« Je rêve toujours d’Anderlecht »

Chez les Loups, il veut prouver qu’il est davantage qu’un footballeur spécial temporaire.

En principe, Ode Ochinabo Thompson aurait dû militer, pour l’heure, au FC Malinois. Son homme de confiance, Ton Poldner, était effectivement parvenu à un terrain d’entente avec le manager du Kavé, Luc Verheyen, pour une location du joueur anderlechtois, jusqu’à la fin de la saison par les Sang et Or. L’affaira capota toutefois, in extremis, suite au refus de l’entraîneur local, Stéphane Demol, de devoir composer avec un élément à propos duquel il n’avait pas même été consulté.

« Je ne connais pas les tenants et aboutissants de cette affaire », observe le principal intéressé. « Tout ce que je sais, c’est que j’avais demandé à la personne qui gère mes intérêts de me recaser dans un club où j’avais la perspective de jouer. Plusieurs d’entre eux avaient pris langue avec lui ces dernières semaines. Hormis les anciens champions d’Europe, il y avait là Westerlo, La Gantoise, Mons et La Louvière. Je ne suis donc pas totalement surpris d’avoir abouti chez les Loups, même si j’ai appris cette nouvelle par la bande, en consultant le télétexte le mardi 3 septembre de grand matin. Ce n’était pas anormal, dans la mesure où le dossier avait été finalisé la veille, sur le tard, et que personne n’avait tenu à me priver de mon sommeil pour me communiquer l’information à ce moment-là ».

Depuis son transfert au RSCA, où il est toujours lié contractuellement jusqu’en 2005, c’est la deuxième fois que l’attaquant nigérian est cédé sur base locative. La saison passée, au coeur de l’hiver, il avait rejoint le Kuipje en compagnie d’un autre footballeur dont Aimé Anthuenis ne s’était guère servi au Parc Astrid: Yasin Karaca. A choisir, Ode Ochinabo Thompson n’aurait-il pas préféré reprendre le chemin de la cuvette campinoise?

« Cette perspective ne m’aurait franchement pas déplu car j’avais encore une dette de reconnaissance envers les Jaune et Bleu », dit-il. « En réalité, ce n’est qu’au cours de mes ultimes prestations là-bas que j’avais vraiment répondu à l’attente, en inscrivant notamment trois buts. Auparavant, je ne m’étais pas montré souvent sous mon meilleur jour. Au cours des premières semaines, il m’avait fallu résorber un important retard au plan conditionnel. Non pas que je manquais de souffle mais l’explosivité et la hargne faisaient tout simplement défaut chez moi. Mais quoi de plus logique, dans la mesure où je m’étais le plus souvent entraîné, au cours des mois précédents, avec la jeune classe du Sporting. Et il va de soi qu’en matière de rythme et de robustesse, le décalage était important par rapport au noyau de Première. Dans ces conditions, j’ai eu besoin de pas mal de temps avant de pouvoir donner le meilleur de moi-même. A l’heure des bilans, l’appréciation était, de ce fait, mitigée. Je reste cependant convaincu que si j’avais pu commencer immédiatement la saison chez les Limbourgeois, au lieu de prendre le train en marche à la trêve, je me serais signalé chez eux d’une tout autre manière. Et il me tarde de le prouver, à présent, chez les Loups ».

Westerlo, la délivrance

Avec Aimé Anthuenis, le forward à la peau d’ébène n’avait eu que peu ou prou l’occasion de s’illustrer. Un constat d’autant plus étonnant qu’il faisait figure de priorité pour le mentor lokerenois, tombé définitivement sous son charme lors d’un match contre le RC Harelbeke à la faveur duquel Ode Ochinabo Thompson avait singulièrement malmené l’arrière-garde anderlechtoise. Avec deux réalisations de sa part à la clé.

« Je ne comprends toujours pas ce qui a bien pu pousser Aimé Anthuenis à me snober comme il l’a fait », souligne-t-il. « Tout le monde a eu sa chance avec lui, à l’attaque, sauf moi. Une titularisation contre Charleroi et des bribes de matches contre Genk, Bruges, Alost, le Standard, Lommel et La Gantoise. C’était réellement peu en regard du crédit dont auront joui certains coéquipiers. Au début, pourtant, il m’avait manifestement à la bonne, ne cessant de me dire qu’il voyait en moi le digne successeur de Daniel Amokachi. A l’époque, j’étais aux anges, bien sûr. Mais plus les semaines passaient et moins j’avais des raisons de me réjouir. Mon seul bonheur, en définitive, ce furent mes montées au jeu en Ligue des Champions contre l’AS Rome et, à deux reprises, face au Real Madrid. Mais vous avouerez quand même aussi qu’il n’est pas logique de trouver grâce aux yeux de l’entraîneur pour des matches de ce calibre et d’être tenu à l’écart devant des adversaires moins prestigieux. Je suis monté sur la pelouse à la 89e minute, à l’Eendracht, au moment où la marque était de 1-5 depuis au moins une demi-heure déjà. Dans ces circonstances, n’aurait-il pas été plus indiqué de m’accorder une chance plus tôt?Mais la pire humiliation, pour moi, ce fut notre match à domicile contre La Gantoise. J’étais motivé comme nul autre à l’idée de rencontrer mes anciens partenaires et, à l’occasion du match des Réserves, la veille, j’avais fait flèche de tout bois. En guise de remerciement, j’ai eu droit à 15 minutes de présence le lendemain, à 2-0, quand la rencontre était pliée. A ce moment-là, j’ai mesuré clairement que je n’avais plus grand-chose à espérer au RSCA. C’est pourquoi Westerlo s’est assimilé à une délivrance pour moi ».

