Je préfère passer pour un doux rêveur que pour un défaitiste ou quelqu’ un de vite satisfait.

Le président de Charleroi répond aux questions d’anciens joueurs et entraîneurs des Zèbres.

Marco Casto (joueur 1990-97) :

Abbas Bayat : Non. Si on analyse la psychologie humaine dans n’importe quel métier, on voit que la pression conduit à extirper le meilleur de vous, si vous possédez les qualités nécessaires. Si vous ne disposez pas de ces atouts, vous ne saurez, évidemment pas, en supporter le poids. Je dois donc convaincre les joueurs qu’ils sont capables de gagner.

Six mois plus tard, pensez-vous que vos joueurs ne sont pas capables de supporter la pression ?

C’est peut-être le cas. Les gagnants sont ceux qui savent vivre avec cette pression. J’ai mieux découvert les joueurs. Je sais qui ils sont et l’année prochaine, on verra quelques changements. Je veux démontrer que l’aspect technique, c’est bien mais qu’il ne faut surtout pas négliger l’aspect mental et émotionnel.

Le groupe n’est-il pas assez fort mentalement ?

Non. Mais on a connu un creux au plus mauvais moment. Après avoir perdu quelques points, l’objectif s’éloignait et la pression devenait de plus en plus forte sur des joueurs qui doivent aussi se sentir libérés pour s’exprimer. Et c’est à peu près à ce moment-là que j’ai arrêté de parler de ces choses-là et de mettre la pression. Au contraire, j’ai passé beaucoup de temps à les encourager.

Pär Zetterberg (joueur 1991-93) :

 » Quel est votre objectif pour les cinq prochaines années ? Le top3 ou le top 5 ? »

Quand on voit que Charleroi est la plus grande ville de Wallonie et qu’elle fait partie des cinq plus grandes villes de Belgique, le club doit se situer normalement dans le top 5. On le voit avec Anderlecht, Standard, Gand. Aujourd’hui, même le Germinal Beerschot respecte cette donne. Seul Bruges est une exception à cette règle. De plus, je veux vraiment croire qu’on peut devenir champion dans les cinq ans et on va tout faire pour y parvenir. On ne peut pas garantir que cela arrivera, mais ce qui est sûr, c’est que sans la volonté de devenir champion, on ne devient jamais champion.

Mais vous savez aussi qu’on ne devient pas champion sans investir…

Ce qui est vrai, c’est que les équipes riches et bien gérées vont y arriver. Mais regardez le Real Madrid. Il a dépensé beaucoup d’argent pendant cinq ans en n’arrivant nulle part ( NDLR : sur les cinq dernières saisons, le Real a remporté deux Liga en 2003 et 2007). Par contre, Manchester United est bien géré et, depuis la création de la Premier League, il a raflé 70 % des titres. Mon expérience de la vie me dit que les moyens ne sont pas décisifs. L’intelligence, la volonté, la passion le sont. Dans ma vie commerciale, j’étais toujours beaucoup plus petit que mon concurrent mais par deux fois, celui-ci est venu me trouver pour racheter mes entreprises.

Et comment Charleroi peut-il tenter de décrocher un titre ?

Je veux enfin trouver l’entraîneur idéal pour cet objectif. Et à partir de là, vous verrez que la tâche deviendra beaucoup plus simple.

Vous ne l’avez pas encore trouvé ?

On a toujours trouvé des entraîneurs répondant à la situation existante à un moment donné. Monsieur Mathijssen était parfait pour Charleroi quand il est arrivé. Il a fait exactement ce qu’on voulait qu’il fasse. Il a stabilisé le club, il est un bon entraîneur et a su organiser les choses.

Mais il y a un moment où vous devez être réaliste…

Pourquoi ? Est-ce qu’être réaliste signifie que j’accepte de perdre ? Ou que moi, joueur, je suis inférieur aux autres ? Le football est un sport collectif. Si le collectif est bien huilé, il gomme les différences techniques entre footballeurs qui ne sont pas si grandes entre un joueur de Charleroi et un de Bruges ou d’Anderlecht. On ne se compare pas avec le Real Madrid ou Barcelone !

Mais votre noyau n’est pas celui des autres clubs : par exemple, trouvez-vous normal que quand Christian Leiva se blesse, on utilise Tim Smolders à cette position ?

