« Je planche sur ma succession »

Le président du RSCA s’était muré dans le mutisme tout au long d’une saison 2001-2002 difficile. Aujourd’hui, il rompt le silence.

Alors que Bruges et Genk étaient appelés à en découdre avec Barcelone et l’AEK Athènes en Ligue des Champions, la semaine dernière, Anderlecht devait se mesurer aux modestes danois de Midtjylland. De quoi attiser évidemment certains regrets auprès du président du RSCA, Roger Vanden Stock, qui avait vécu ces dernières années quelques soirées mémorables en Ligue des Champions, contre les Manchester United et autres Real Madrid, Lazio et AS Rome.

Roger Vanden Stock: Ce qui m’attriste surtout, c’est que le Sporting a oeuvré entre 2000 et 2002 pour favoriser l’admission d’un deuxième club belge dans cette épreuve et qu’au moment où cette participation était enfin acquise, cette année, il n’en a pas profité en raison de sa troisième place en fin de compétition passée. Je ne jalouse pas, pour autant, ceux qui nous ont succédé dans cette épreuve. Au contraire, je m’érige aujourd’hui en inconditionnel de ces deux formations afin que, de la même manière que nous, elles fassent fructifier le coefficient européen de la Belgique. Dans cette optique, une accession des Bleu et Noir au second tour de la Ligue des Champions serait du pain béni.

Pour Bruges, il n’en constituerait pas moins un cadeau empoisonné. Car la multiplication des matches européens a inévitablement une incidence sur les résultats en championnat, sans compter qu’ils entraînent une focalisation accrue des regards étrangers sur les prestations des joueurs…

C’est le revers de la médaille. Je reste convaincu que si notre parcours en Ligue des Champions 2000-2001 s’était limité à un seul round, seul Jan Koller nous aurait quittés. En lieu et place, nous avions dû faire face aux départs de trois autres éléments: Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier D’Heedene. Ils auront probablement pesé de tout leur poids dans le résultat final que nous avons forgé en championnat au mois de mai passé. Car avec le concours de ce trio-là, une deuxième place, au bas mot, était dans nos cordes. Et si nous avions conservé notre géant, je mets ma main à couper que nous aurions reconduit notre titre. Mais nos joueurs s’étaient à ce point exposés aux yeux des recruteurs qu’il n’y avait hélas pas moyen de les retenir. »Pour retenir Koller, j’avais doublé son salaire. Sans succès »

Hormis Didier Dheedene, tous étaient encore liés au RSCA pour deux saisons au moins. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas exiger tout simplement qu’ils honorent leur bail?

J’ai absolument tout mis en oeuvre pour tenter d’éviter une coupe drastique parmi le onze de base. Pour retenir Jan Koller contre vents et marées, j’ai même doublé les données chiffrées de son contrat. Auparavant, je ne m’étais permis qu’une seule fois cette petite folie: dans le cas de Celestine Babayaro. A l’époque, j’avais dû m’incliner devant Chelsea, qui avait fait miroiter des conditions mirifiques au jeune Nigérian. Et le Borussia Dortmund ne s’y était pas pris différemment avec le Tchèque. A partir d’un certain palier, compte tenu de la réalité financière de notre marché, nous ne sommes tout bonnement plus en mesure de concurrencer les nations fortes du football européen, dont la moitié du budget provient des droits télé. Ce n’est pas un hasard si tous ceux qui nous ont quittés ont rallié la Bundesliga ou la Premier League. S’il persévère sur les théâtres européens, Bruges peut s’attendre à une même sollicitude. D’ailleurs, Peter Van Der Heyden n’est-il pas d’ores et déjà dans le collimateur de West Bromwich Albion? Au risque d’en surprendre plus d’un, je dis et je maintiens que la Ligue des Champions n’enrichit pas forcément les clubs belges. Au contraire, elle les appauvrit. La preuve: avec l’argent récolté pour Jan Koller, nous n’avons pas été en mesure de lui trouver une solution de rechange valable. Et l’absence d’un footballeur de cette trempe s’est immanquablement répercutée sur notre parcours en championnat la saison passée.

L’année prochaine, l’UEFA va supprimer les groupes au deuxième tour de la Ligue des Champions, au profit d’une élimination directe dès les huitièmes de finale. En revanche, elle veut instaurer un système de poules en Coupe de l’UEFA. Ces projets sont-ils plus intéressants pour les clubs belges?

