« Je reviendrai au Standard »

Le coach de Manu Godfroid se sent bien à Bucarest. Mais il adore Liège aussi!

Le championnat de Roumanie s’est mis en veilleuse pour trois mois. Les terrains seront prochainement impraticables et les meilleurs footballeurs du pays s’affronteront, dès janvier, dans divers tournois en salle. A Bucarest, on fait ses comptes après la dernière journée du premier tour, qui s’est jouée le week-end passé. Le Steaua et le Dinamo ne sont aujourd’hui plus que des seconds couteaux. Deux autres équipes de cette ville, le Sportul et le National, jouent également les utilités. Loin devant tout le monde, on trouve les hommes de Mircea Rednic. Son Rapid bat des records: il possède dix points d’avance sur le deuxième, ainsi que la meilleure attaque et la meilleure défense.

A 40 ans, l’ancien Standardman affiche toujours la même classe et la même bonne humeur qu’à l’époque de son séjour au Standard, de 1991 à 1996. Il n’a laissé que de bons souvenirs chez nous. C’était un libero qui ne se prenait pas au sérieux alors qu’il avait débarqué dans notre pays avec une carte de visite kilométrique: quatre titres de champion et autant de victoires en Coupe de Roumanie avec le Dinamo. Après ses années à Sclessin, il a encore disputé une saison avec St-Trond, puis il est rentré à Bucarest pour une dernière ligne droite couronnée de succès, cette fois sous les couleurs du Rapid.

Rednic, qui a porté le maillot de l’équipe nationale à 85 reprises et détient le record de matches disputés en D1 pour un joueur roumain (536 en Roumanie, en Turquie et en Belgique), est bien parti pour connaître autant de grands moments en tant que coach. A Liège, on sait qu’il est capable de mener un noyau. Et on s’est souvenu de lui, il y a quelques semaines. Sera-t-il le successeur de Dominique D’Onofrio?

Mircea Rednic: Ah, le Standard…Mon club! Je sais que mon nom a été cité récemment dans la presse belge, qu’on a parlé d’un retour. Effectivement, la direction a contacté mon manager, Freddy Luyckx.

Envisagez-vous un retour prochain?

Je ne peux être sûr de rien pour le moment. Ici, on a paniqué quand on a appris que je risquais de retourner en Belgique. Le président du Rapid m’a signalé qu’il avait autrefois commis l’erreur de laisser partir Mircea Lucescu à l’Inter, en cours de saison, et qu’il ne voulait plus faire la même bêtise avec moi. Et pourtant, je peux aller au Standard si je le souhaite. Une clause de mon contrat précise que je peux quitter le Rapid à tout moment pour l’équipe nationale roumaine ou un club étranger. C’est ça qui fait peur à mon président. Dès qu’il a appris les rumeurs d’un intérêt du Standard, il m’a proposé de déchirer mon contrat de trois ans et d’en rédiger un nouveau dont j’aurais pu remplir moi-même toutes les cases! Quitter le Rapid maintenant me ferait mal. Je n’ai connu que des succès depuis que j’ai repris l’équipe, en cours de saison dernière. Le Rapid était alors dixième mais nous avons terminé à la troisième place et gagné la Coupe. Au début de cette saison, nous avons remporté la Supercoupe. Personne n’imaginait que, cette année, nous serions en tête à mi-parcours.

Je serais mal à l’aise si je quittais des joueurs qui croient en moi et avec lesquels j’ai une relation extrêmement forte. Les supporters s’inquiètent aussi: depuis qu’on parle de mon départ éventuel, ils déploient des banderoles pour moi lors de chaque match à domicile. Il y a peu de temps, j’ai reçu des offres de Turquie. On se souvient de moi là-bas car j’ai passé quelques mois à Bursaspor avant d’aller jouer au Standard. Mais ça ne m’intéresse pas de retourner dans le championnat turc. »Je dois monter sur le carrousel en Belgique »

Et au Standard?

Là, c’est vraiment différent. Je n’ai jamais coupé les ponts avec ce club. Jusqu’il y a trois semaines, ma femme et mes filles habitaient toujours dans notre maison de Neupré. Elles sont maintenant à Bucarest, mais rien ne dit qu’elles resteront longtemps ici parce qu’un premier essai avait échoué: mes filles n’avaient pas pu s’adapter à cette ville. Ce n’était pas un gros problème quand j’étais encore joueur, parce que je pouvais rentrer en Belgique deux ou trois fois par mois. Mais, depuis que je suis entraîneur, j’ai beaucoup moins de temps libre.

