« Je resignerais pour dix ans »

Un garçon sérieux qui ne se prend pas au sérieux : voilà à quoi ressemble le successeur de Steve Dugardein à Mouscron.

Durant l’entre-saison, le joueur le plus emblématique de l’Excelsior Mouscron a quitté le Canonnier : Steve Dugardein, qui s’était affilié à l’âge de six ans et s’était simplement autorisé une saison de stage à Caen, a choisi de terminer sa belle carrière à Louvain, en D2. Un nouveau capitaine devait donc être désigné et le choix s’est porté sur Gonzague Vandooren.

Surpris d’avoir hérité du brassard, six mois seulement après votre retour au bercail ?

Gonzague Vandooren : Franchement, cette perspective n’a jamais hanté mon esprit. Ce n’était pas mon objectif en revenant à Mouscron, en janvier. Je voulais d’abord me rapprocher de ma famille, et sportivement, aider l’Excel à redresser la barre à une période où l’équipe éprouvait quelques difficultés. De ce point de vue, l’objectif a été atteint. Aujourd’hui, il conviendra de continuer sur cette lancée. Je pense que Mouscron en a les capacités.

Il n’empêche : en héritant du brassard, vous succédez à un monument !

Ah oui, on peut le dire…

Il est lourd, le brassard de Steve ?

Non, pas du tout. Il me confère simplement une responsabilité supplémentaire, puisque je suis censé officier comme relais entre les joueurs, le staff et la direction.

A-t-on choisi le joueur le plus sérieux ?

Sérieux, moi ? Il ne m’appartient pas de le dire. Je pense que je connais bien la maison, c’est sans doute un avantage.

Le joueur le plus expérimenté ? Vous avez fréquenté deux grands clubs, ce dont peu de vos équipiers peuvent se targuer…

Deux grands clubs, vous êtes sûr ? ( ilrit) Oui, c’est clair que mes passages au Standard et à Genk m’ont beaucoup apporté. Je m’apprête également à disputer ma 12e saison en D1, ce n’est pas rien. Je suis flatté d’avoir été désigné capitaine. Ce brassard est très valorisant, très fun, très tout ce que vous voulez, mais il ne va pas faire de moi un autre homme.

Vous sentez-vous une vocation de leader ?

C’est quoi, un leader ? Je devrai veiller à ce que tout se passe bien : à l’entraînement, durant les matches, dans le vestiaire. Je pense avoir toujours montré la voie à suivre au niveau de l’engagement. J’ai toujours ouvert ma bouche sur le terrain également, il n’y aura rien de nouveau pour moi sur ce plan. Je ne vais pas jouer au petit chef, j’espère que toute l’équipe fera preuve de maturité sans qu’il faille serrer la vis.

Qu’est-ce qui vous énerve et serait susceptible de vous faire sortir de vos gonds ?

La nonchalance. Quelqu’un qui ne se donnerait pas à fond. Après, quand on a fait son boulot, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on se relâche un peu. Cela peut même être bénéfique pour l’ambiance. Simplement, il y a un temps pour rire et un temps pour travailler. Pour l’instant, je n’ai heureusement pas constaté trop d’écarts de conduite. Et l’ambiance est très bonne également.

 » Une 7e, 8e ou 9e place constituerait un objectif réaliste « 

Comment envisagez-vous cette saison ?

Ce sera une saison un peu particulière, avec quatre descendants. On garde, quoi qu’on en dise, cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, mais je pense que nous ne sommes pas les seuls dans le cas. Aucune équipe, à l’exception peut-être des quatre ou cinq grands, n’est à l’abri d’une mésaventure. Il suffit d’une période de malchance, d’un grain de sable qui se glisse dans la mécanique, et l’on risque de s’enfoncer dans une spirale négative dont il est souvent difficile de s’extraire. Un accident est vite arrivé, j’espère que tout le monde en est conscient. Une glissade en D2, et vogue la galère ! Pour cette raison, ce championnat sera sans doute très engagé ; on en a déjà eu un petit aperçu lors du match d’ouverture à Tubize. D’un autre côté, si tout se passe bien, la colonne de gauche me semble abordable. Notre début de calendrier n’est pas trop compliqué, à condition de bien le négocier. Un bon de départ est souvent synonyme de saison réussie, qu’on se le dise.

Une saison réussie, ce serait la dernière place de la colonne de gauche plutôt que la première place de la colonne de droite ?