De combien de récupérateurs avez-vous besoin ? On a Thibaut Detal. Mais on ne pouvait pas supposer, qu’avec un problème de cheville, il serait out pendant 12 mois. Il était quand même international Espoirs.

Vous n’avez pas peur de passer pour un doux rêveur ?

Je préfère passer pour un doux rêveur que pour un défaitiste ou quelqu’un de vite satisfait. Je ne suis jamais tombé dans la morosité. Jamais. Même si tout le monde à Charleroi me dit que c’est impossible !

Georget Bertoncello (Zèbre du siècle, 1959-64 et 67-75) :

 » Comptez-vous transférer Laquait en fin de saison ? »

Cela dépend de ses prétentions financières. Il a 30 ans. Il est au sommet de sa carrière. Il espère avoir le plus grand montant possible mais on ne peut concurrencer Anderlecht, le Standard, Bruges, Genk, la Gantoise, voire même le Germinal Beerschot. Si quelqu’un lui propose un montant qu’on ne peut lui offrir, il doit partir !

Comptez-vous lui proposer un contrat revu à la hausse ?

Non. Nous ne pourrons pas payer plus. Ni ce que nous payons, d’ailleurs. Nous avions déjà fourni un gros effort ! On a agi exactement de la même façon avec Badou Kere. On lui a dit – Si vous avez quelque chose de financièrement plus intéressant qu’ici, signez mais si vous êtes prêt à accepter notre montant, restez chez nous. Maintenant que nous sommes en bonne santé financière, je ne voudrais pas, pour n’importe quel objectif que ce soit, prendre le risque de tomber en ruine.

Autre question de Bertoncello :  » Vous avez été le premier à exploiter le marché français. Chapeau ! Mais maintenant que tout le monde s’y met ? »

On n’a pas visé la France. On a pris des joueurs que l’on pensait capable de réussir.

Les derniers transferts (Jovial, Perbet, Théophile…) n’ont pas constitué des grandes réussites.

Bien sûr. On ne peut avoir des réussites tout le temps. On a vu des joueurs très bons mais quand le prix triple, on dit stop. Regardez les transferts d’Anderlecht ? Combien ont réussi ? Et Bruges, combien a-t-il payé pour Koen Daerden ? Nous, on ne veut prendre que des joueurs jeunes. On ne veut pas des éléments de 27 ans pour simplement avoir de l’expérience…

Mais la semaine passée, dans Sport/Foot Magazine, Laquait regrettait le manque d’expérience du noyau ?

C’est un trait typique de l’être humain. Il cherche toujours une explication en dehors de lui-même. Si vous regardez notre noyau, six ou sept joueurs sont chez nous depuis minimum cinq ans. Steven Defour au Standard, Ronaldo à Manchester… regardez dans le monde entier, les jeunes sont partout. En natation, dans le tennis ! Vous êtes plus fort quand vous êtes jeunes. Physiquement mais aussi mentalement : vous avez l’enthousiasme, la vigueur. Vous êtes prêt pour la bataille.

Mais vous n’avez pas la sagesse, le placement…

En 90 minutes sur le terrain, vous avez besoin de sagesse ? Vous avez besoin de volonté. Si vous avez joué au foot depuis l’âge de 6 ans, quand vous arrivez à 18 ans, avez-vous encore besoin de quelqu’un de 26 ans pour vous placer sur le terrain ? Ce ne sont que des excuses. Je dirais même que l’expérience fait de vous un tricheur : vous savez comment vous cacher à l’entraînement. J’ai assisté à beaucoup d’entraînements : ce ne sont jamais les jeunes qui trichent mais bien les éléments de 28 ans ! Ils savent quand ils peuvent courir moins vite.

Etienne Delangre (coach 2002) :

 » Comment évaluez-vous vos entraîneurs et sur quels critères avez-vous choisi Vande Walle ? »

C’est une très bonne question venant de la part d’Etienne Delangre. J’ai choisi Philippe Vande Walle pour les mêmes raisons qui m’avaient poussé à opter pour Delangre. Ils n’avaient pas d’expérience mais ils ont montré un potentiel. J’ai donné la chance aux jeunes entraîneurs. Ce qui est rare en Belgique. Je choisis mon entraîneur sur : 1. le caractère (la volonté, l’enthousiasme et la passion), 2. l’intelligence, 3. la capacité de transformer l’intelligence en actes. Mais ce dernier point, on ne le connaît jamais à l’avance. Tout le monde peut très bien parler mais ne pas savoir mettre ces mots en pratique.

