présente à l’heure de la remise des prix. La défense en zone est plus moderne et libère un homme pour l’entrejeu. Dès qu’il a été question, dans la presse, d’un retour au Standard, j’ai eu des coups de fil de Michaël Goossens et de Johan Walem.

Mika était tout à fait emballé. Johan m’a tout de suite dit: -Régis, viens, il se passe des choses super-intéressantes au Standard. Le style de jeu ne peut que te convenir. Tout cela m’a décidé à mener à fond toutes les négociations avec mon manager. Je ne le fais pas en me disant que ce serait une façon d’oublier un peu mes soucis italiens. Je n’ai pas échoué en Italie, pas du tout, mais je n’ai pas été verni. Sans mes blessures, je crois que mon tableau de chasse aurait été différent. J’ai eu ma part de gros pépins. Udine ne tenait pas à me voir partir. J’y vois la preuve que mon retour dans l’équipe ne faisait aucun doute. A 28 ans, j’aborde à peine les plus belles années de ma carrière. J’ai beaucoup appris en Italie et je ne suis forcément plus le même footballeur qu’il y a quatre ans. J’ai voyagé, j’ai mûri, je vois les choses avec beaucoup plus de recul. Je ne m’énerve plus pour des broutilles comme c’était le cas quand j’étais plus jeune ».

« Un beau coup à jouer pour le titre »

« En Italie, les colères de joueurs ne sont pas bien vues. Il faut garder la maîtrise de ses nerfs et gérer tout son influx afin de résister à la pression. Cette tension est tout à fait infernale. Quand on tient le coup dans ces conditions, on est plus que blindé. Un séjour à l’étranger est toujours très utile sur le plan sportif. Mbo Mpenza le prouve à son retour de Galatasaray. Je suis forcément plus complet. On a dit que le trio Genaux-Goossens- Léonard était fou-fou. Je ne veux même plus en parler. Tout le monde commet des erreurs de jeunesse. Ce fut notre cas, mon cas, si on préfère, mais c’est tellement loin. Moi, je ne retiens que les bonnes choses d’une grande époque. Avec un poil de chance, on aurait pu et dû gagner deux titres nationaux. En gros, ma génération a été deux fois vice-championne et a gagné une Coupe de Belgique. A cette époque, Anderlecht alignait Philippe Albert, Marc Degryse et Luc Nilis. Je ne crois pas qu’Anderlecht dispose encore de tels arguments aujourd’hui.

Il nous a peut-être manqué un peu de culture du succès. A part cela, on se souviendra longtemps de Frans Van Rooy, d’ André Cruz, de Marc Wilmots, d’ Aurelio Vidmar au Standard. J’ai appris avec plaisir que Frans Van Rooy s’occupait désormais des jeunes joueurs de Lommel: quel professeur! Comme si un violoniste débutant apprenait à jouer avec un lauréat du Concours Reine Elisabeth… Stéphane Demol entraîne Geel, Thierry Pister bosse à Mons. Je ne retiens que de très bonnes choses de tout ce que j’ai vécu au Standard durant ces années-là. Le football a changé. Le Standard a reconstruit une équipe. Le groupe actuel est jeune. Mon acquis peut lui être utile. Il y a un coup à jouer dans la lutte pour le titre ».

« J’ai investi dans les briques »

« Mes anciens équipiers m’ont dit que le travail tactique de Michel Preud’homme était formidable. Je connais évidemment le coach du Standard. J’ai souvent joué contre lui. C’était au temps de sa splendeur malinoise. Puis, j’ai été son équipier chez les Diables Rouges. Je me souviens même avoir marqué un but contre lui: c’était un… own goal face à la Tunisie. Michel Preud’homme, c’est une légende: 58 sélections, le titre de meilleur gardien de but du monde. J’en suis à 21 convocations. Cela me laisse pour le moment un goût de trop peu. Si je n’avais pas été blessé, à des moments cruciaux, je devrais flirter avec les 50 sélections.

Il est un peu plus difficile qu’avant de se forger un palmarès. Les joueurs voyagent plus et il faut faire les bons choix, assurer ses arrières, ceux de sa famille car tout est fragile. J’ai envie d’empocher des titres mais je pense aussi à placer le fruit de mon travail pour demain. J’ai acheté deux maisons dans la belle région de Beaufays. J’ai investi dans les briques car c’est un placement de bon père de famille. Ce genre de demeure est très recherché dans ce coin. Cela signifie aussi que je vais devoir m’en occuper, les louer, etc. Ce n’est jamais aisé quand on habite à l’étranger. J’ai réalisé deux affaires mais il faut être attentif quand on place ses économies. A 28 ans, on voit les choses avec plus de recul. Tout le monde change, je reviens à la maison ».

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Pierre Bilic

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