Seol, l’exemple

Suite au départ d’Aimé Anthuenis, Ode Ochinabo Thompson espérait secrètement pouvoir rebondir au Parc Astrid, cette saison, sous la houlette du nouveau coach, Hugo Broos. Mais la métamorphose de Ki-Yeon Seol et le retour au premier plan de Gilles De Bilde le reléguèrent une nouvelle fois sur une voie de garage. Du coup, il n’avait d’autre solution que d’aller voir temporairement ailleurs.

« Je veux m’inspirer de l’exemple du Coréen », affirme-t-il. « L’année passée, il n’avait pas été logé à meilleure enseigne que moi. Au cours de l’interruption hivernale, il lui fut d’ailleurs loisible de tenter l’aventure sous d’autres cieux, lui aussi. Finalement, il est resté au Sporting et a profité de la vague porteuse que fut la Coupe du Monde pour revenir transcendé au club et faire figure d’incontournable. au sein du onze de base aujourd’hui. J’en suis au même point que lui, à présent, à cette nuance près que je compte sur une formation de club (La Louvière en l’occurrence) en lieu et place de l’équipe nationale pour me remettre complètement en selle et faire mon trou, moi aussi, à Anderlecht. Car je n’ai nullement perdu l’espoir de m’y illustrer un jour comme leader d’attaque. Malgré mes avatars, la saison passée, je continue à aimer ce club par-dessus tout. Et je rêve de marcher sur les traces de mes compatriotes qui se sont illustrés sous ses couleurs dans le passé: Stephen Keshi et Celestine Babayaro. S’ils sont parvenus à se faire une place au soleil au Stade Constant Vanden Stock, je dois être en mesure de le faire aussi. Entre le club bruxellois et moi, le cordon ombilical n’est nullement rompu en tout cas. Et cette remarque vaut aussi pour les joueurs: je continue à être bon pote avec ceux que j’ai appris à connaître la saison passée et avec qui des liens étroits se sont liés: Tarek El Saïd, Gilles De Bilde et Glen De Boeck notamment ».

Aleksandar Ilic, son voisin de palier dans l’immeuble où il réside à Anderlecht, constitue une autre attache encore avec le RSCA. La saison passée, le défenseur yougoslave, titulaire à ce moment dans l’équipe de base, franchissait régulièrement le pas de sa porte afin de l’encourager. A présent, c’est Ode Ochinabo Thompson lui-même qui lui renvoie la balle en n’ayant de cesse de le motiver.

« La vérité d’un jour est rarement celle du lendemain », note, philosophe, le joueur. « Tout peut aller décidément très vite dans un sens comme dans l’autre. L’année dernière, tout souriait à Alex et à Bertrand Crasson alors que Ki-Yeon Seol et moi étions dans le 36e dessous. A présent, les rôles sont inversés: le Coréen pète des flammes et j’ai moi-même l’opportunité de retrouver toutes mes sensations à La Louvière. Cette chance-là, je veux la saisir à pleines mains. Et je me fais fort d’y parvenir. J’ai beau avoir débarqué tout juste au Tivoli, je m’y sens déjà parfaitement à l’aise. La présence de mes compatriotes Manasseh Ishiaku et Peter Odemwingie constitue évidemment un plus. Mais la chaleur humaine des autres n’est pas un vain mot non plus. Après une journée là-bas, Yannick Vervalle et Alan Haydock me proposaient déjà de faire le déplacement vers le Tivoli avec eux, au départ de Bruxelles. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Au club aussi, tout est mis en oeuvre pour que je n’aie à songer qu’au seul football. Je n’aurais dès lors pas pu tomber mieux ».

Douze buts, l’objectif

Avec La Louvière, Ode Ochinabo Thompson entend prouver une fois pour toutes qu’il mérite bien plus que la statut de joueur itinérant qui lui a toujours collé à la peau jusqu’ici. Car avant d’être cédé à La Louvière et Westerlo, il avait déjà transité six mois aussi au Standaard Wetteren, à l’époque de ses débuts en Belgique, à La Gantoise.

« Ces expériences m’ont endurci », certifie-t-il. « Je me souviens qu’un jour, j’avais voulu tout plaquer, chez les Buffalos, parce que l’entraîneur Trond Sollied m’avait retiré du jeu quelques minutes à peine après que je sois monté sur la pelouse. Pour moi, c’était la honte à ce moment-là. L’âge aidant, je me suis rendu compte que de tels faits divers fâcheux pouvaient arriver à n’importe qui. Même Alin Stoica en a fait l’expérience avec Aimé Anthuenis, contre La Gantoise précisément. Si pareille mésaventure arrive à un joueur de ce calibre, pour quelles raisons devrais-je me plaindre? Je fais beaucoup mieux la part des choses à présent et c’est un bon point. Mon objectif, désormais, c’est de me stabiliser. Je n’ai plus envie d’être loué d’année en année, comme cela s’est déjà vérifié à trois reprises. C’est pourquoi les prochains mois à La Louvière seront très importants. Je désire y prouver que j’ai l’étoffe nécessaire pour briller au plus haut niveau. Une place dans la première moitié du tableau et une douzaine de buts, ce sont en tout cas mes ambitions cette saison. Avant un retour au RSCA où je n’ai pas encore dit mon dernier mot »!

Bruno Govers

« J’ai appris mon passage à La Louvière sur le télétexte »

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