Un compartimentage s’impose de toute façon dans cette compétition car dans sa mouture actuelle, elle fait réellement figure de parent pauvre à côté de la Ligue des Champions. La perspective, pour une formation de chez nous, d’émarger au rang de tête de série, avec l’assurance de disputer trois matches avant d’hériter de l’un ou l’autre ténor, issu de cette épreuve ou de la Ligue des Champions, me paraît en tout cas très intéressante. Personnellement, j’ai plaidé aussi, par le passé, pour que ces rencontres soient agencées le mardi et celles pour la Ligue des Champions le mercredi et le jeudi. Dans les circonstances actuelles, cette dernière compétition polarise actuellement toute l’attention tandis que la Coupe de l’UEFA, fixée le jeudi, passe quelque peu inaperçue, il faut bien l’avouer. A défaut d’avoir obtenu gain de cause quant à la programmation des matches le mardi, tout porte à croire qu’on en arrivera en 2004-2005 à un roulement avec une semaine consacrée aux matches de la Ligue des Champions suivie par une autre semaine centralisée sur la Coupe de l’UEFA. Ce système serait déjà plus valorisant pour nous. Il ne faut quand même pas perdre de vue que sur les huit places à pourvoir en Ligue des Champions, indépendamment des 24 qui concernent les clubs des nations fortes européennes, la Belgique n’aura pas chaque année la chance d’être représentée par deux clubs dans la plus prestigieuse des épreuves européennes. C’est pourquoi la Coupe de l’UEFA conserve toute son importance et son attrait pour nous.

Le paysage footballistique européen changera également suite à l’instauration d’une licence pour les clubs. Une bonne initiative?

Je l’applaudis car elle permettra enfin une régularisation à tous niveaux. Non seulement en Europe mais également en Belgique où certains multiplient les tours de passe-passe pour contourner les difficultés ou fuir la réalité. Il n’est quand même pas logique que l’Union Belge ait accordé son feu vert à Malines sous prétexte qu’il était en ordre de paiement au 31 décembre passé alors que ce même club se débat dans des problèmes financiers inextricables aujourd’hui. Ce que la Commission des Licences de l’URBSFA n’a pas été en mesure de faire, à savoir séparer le bon grain de l’ivraie, l’UEFA doit pouvoir y parvenir. Désolé, mais nous nous situons à un moment charnière pour le moment dans un contexte où les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres plus pauvres. Si nous ne voulons pas basculer, sans espoir de retour, dans le clan des moins nantis, il convient absolument de prendre des mesures drastiques pour rehausser nos valeurs sportives et financières. »Notre jeu s’était effiloché. Aujourd’hui, c’est le retour à l’académisme »

Michel Verschueren était favorable à une Beneliga. En revanche, vous êtes partisan, semble-t-il, d’un dégraissage de notre élite?

Les initiatives visant à regrouper les équipes fortes des compétitions moins huppées n’ont jamais recueilli l’aval de l’UEFA jusqu’à présent. Il en était déjà ainsi pour l’Euroligue, qui visait à regrouper les meilleurs teams d’Ecosse, de Scandinavie, du Benelux et du Portugal, ou encore la Beneliga chère à notre manager. Une troisième idée, émanant récemment des dirigeants du Borussia Dortmund et visant à regrouper les meilleurs représentants de la Ruhr – avec Schalke et Leverkusen entre autres – n’a pas davantage de chances d’aboutir. Dès lors, au même titre que les autres membres du G5 – Bruges, Genk, le Standard et La Gantoise, je préconise un championnat à 14, total déjà des plus appréciables pour un pays géographiquement limité comme le nôtre. De toute façon une réforme s’impose au plus tôt si nous ne voulons pas avoir rang, un jour, de parias du football européen.

L’un de vos adversaires les plus irréductibles, Eddy Wauters, le président de l’Antwerp, s’oppose farouchement à cette idée. Pour lui, son club, qui a battu Anderlecht en championnat cette saison, a sa raison d’être en D1 à l’instar d’autres soi-disant sans-grade comme Mons qui, malgré le plus faible budget de l’élite n’en joue pas moins les giant-killers, cette saison, dans ses installations. Contre le Standard, notamment.

J’ai de la sympathie pour Mons. Mais, pour lui, le plus ardu est à venir. Actuellement, il profite à fond de l’effet de surprise et vit sur un nuage au point d’échafauder le projet d’un nouveau stade et de songer déjà à revoir son budget à la hausse. Qu’en sera-t-il le jour où le stade Tondreau et ses pensionnaires ne feront plus peur et que le club ne disposera plus des mêmes ressources financières? A ce moment-là, plus dure sera la chute, très certainement. Il ne faut pas juger un club sur un coup d’éclat mais sur sa durée et sa viabilité. A cet égard, le Standard, malgré une position au classement peu conforme à son statut, a fait ses preuves.