Vous rêvez toujours du Standard mais vos adieux à ce club avaient été plutôt tristes…

En partant, j’ai dit aux dirigeants: -Ne m’oubliez pas. Un jour, je reviendrai ici comme entraîneur. On ne voulait plus de moi. Je suis donc parti, mais c’est le Standard qui l’a regretté. Pas moi. On s’est vite rendu compte de l’importance de ma présence dans l’équipe. J’ai encore joué à un bon niveau jusqu’à 38 ans et, en trois saisons au Rapid, j’ai encore remporté des trophées. Nous avons été champions avec Lucescu en 98-99: le premier titre du Rapid depuis 30 ans. J’ai entendu des supporters hurler: -Maintenant, je peux mourir! Je me suis offert une seconde jeunesse avec cette équipe et je ne l’ai jamais regretté. Quand Lucescu est parti en Italie, les dirigeants du Rapid m’ont permis de faire mes débuts d’entraîneur. Ensuite, j’ai été adjoint de Bölöni en équipe nationale pendant six mois. Deux expériences fantastiques. Et, aujourd’hui, je me sens totalement épanoui dans ce job. Je suis prêt pour prendre en mains un club comme le Standard. C’est plus fort que moi: j’ai la conviction que j’appartiens aux Rouches. Je n’ai pas changé d’avis depuis mon départ: je suis sûr que j’entraînerai un jour le Standard. Et je suis conscient que, si je veux rentrer en Belgique, je ne dois pas attendre trop longtemps. Ce sont toujours les mêmes noms qui circulent et, quand on est écarté du carrousel pendant trop longtemps, on est oublié. « Les Standardmen qui se critiquent : c’est quoi, ça? »

Vous avez vu plusieurs matches du Standard en début de saison: comment analysez-vous ses problèmes?

Je n’ai jamais eu l’impression que l’équipe était homogène. Elle avait de gros problèmes, ça sautait aux yeux. Quand je jouais là-bas, il y avait aussi des clans, mais dès que le match commençait, tout le monde parlait le même langage: celui de la recherche de la victoire. Au début de cette saison, on n’a jamais eu cette impression. Et, ces joueurs qui se critiquaient mutuellement dans la presse, c’était absurde. De mon temps, on était toujours positif avec ses coéquipiers quand on s’exprimait en public. J’ai été surpris que Robert Waseige ne parvienne pas à former un vrai groupe alors que c’était son point fort. Il l’avait fait de façon remarquable quand je jouais là-bas, puis il a encore prouvé qu’il était capable de réunir tout le monde chez les Diables Rouges. Alors, pourquoi cela n’a-t-il pas marché cette saison? Waseige ne peut pas avoir perdu ses qualités en quelques mois. Il faut donc en conclure que le problème venait du groupe mis à sa disposition. Quand on a des ambitions, il est crucial de pouvoir faire penser tout le noyau dans le même sens. Ici, j’ai été critiqué parce que je n’avais pas demandé de grands noms pour renforcer l’équipe. Mais j’avais tiré les conclusions des expériences du passé: le Rapid avait fait venir des stars qui n’ont pensé qu’à l’argent et n’ont rien réussi de bon sur le terrain. Aujourd’hui, il n’y a plus de vedette chez nous. Seul Sabau a une certaine réputation. Son expérience et celle de Godfroid expliquent toute la réussite de notre entrejeu. Manu est un vrai renfort pour nous. Il fait merveille sur le flanc gauche dans mon 5-3-2.

Un échec au Standard ne risquerait-il pas de ruiner votre début de carrière réussi?

Je n’ai pas peur. Il n’y a pas longtemps que je suis dans ce métier, mais j’ai été à bonne école. En Roumanie, le job d’entraîneur n’est pas de tout repos. A mi-saison, il y en a déjà neuf qui ont sauté, alors que nous avons une D1 à 16 clubs! Il faut savoir s’y prendre avec les footballeurs de ce pays. Au Rapid, ça marche bien. Après chaque entraînement, presque tout le monde reste encore près d’une demi-heure sur le terrain. Et chaque joueur se sent concerné parce que je tiens à ce que tout le monde reçoive plus ou moins les mêmes primes. Les réservistes réguliers comme les titulaires indéboulonnables. Je suis toujours footballeur dans ma tête et je sais qu’il faut se sentir concerné pour donner le meilleur de soi-même lors de chaque entraînement. Si ça marche ici, ça doit aussi fonctionner avec le talent qu’il y a dans le noyau du Standard.

Pierre Danvoye, envoyé spécial à Bucarest

« Je peux quitter Bucarest à tout moment »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire