» Je peux regarder tous mes entraîneurs droit dans les yeux « 

Après une longue carrière en Ligue 1, l’ancien gardien de Bastia et de Valenciennes s’est posé à Charleroi.

Il y a des rencontres qui marquent plus que d’autres. Des propos qui sont plus réfléchis. Dans le monde aseptisé du football moderne, ils se raréfient. Parfois, pourtant, des surprises nous attendent au détour d’une interview. Assurément, Nicolas Penneteau, le nouveau gardien français de Charleroi, arrivé par la petite porte malgré ses 411 matches de Ligue 1 au compteur (145 pour Bastia, 266 pour Valenciennes), ses 16 ans de professionnalisme, ses quatorze saisons comme titulaire, en est une bonne, de surprise.  » J’aime exprimer ma vision des choses mais parfois, je préfère qu’on fasse des papiers sur moi avec des témoignages extérieurs car je ne sais pas si je suis toujours en adéquation avec ce qui se dit sur moi « . Avec un recul, une franchise et une honnêteté, il nous a pourtant déballé ses réflexions sur sa carrière, son histoire et sa relation au football et à la Corse. Des propos riches et rares.

On nous a dit que tu étais un vrai Corse. Qu’est-ce que cela signifie ?

Je suis né à Marseille mais je suis parti à 3 ans dans la famille de ma mère, à Porto-Vecchio. C’est là-bas que se situent mes racines et que j’ai pris goût au foot, dans les champs de mon grand-père. Le fait d’être sur une île façonne notre identité. On est fier, on aime prouver au reste de la France qu’on peut vivre sans eux, même s’il faut être fou pour penser qu’on peut être indépendant économiquement. On a malgré tout cette volonté de garder la Corse aux Corses, de préserver notre culture insulaire.

Tu joues pour l’équipe nationale corse. Qu’est-ce que cela représente ?

Même si on n’est pas indépendant, on aimerait un jour jouer des éliminatoires d’une grande compétition, comme Saint-Marin ou les îles Féroé. On a cette envie de développer notre équipe pour cela. Je ne sais pas si cela se traduira un jour mais on y prend vraiment plaisir.

Ce ne fut pas ardu de quitter la Corse ?

Le plus dur a été de me séparer de mes enfants puisque je suis divorcé et qu’ils sont restés en Corse avec leur mère. Pour le reste, j’étais conscient qu’en faisant ce métier-là, je serais un jour amené à partir. J’ai eu la chance de rester en Corse jusqu’à 25 ans et quand j’ai été transféré, je n’ai pas eu de sentiment de déracinement car je sentais que c’était le bon moment pour partir. J’avais envie de découvrir autre chose.

 » Dès que je peux jouer dans le champ, je fonce. C’est mon plaisir. Je m’entraîne à tirer les coups francs, les penalties.  »

Tu n’as pas débuté comme gardien ?

Non, j’ai commencé comme joueur de champ. Et un jour, il manquait un gardien et on a décidé de me mettre dans le but. Cela ne m’a pas trop plu car mon plaisir consistait à marquer, pas à encaisser.

Et comment y as-tu pris goût ?

Quand on est petit, on est attentif aux réactions des parents et je me suis vite aperçu qu’ils applaudissaient quand je faisais un arrêt. Cependant, le côté joueur ne m’a jamais quitté. Petit, mon idole s’appelait Pascal Olmeta. Comme lui, j’aimais prendre le ballon et sortir de mon but.

Pourtant, tu as la réputation d’un gardien sobre…

C’est vrai. Les époques changent. Avant, en France, on avait Olmeta, puis Fabien Barthez mais aujourd’hui, le foot est plus codifié. Les gardiens sont placés dans un cadre. On considère que les gardiens un peu fous ne sont pas des gardiens sur lesquels on peut compter. A Bastia, je traversais tout le terrain pour tirer les penalties. J’ai toujours eu cette volonté de marquer des buts jusqu’à ce que je me rende compte qu’on avait besoin qu’un gardien rassure. Quand j’ai atteint le haut niveau, dans le regard des gens, j’ai vu que le côté offensif de mon jeu jouait davantage contre moi que pour moi. C’est pour cela que je suis rentré dans un moule…

Et cette envie de marquer des buts ?