Que vous inspire la place actuelle de votre Sporting par rapport au leader brugeois?

Le Club poursuit sur sa lancée des dernières années avec un effectif qui a subi peu de modifications d’une campagne à l’autre. Dans ces conditions, il me paraît logique que la mécanique brugeoise soit mieux huilée que la nôtre, où plusieurs retouches ont été apportées à l’intersaison. Anderlecht est en pleine phase de reconstruction. C’était nécessaire car après deux bonnes années sous la conduite d’Aimé Anthuenis, le jeu s’était quelque peu effiloché suite aux départs et aux blessures qui ont décimé l’effectif. Avec le nouvel entraîneur, Hugo Broos, l’idée est d’en revenir à un football plus académique. Jusqu’à présent, en dépit des points perdus, je ne suis pas mécontent de l’évolution générale de l’équipe même si elle peut encore se bonifier de manière sensible. Par rapport à Bruges et à Genk, nous ne témoignons pas encore de la même maîtrise dans le jeu tout au long d’un match, par exemple, et nous éprouvons aussi un peu plus de difficultés à concrétiser nos actions. Malgré tout, une amélioration est perceptible. Les derniers tests physiques en disent d’ailleurs long à ce sujet S’il ne surprendra personne que le meilleur, en matière d’endurance, est Ki-Yeon Seol, le deuxième n’est autre que Gilles De Bilde, qui n’a jamais été aussi fort sur ce plan qu’aujourd’hui. Et, en ce qui concerne l’explosivité, la palme revient, ni plus ni moins, à Nenad Jestrovic, qui se rapproche enfin du niveau qui était le sien à Mouscron. Dès lors, je suis résolument confiant en l’avenir. Aussi bien à court qu’à long terme car au niveau des jeunes la relève n’a jamais été aussi prometteuse. Dennis Calencov et Anatoli Gerk: retenez ces deux noms, parmi d’autres, car vous en entendrez encore souvent parler dans le futur.

Encore faut-il que ces joueurs arrivent en Première. Le dernier produit de l’école de Neerpede à avoir fait son trou à ce niveau est Walter Baseggio en 1996. Depuis lors, plus personne ne s’est manifesté.

Je peux me tromper mais j’ai le sentiment que dans les quelques années à venir, nous puiserons davantage dans notre propre vivier. Certains ont d’ores et déjà prouvé qu’ils avaient un potentiel intéressant, comme Junior ou Lamine Traoré notamment. Pour l’heure, ils sont encore barrés par des éléments plus chevronnés qui affichent une plus grande constance dans leurs prestations. Un jour viendra où ceux-là seront tout à fait prêts à prendre la relève sans affaiblir le niveau de l’équipe. Et ce qui vaut pour eux vaut pour d’autres encore.

Une promesse comme Olivier Deschacht avait mis le nez à la fenêtre la saison passée. Entre-temps, Michal Zewlakow, nouveau venu, l’a délogé du poste de back gauche et le garçon ronge à présent son frein dans les oubliettes. Pourquoi n’envisagez-vous pas, comme d’autres, la possibilité d’une collaboration avec un club satellite, en Belgique ou ailleurs?

Dix fois plutôt qu’une, des clubs comme l’Union ou Strombeek nous ont sollicités en ce sens. Le hic, c’est que la plupart des jeunes talents, chez nous, préfèrent encore se frotter à intervalles réguliers aux éléments de Première, à l’entraînement, plutôt que de jouer sur base de prêt en D3 ou en D2 sous la bannière d’un autre club. La situation serait toutefois différente s’il existait dans notre pays, comme en Espagne par exemple, un véritable système de vases communicants entre un club et sa filiale, à l’image du Real avec le Castilla. Si nos joueurs pouvaient évoluer pour le compte du RSCA en D2, avec possibilité d’être rappelés à tout moment parmi l’élite, c’est sûr qu’ils seraient davantage sensibilisés. L’ancien président de l’URBSFA, Michel D’Hooghe, était d’ailleurs favorable à cette mesure mais il s’est heurté à une levée de boucliers de la part des clubs de D3 et D2 et le projet est resté lettre morte. Vous me direz: pourquoi ne pas chercher une coopération avec un club étranger? Mais un prêt sans option d’achat n’intéresse malheureusement pas grand monde dans le football d’aujourd’hui car les clubs veulent une compensation sous cette forme en échange du talent que d’autres veulent faire fructifier chez eux. Nous ne sommes donc pas près de sortir de l’auberge. »Riquelme n’est pas prêt à venir jouer chez nous »

En attendant, le Sporting dispose d’un noyau pléthorique de 44 pros. De quoi composer quatre équipes de valeur sensiblement égale. La quantité ne prime-t-elle pas la qualité?