( ilrit) C’est une façon de voir les choses, mais je pense effectivement qu’une 7e, 8e ou 9e place constituerait un objectif réaliste. Viser le Top 5, comme on le faisait régulièrement lors de mes débuts à Mouscron il y a dix ans, me semble un peu trop haut. Certaines équipes du subtop ont progressé. Je pense à La Gantoise, au Germinal Beerschot, voire à Charleroi dans une moindre mesure. Si l’on y ajoute les quatre grands traditionnels que sont Anderlecht, le Standard, Bruges et Genk, cela fait déjà du monde dans la colonne de gauche. Par contre, j’ai l’impression que les équipes du bas de classement sont moins fortes qu’il y a dix ans.

Pour Mouscron, la saison a débuté sur un coup de tonnerre, avec la démission du président Philippe Dufermont. Comment l’avez-vous ressentie ?

Très sereinement. C’est un homme d’affaires qui n’a pas que le foot dans sa vie, loin de là. Je comprends qu’il ait voulu s’accorder un peu de recul. Sur le coup, sa décision nous a un peu secoués, mais après réflexion, je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter. Il n’est pas tout à fait parti, puisqu’il était déjà présent au match à Tubize. En fait, cela me rappelle un peu ce que j’avais vécu à Genk, lors de la démission de Jos Vaessen. Lui aussi est parti… sans réellement s’en aller. Il n’a plus le titre officiel de président, mais il continue à être très influent dans l’ombre. Je pense qu’il en ira de même avec Philippe Dufermont.

Sur le plan sportif, la préparation a été, paraît-il, assez corsée…

Il y eut, effectivement, une période durant laquelle on a beaucoup travaillé l’aspect physique, pour diminuer l’intensité dans les 15 derniers jours et travailler davantage l’aspect tactique. Mais on a eu très peu de blessés, c’est la preuve que tout a été bien géré. Je suis heureux, aussi, d’avoir affronté des adversaires intéressants : Heerenveen, Valladolid, Lille, Reims… C’est plus motivant que d’affronter des équipes de D3, de Promotion ou de Provinciale, même s’il faut débuter par là pour se mettre en jambes. Jadis, à Mouscron, la saison commençait systématiquement à Coxyde. C’était sympa, mais à un moment donné, il faut passer à la vitesse supérieure. Je me souviens qu’avec le Standard, après quelques amuse-gueule, j’avais affronté des équipes comme la Juventus ou Fenerbahçe en préparation. Dans ces conditions-là, on parvient toujours à se surpasser, même lorsqu’on est fatigué par une séance d’entraînement éprouvante. Certains ont pointé le doigt sur le programme un peu trop léger d’Anderlecht, après leur élimination par BATE Borisov. Je ne peux pas leur donner tort : je suis persuadé que cela a joué.

A-t-on réellement chassé les vieux démons ?

Par rapport à la saison dernière, qu’y a-t-il de changé à Mouscron ?

Il y a eu l’une ou l’autre arrivée intéressante, mais le maître-mot est la stabilité. Je constate que le Standard est devenu très performant à partir du moment où il n’a plus modifié son effectif de fond en comble à chaque mercato. J’espère qu’il en ira de même à l’Excel.

La défense semble bien en place…

A l’exception de Chemcedine El Araichi à droite, c’est la même que la saison dernière. Une bonne défense, cela aide : tout part de là. Après, on peut construire le reste sur des fondations solides. Mais les autres secteurs me semblent solides également. Je trouve que l’on possède un bon mix entre jeunesse et expérience, fougue et technique. C’est de bon augure.

Dans les matches de préparation, on a toutefois constaté un manque d’efficacité en attaque. Le départ de Bertin Tomou a-t-il été compensé ?

J’ai été un peu surpris par son départ. Avec le style qui est le sien, il aurait certainement pu être utile : il va au charbon, est capable de conserver le ballon devant. Je pense qu’on aurait pu le garder, mais il ne m’appartient pas de juger une décision de la direction ou de l’entraîneur. Les autres attaquants devront prendre le relais. Pour un avant, la confiance est très importante, et le fait que Jaycee Okwunwanne ait trouvé le chemin des filets dès son premier match est une bonne chose.

Vous avez davantage de taille dans l’équipe : important pour les phases arrêtées, qui étaient votre point faible ?

A-t-on réellement plus de taille ? Christophe Lepoint est plus grand que Steve Dugardein, certes, mais Jaycee est plus petit que Tomou. Derrière, Jérémy Sapina était déjà là. Moi aussi.

Votre présence n’est pas passée inaperçue : un but et un assist dès le match d’ouverture à Tubize…

Je n’en tire aucune vanité. J’étais à la bonne place, au bon moment, c’est tout.

