» JE RÊVE DE FAIRE PARTIE DU CLUB DES 100 « 

Revenu au bercail en 2013 après l’épisode John Van den Brom, le défenseur hongrois Roland Juhasz a repris le goût du jeu à Videoton. Ainsi qu’avec son équipe nationale, qui va vivre un moment historique en participant à l’EURO 30 ans après son dernier grand tournoi.

L’ancien défenseur axial d’Anderlecht, qui fêtera ses 33 ans en cours de tournoi, en est à son premier grand rendez-vous international avec la sélection hongroise. Avec 91 caps à son actif, l’actuel sociétaire de Videoton espère profiter de l’événement pour se rapprocher de la barre mythique des 100 et du record de son pays, qui se situe à 101.

Avant l’EURO, nous avons eu l’occasion de tailler une longue bavette avec lui. Une discussion où il fut non seulement question des Magyars, de retour sur la grande scène continentale après une longue éclipse, mais aussi de la Belgique et d’Anderlecht, où cet arrière, réputé notamment pour son brillant jeu de tête, a passé huit ans de sa vie.

Dites-nous Roland, elle est toujours aussi performante, cette tête ?

ROLAND JUHASZ : (Rires) C’est toujours ma spécialité sur les corners, effectivement. À chaque fois, c’est un sentiment spécial de marquer. Il me faut 2-3 goals minimum par saison, mais je ne suis satisfait que quand j’atteins les 4-5.

Comment expliquez-vous cette force de la tête ? Ça a toujours été comme ça ?

JUHASZ : Quand j’étais jeune, je n’avais déjà pas peur de mettre ma tête. Comme j’étais grand, j’ai assez vite compris qu’il fallait que je me serve de cette taille pour prendre un avantage sur les autres. Je savais qu’en me servant de ma tête, je deviendrais meilleur. Bien sûr, j’ai été blessé à de nombreuses reprises et si je me rasais le crâne, vous pourriez voir plein de cicatrices ! Mais bon, c’est comme ça…

Les blagues de Jonathan Legear ne vous manquent pas trop ?

JUHASZ : Le plus marrant, c’était plutôt Wasyl ! D’ailleurs je suis très heureux qu’il soit devenu champion avec Leicester. Notre vestiaire était vraiment comique : Jonathan, Wasyl, Guillaume Gillet…

Vous n’étiez pas trop victime des blagues de Wasyl ?

JUHASZ : La plupart du temps, je les faisais avec lui ! Parfois, les gars de l’Est se retrouvent dans leur humour : quand on voit la possibilité de faire une blague, on pense directement à la même ! Je me souviens de deux farces bien précises : la première quand on a placé la Smart de Jonathan dans les ordures et puis quand on a caché celle de Reynaldo – il aimait trop rigoler avec nous – qui s’est retrouvé tout perdu sur le parking du Westland Shopping.

Vous suivez toujours Anderlecht. Quel est son problème par les temps qui courent ?

JUHASZ : Anderlecht joue tout le temps sous pression. On n’hésite pas à trouver du négatif dès qu’on le peut… C’est vraiment différent pour le Standard ou Bruges, avec qui on est plus indulgent. Les Flandriens ont pu attendre 11 ans avant d’empocher un titre, à Anderlecht ce n’est pas possible. Le Sporting reste sur une saison plutôt mièvre. Pourtant, si ses joueurs avaient été à la hauteur face à des sans-grade, ils auraient pu remporter un nouveau sacre, malgré tout. Ils ont finalement échoué sur le fil, ce n’est pas comme s’ils avaient fait une saison horrible en terminant sixièmes. A présent, il va y avoir du changement : un nouveau coach, des nouveaux joueurs… Sans compter que la politique des jeunes du club est vraiment bonne : de nombreux talents sont en train d’émerger.

 » VAN DEN BROM N’A JAMAIS ÉTÉ CORRECT AVEC MOI  »

Vous vous souvenez du contexte qui a précédé votre premier match avec Anderlecht, alors que vous étiez en équipe nationale ?