Je ne suis pas de cet avis. Même si j’admets que le groupe est trop nombreux. Nous avons essayé d’élaguer l’effectif à l’intersaison mais dans le contexte du football actuel, l’offre est manifestement plus grande que la demande. Une chose est sûre: lors du mercato d’hiver, nous chercherons plutôt à nous séparer d’un élément non prioritaire plutôt que d’engager un nouveau joueur. Sauf si le jeu en vaut vraiment la chandelle.

La piste Vaclav Kolousek est-elle toujours d’actualité en tant que solution de rechange pour Walter Baseggio?

Walter Baseggio est peut-être critiqué dans une certaine presse mais il est indiscutable chez nous. Nous ne mettons pas la pression sur ce joueur, au contraire de certains journalistes qui se plaisent à lui chercher des poux dans la tête. La saison passée, il a éprouvé des difficultés à faire honneur au numéro 10 que je lui avais personnellement attribué. Cette année, il est manifestement en train de franchir un palier. Si quelqu’un s’ajoute, il n’entrera pas en concurrence avec lui en tout cas.

Pour améliorer le noyau, Alain Courtois avait dans l’idée de faire venir au RSCA des éléments faisant office de deuxième voire de troisième garniture dans les grands clubs espagnols ou italiens. Y a-t-il eu l’une ou l’autre approche en ce sens?

Avant son arrivée, déjà, des contacts avaient été établis avec des clubs italiens, comme la Juventus par exemple. Mais nous nous étions heurtés à une fin de non-recevoir de la part de ceux qui nous intéressaient. Alain Courtois avait de bons contacts avec Barcelone et voulait effectivement tâter le terrain. En pure perte, évidemment Croyez-vous vraiment qu’un Riquelme soit prêt à venir jouer en Belgique? Non, bien sûr. Il préfère patienter le temps qu’il faut en Espagne. Les exemples ne foisonnent d’ailleurs pas de joueurs des grandes nations footballistiques qui ont tenté l’aventure chez nous. Hormis les Néerlandais et les Danois il y a des années, nous n’avons jamais su appâter de tels éléments. Je me souviens que mon père avait voulu faire venir le stratège de Cologne Wolfgang Overath. On attend toujours sa réponse 25 ans plus tard.

Vous venez d’évoquer votre père, Président d’Honneur du RSCA. Que répondez-vous à ceux qui disent que le club devient de plus en plus une affaire de famille puisque, outre votre papa et votre cousin, Philippe Collin, votre épouse et vos deux beaux-fils sont repris également dans l’organigramme du club?

L’engagement d’Alain Courtois est quand même une preuve que le Sporting n’est pas le monopole des Vanden Stock. Quoi qu’on en dise, il y a un souci d’ouverture chez nous. D’ailleurs, à près de 60 ans, je planche déjà sur ma succession. Et il n’est pas dit du tout que je céderai le témoin à un membre de la famille. Ce qui importe, avant tout, ce sont les compétences. Et celles-là, précisément, m’auront amené à désigner l’un de mes beaux-fils, Didier Desmet, comme responsable du site internet du club. A raison, sans doute, puisque ce site a été désigné entre-temps comme le meilleur site sportif du pays. Et il ne faut pas croire que tous ceux qui sont liés aux Vanden Stock, au Sporting, bénéficient de privilèges. Au contraire. Moi-même, je n’ai jamais eu besoin d’un chauffeur pour me véhiculer et lorsque je prends l’avion à destination de Barcelone ou Malaga c’est avec Virgin Express, en classe économique!

Alain Courtois sera-t-il remplacé par un autre directeur général ou bien ce poste n’a-t-il pas de raison d’être tant que Michel Verschueren sera au Sporting?

Michel Verschueren, dont le départ n’est pas d’actualité (il reste jusqu’à bon lui semble), nous avait chaudement recommandé Alain Courtois, conscient qu’il n’est pas plus éternel qu’un autre. Aussi, je suis bel et bien à la recherche d’un homme présentant le profil désigné. Mais je m’accorderai le temps qu’il faut pour le désigner.

Bruno Govers

« La Ligue des Champions n’enrichit pas les clubs belges. Au contraire, elle les appauvrit »

« Il ne faut pas juger un club sur un coup d’éclat mais sur sa viabilité »

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