A chaque fois, c’était une phase arrêtée…

Exact. Mais le but qu’on a encaissé résultait aussi d’une phase arrêtée, tout comme celui qu’on a failli encaisser. A-t-on réellement chassé les vieux démons ? J’attendrai avant de me prononcer. La saison dernière, on s’est souvent laissé piéger par ces phases arrêtées, mais c’était davantage une question de concentration que de taille. Or, je constate qu’à Tubize, on s’est aussi relâché après le 0-2. On avait beaucoup insisté sur ce point pendant la préparation. Durant les matches amicaux, on n’avait encaissé aucun but sur phase arrêtée. Et dès le premier match de championnat, on a failli en prendre deux de cette manière.

Mais vous en avez aussi inscrit deux de cette manière. Chaque fois, selon le même schéma : coup franc de Walter Baseggio vers la tête de Vandooren, qui prolonge dans le but ou dans la foulée de l’attaquant de pointe. Sans révéler des secrets aux futurs adversaires, c’était travaillé à l’entraînement ?

Vous pensez que les futurs adversaires ont attendu le Sport/Foot Magazine pour s’en apercevoir ? Bien sûr, que c’était travaillé à l’entraînement… comme d’autres variantes, d’ailleurs.

 » L’arrière gauche ? Un peu à contrec£ur « 

Qu’attendez-vous de cette saison sur un plan personnel ?

M’éclater, prendre du plaisir, comme je l’ai toujours fait. Je ne suis pas revenu à Mouscron pour l’argent, loin de là. J’aurais pu, la saison dernière, signer ailleurs un contrat similaire à celui qui était le mien à Genk. Mais, me rapprocher de la famille, voir tous les jours mon épouse avec les enfants, voir les grands-parents : cela n’a pas de prix. Je ne dis pas qu’en cas d’offre faramineuse, je ne repartirai pas un jour, mais aujourd’hui, si l’on me proposait de resigner pour dix ans, je le ferais.

Vous ne visez pas le classement des buteurs ?

( ilrit) C’est une blague, ou quoi ? Je le répète : mon but à Tubize, c’était un accident. Ma principale tâche est d’ordre défensif.

Vous avez pourtant commencé votre carrière comme attaquant. L’instinct du buteur semble toujours présent.

Ai-je réellement eu, un jour, l’instinct du buteur ? Lorsque j’étais attaquant, je courais beaucoup, je fatiguais la défense adverse, je créais de l’espace pour… l’autre attaquant, que ce soit Zoran Ban à Mouscron ou Ole-Martin Aarst au Standard. Mais je marquais peu.

Aujourd’hui, vous avez trouvé votre voie comme arrière gauche… où vous courez toujours autant tout en marquant plus !

C’est un peu à contrec£ur que je me suis retrouvé à l’arrière gauche. C’est moins gai de jouer là. Comme attaquant, c’était le défenseur adverse qui me courait derrière. Maintenant, c’est moi qui dois courir derrière l’avant adverse. Je préfère qu’on me coure derrière. Mais, d’un autre côté, j’ai désormais une place fixe et ce n’est sans doute pas plus mal. Il fut un temps où j’étais baladé d’avant en arrière, en fonction des circonstances.

Vous avez intégré l’équipe Première de Mouscron au moment où l’on créait le Futurosport. Aujourd’hui, l’Excel semble vouloir faciliter le passage des jeunes vers l’équipe Première. En tant que capitaine, avez-vous également un rôle à jouer pour les guider ?

Sans doute, oui. Lorsque j’ai débuté en équipe Première, je me souviens que j’écoutais les conseils de joueurs expérimentés comme Marco Casto. Aujourd’hui, des jeunes comme Guillaume François, N’Goy Yakassongo et Morgan Lefebvre ont intégré le noyau A. J’essaierai de les aider du mieux que je peux. Mais, s’ils veulent réussir, ce sera surtout à eux de faire l’effort.

A ce propos, comprenez-vous la décision de Jérémy Huyghebaert de rejoindre Auxerre parce qu’il était barré à Mouscron par un certain… Vandooren ?

Je pense que, si j’avais reçu une proposition d’Auxerre, j’aurais sauté sur l’occasion également. Maintenant, on dit toujours que lorsqu’un jeune reçoit une chance en équipe Première, il doit la saisir. Jérémy l’a-t-il saisie à Mouscron ? C’est une question, pas une affirmation. Je ne l’ai côtoyé que six mois : trop peu pour me faire une opinion à son sujet.

Autre chose à ajouter ?

Non. L’interview est terminée ? Je vais continuer ma partie de poker, alors. Eh oui, c’est devenu le jeu à la mode pour les footballeurs. A Mouscron aussi. On est huit à jouer. On ne joue pas pour des grosses sommes, mais il faut un peu d’adrénaline quand même. Si je me débrouille ? Oui, ça peut aller. Je ne suis pas un loser. J’espère qu’il en ira de même au football cette saison. ( ilrit)

par daniel devos

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