JUHASZ : Oui oui : Zlatan m’avait envoyé un coup de pied dans la figure ! Le docteur ne voulait plus me laisser monter sur la pelouse en deuxième période à cause de mes bleus… C’est le football moderne : tu dois te donner à fond sur chaque duel et des trucs comme ça peuvent arriver. Ibra ne s’est pas excusé, il n’est pas comme ça : il s’en fout des autres (rires).

Cheikhou Kouyaté disait que c’est vous qui lui avez appris à être un vrai guerrier, notamment en lui gueulant dessus quand il fallait. Quel contraste avec votre comportement hors terrain…

JUHASZ : Sur le terrain, c’est toujours différent (rires) ! Personne n’a d’amis sur la pelouse : si tu es un vrai combattant, tu dois tout donner et ne faire aucune gentillesse. Et puis j’ai toujours joué dans des équipes qui se battaient pour le titre donc je déteste perdre !

Vous avez toujours semblé avoir une bonne relation avec les fans d’Anderlecht. Pourquoi ?

JUHASZ : Parce que je n’ai jamais eu d’histoires extra-sportives ! Et puis le premier match est toujours extrêmement important (il avait fait une bonne prestation à Chelsea en Ligue des Champions, Ndlr) parce que tous les supporters vont en reparler par la suite. Je n’ai peut-être jamais fait de choses extraordinaires pour le club, mais je me suis toujours donné à fond à chaque match, que ce soit en amical ou même à l’entraînement.

Malgré votre bonne relation avec les fans, vous n’avez pu leur faire vos adieux qu’un an après votre départ…

JUHASZ : Tant que John (Van den Brom, Ndlr) était là, je ne voulais pas revenir ! Il n’a jamais été correct avec moi en face-à-face. Quand quelqu’un vient près de toi pour te dire « Voilà pourquoi tu ne joues pas… », tu peux comprendre. Mais il ne l’a jamais fait.

Que faisait-il quand vous vouliez parler avec lui ?

JUHASZ : Il n’a jamais voulu parler… Mais je pense qu’il faisait ça aussi avec Wasyl. Quand tu ne reçois aucune réponse pour savoir ce que tu dois changer alors que tu penses tout faire pour intégrer l’équipe, c’est difficile. Mais c’est le passé et ce n’est pas lui qui va me faire oublier mes beaux souvenirs à Anderlecht.

 » J’ADORE BRUXELLES MAIS JE RESTE UN VRAI HONGROIS  »

Après huit années passées en Belgique, qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans notre culture ?

JUHASZ : D’abord le club, parce que j’y ai rencontré beaucoup de chouettes personnes et que j’y ai vécu de très grands moments. À côté de ça, j’ai adoré les frites (bien sûr) et la ville de Bruxelles : à la fin, je vivais Avenue Louise, j’aimais beaucoup cette artère. Mais je suis un vrai Hongrois, je ne pense pas que je reviendrai vivre en Belgique.

Comment avez-vous vécu le lynchage médiatique de Bruxelles et de Molenbeek depuis quelques mois alors que vous connaissez bien la capitale ?

JUHASZ : Je disais à mes amis que tout ce qui était dit dans les médias n’était pas juste. Bruxelles possède beaucoup de beaux coins où il est agréable de se promener et puis toutes les villes ont un quartier plus noir.

Vous dites êtes un vrai Hongrois, qu’est-ce que cela signifie ?

JUHASZ : À Bruxelles, les gens sont plus calmes. Budapest est une ville très agréable avec un bon niveau de vie, une des plus belles du monde. Mais peut-être dis-je ça parce que c’est ma ville et que je suis Hongrois. Je reste très attaché à mes racines.

Comment compose-t-on, en Hongrie, avec l’EURO ?

JUHASZ : Les gens sont très satisfaits. Il y a quelques années, l’équipe nationale était morte et là, on se retrouve dans un tournoi majeur ! La préparation s’est bien passée, donc on peut aborder l’événement avec confiance. Rayon joueurs, du moins, car au pays tout le monde est excité, l’atmosphère est bouillante, on ne parle que de ça ! Surtout que les résultats de nos clubs les plus représentatifs ne sont pas bons depuis longtemps… Les générations qui nous suivent vont pouvoir se baser sur le travail qu’on a fait pour avancer. Le développement du foot hongrois se fait petit à petit.