Vande Walle n’a pas su mettre ses idées en pratique ?

Je n’ai pas pris la décision de me séparer de Philippe Vande Walle. C’est lui qui est venu me dire – Je voudrais arrêter.

Sans cela, serait-il toujours en place ?

Peut-être. Probablement.

Lui redonneriez-vous une chance ?

Pour le moment non puisqu’il n’a pas la volonté de continuer. Il a décidé lui-même qu’il préférait rester entraîneur des gardiens.

Pourquoi avoir pris Thierry Siquet ?

Car je ne voulais pas tout bouleverser en cours de saison. Il n’y avait pas d’entraîneur disponible que je voulais attirer. Je préfère prendre mon temps pour chercher un vrai bon entraîneur et pendant cette période, laisser sa chance à Thierry Siquet.

Comment jugez-vous son travail ?

Je ne peux pas répondre. Il n’est pas en place depuis assez longtemps.

Enzo Scifo (joueur 2000-01, coach 2001-02) :

 » Auriez-vous envie de retravailler avec moi ? »

J’ai beaucoup de sympathie pour lui mais il a beaucoup à apprendre. Dans la gestion, il est un peu innocent. En tout cas, j’espère que c’est de l’innocence et pas autre chose. Je pense que quand on a essayé quelque chose et que cela n’a pas réussi, il ne faut pas retenter le coup. Ou alors, cela doit être exceptionnel.

Aimé Anthuenis (entraîneur 1987-88) :

 » La chaleur de Charleroi a un peu disparu entre joueurs, dirigeants et entraîneur. D’accord ? »

Charleroi est toujours un club très convivial. Nous sommes très proche des joueurs. Posez la question à Cyril Théréau qui est revenu, à Kere, à Laquait, à Sébastien Chabaud. Tous les joueurs qui sont passés par Charleroi gardent des contacts avec nous.

Jean-Jacques Cloquet (joueur 1977-85) :

 » Pensez-vous toujours que le potentiel existe pour créer un club européen ? »

Je ne peux pas dire de dimension européenne. Sauf si nous créons des ressources financières. Au niveau belge, je dirais oui mais je suis déçu que, malgré nos deux cinquièmes places, on n’ait pas augmenté le nombre de spectateurs. Cela me fait dire que les conditions locales ne sont pas adéquates pour avoir une recette intéressante. On doit trouver des spectateurs en dehors de Charleroi. On doit faire davantage d’efforts commerciaux.

Le Cercle Bruges prospecte dans les écoles de la ville…

Bruges est une ville très, très riche. Charleroi est une ville très, très pauvre. C’est difficile de demander à un Carolo de payer plus de 150 ou 200 euros son abonnement.

Robert Waseige (entraîneur 1992-94, 1997-99, 2004) :

 » Etes-vous prêt à investir encore longtemps et quid de l’équilibre financier ? »

Cela fait trois ans que nous avons atteint l’équilibre. Les prêts n’ont rien à voir. On a 15 ans pour rembourser le prêt.

Mais si vous partiez demain ?

Qui dit que je vais partir demain ? Et même si je pars, Charleroi est une SA. Pas une SPRL. Je ne peux pas garantir que, demain, je sois toujours là. Je peux être renversé par une auto. Charleroi est en bonne forme : nous avons plus de recettes que de dépenses, on paie l’intérêt sur notre prêt, on paie le capital de notre prêt. Et malgré cela, on est encore en équilibre. Pourquoi penser que tout cela va disparaître ?

Jacky Mathijssen (entraîneur 2004-07) :

 » En quoi ai-je évolué à Charleroi ? Et en quoi dois-je encore m’améliorer ? »

Il a appris à devenir un peu un rêveur. Et à transformer ce rêve en action pour aller au bout. Par contre, il doit encore avoir plus de confiance en lui pour arriver à une sérénité vis-à-vis des critiques. Quand il parviendra à cette sérénité, il pourra devenir un très bon entraîneur.

Sa réussite actuelle vous surprend ?

Personne n’est champion pour le moment. Je n’accepte pas qu’on parle de réussite. Cela devient plus dur quand un club DOIT gagner. Ce sont les moments les plus durs. Le moment de vérité approche. S’il trouve cette sérénité, il va réussir. Sinon, cela va être difficile.

par stéphane vande velde

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