Votre président, Viktor Orban, est un fan de foot, mais en Europe, on ne parle pas beaucoup de lui pour ça. C’est un sujet que vous évoquez entre joueurs ?

JUHASZ : On sait qu’il aime le football et le sport en général, ce qui est très bien pour nous. Il a d’ailleurs fait pas mal pour le développement des stades et autres infrastructures des clubs, ce qui est nécessaire pour faire avancer le sport dans un pays. Les résultats suivront…

 » LA HONGRIE FORME UN BLOC COMPACT  »

Parlez-vous du reste de la politique de Viktor Orban ?

JUHASZ : Non, pas vraiment, ce n’est pas notre job. Evidemment, on suit ce qui se passe, mais on ne cherche pas trop à en parler.

Pensez-vous que la Hongrie aurait atteint la compétition si « facilement » sans la formule à 24 équipes ?

JUHASZ : Evidemment, c’est plus envisageable d’atteindre l’EURO désormais, mais avant de nous affronter, la Norvège pensait que ça serait facile pour elle de nous éliminer. Nous les avons battus… facilement, mais malgré tout je ne pense pas qu’on puisse parler de chose « facile » quand on évoque le fait d’atteindre la phase finale de la compétition.

Quelles sont les forces de votre équipe ?

JUHASZ : Ce n’est pas évident de mettre un système en place en équipe nationale vu que les joueurs ne se croisent pas souvent, il faut donc profiter du peu de temps qu’on a ensemble pour se préparer. Nous formons un groupe assez compact et défensif qui a déjà fonctionné pendant les qualifications, et puis on a eu un stage d’un mois pour régler les automatismes… la surprise est possible !

Vous êtes déjà sûrs de battre un record : celui du joueur le plus âgé avec Gabor Kiraly, votre gardien plutôt particulier…

JUHASZ : Gabor est très important pour l’effectif par sa mentalité et son professionnalisme. Être si compétitif et fanatique à 40 ans, c’est vraiment terrible : c’est une légende au pays. Mais on rigole toujours de ses pantalons ! (Kiraly ne porte que des joggings en coton, ndlr).

Quel sera votre rôle dans l’équipe en tant que joueur expérimenté qui n’a malgré tout jamais disputé de grandes compétitions européennes avec son pays ?

JUHASZ : La compétition, le fait de jouer devant 60 000 personnes, ça sera nouveau pour tout le monde… Cela va nous donner des sentiments positifs, surtout que les supporters hongrois seront là, et j’espère que notre collectif prendra du plaisir sur et en dehors de la pelouse. Personnellement, je n’ai pas encore parlé avec le coach de ma situation… Je suis déjà bien content d’être dans les 23. Maintenant, il y a toujours ce record international qui n’est pas loin (Roland affiche 91 sélections alors que le record est à 101, ndlr). J’aimerais beaucoup atteindre les 100, c’est mon rêve. Mais je ne sais pas si c’est envisageable : d’abord l’EURO, puis on verra si je reste dans l’équipe ou pas.

 » JE M’INVESTIS EN FAVEUR DES DÉFAVORISÉS  »

Vous pensez déjà à votre après-carrière ?

JUHASZ : Oui, absolument ! J’étudie à l’université pour devenir manager sportif, mais j’ai encore deux ans de contrat à Videoton où je travaillerai peut-être dans le staff une fois retraité. Je suis aussi impliqué dans les organismes de bienfaisance : c’est une partie importante de ma vie d’aider les gens dans le besoin. Je me concentre surtout sur mes compatriotes en soutenant des hôpitaux pour enfants, mais il n’est pas difficile de trouver quelqu’un qui oeuvre pour le bien d’autrui. Il y a beaucoup à faire.

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTO BELGAIMAGE

 » Lors des qualifications, la Norvège pensait qu’elle ne ferait qu’une bouchée de nous. Voilà nos adversaires prévenus.  » – ROLAND JUHASZ

 » Mes problèmes avec John van den Brom n’altéreront jamais mes 8 magnifiques saisons passées à Anderlecht  » – ROLAND JUHASZ

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