Je l’ai encore. A l’entraînement, elle me tenaille. Je m’entraîne à tirer les coups francs, les penalties. Dès que je peux jouer dans le champ, je fonce. C’est mon plaisir. Heureusement, le foot moderne a besoin de gardiens qui ont un très bon jeu de pied. Ça, ça va dans mon sens. Ça me réconforte et ça me permet de toucher plus de ballons qu’avant.

Le poste de gardien est-il vraiment un poste à part ?

Je pense que c’est le poste le plus réfléchi car on est tout le temps dans l’analyse, mais aussi le plus complexe car on nous impose de très bien jouer au pied et d’être très performant dans les buts. Le côté psychologique est très important. On est parfois plus fatigué après un match où on n’a pas touché de ballons qu’après une rencontre où on a eu beaucoup de boulot. Et ça, les gens ne le perçoivent pas assez.

 » Quand je signe dans un club, je veux qu’on me parle d’un projet car je veux m’y installer  »

Nous arrivons à une autre particularité de ta carrière : avant Charleroi, tu n’avais connu que deux clubs en 16 ans…

C’est dans mon caractère. Quand je signe dans un club, je veux qu’on me parle d’un projet car je veux m’y investir. Projet sportif mais structurel aussi. Je n’ai jamais pensé à un club comme tremplin vers un ailleurs. A Valenciennes, il y avait un stade en prévision, un centre de formation à faire, toutes des choses qui donnent un but. Moi, je suis fier de contribuer à ce qu’un club se stabilise en D1 et se structure. Quand j’étais dans le Nord, j’ai eu des opportunités d’aller à Toulouse et à Saint-Etienne mais le club désirait me garder. Or, je suis respectueux. Quand j’ai un contrat, je suis content de l’avoir. Donc, il est naturel de prêter attention aux arguments des dirigeants. Quand ils m’ont dit qu’ils avaient besoin de moi, j’ai exprimé mon point de vue et j’ai écouté le leur. Le président est mon patron et je suis respectueux de la hiérarchie. Quand on me dit – Tu ne pars pas, je reste !

Quand tu jettes un regard sur ta carrière, tu vois d’abord une présence de 14 ans en D1 avec plus de 400 matches en L1 ou certains transferts ratés comme ceux du PSG à 19 ans ou de Saint-Etienne ?

Si j’avais dû faire une plus grande carrière, je l’aurais faite ! Car j’ai toujours été titulaire. En jouant, automatiquement, tu as suffisamment d’occasions pour dévoiler tes qualités. Si j’avais montré une plus grande régularité et du très haut niveau, je serais parti dans un plus grand club deux ou trois ans après l’offre du PSG. Je n’ai pas été assez régulier pour prétendre à cette place-là. J’étais assez bon, voire très bon pour le niveau moyen du championnat de France mais pas assez pour la Ligue des Champions.

Le milieu du foot ne nous a pas habitué à une telle lucidité…

Mais c’est la vérité ! J’ai des qualités mais, à chaque fin de saison, je fais un retour sur ma saison et j’essaie d’être assez réaliste. Cela m’aide à progresser. Je suis assez lucide pour savoir qu’à Bastia ou Valenciennes, j’ai fait de très bons matches mais aussi de très mauvais. Ces montagnes russes ne m’ont pas permis de viser plus haut même si elles s’atténuent avec l’âge et les années.

Malgré tout, peu de joueurs encore en activité ont plus de matches de L1 que toi…

Il y avait Landreau mais il a pris sa retraite. Il ne reste que Sylvain Armand (NDLR : ex-Nantes, PSG, aujourd’hui à Rennes). Et je suis fier de cela.

Mais n’est-ce pas étonnant, avec un tel CV, à un âge encore raisonnable pour un gardien (33 ans), de ne pas avoir d’autres offres que Charleroi ?

En France, j’ai été barré par ma saison précédente. J’aurais pu retourner à Bastia mais cela a capoté. Et à l’étranger, j’avais quelques contacts mais il aurait fallu attendre. Et moi, je marche au feeling et cela a directement bien collé avec Mehdi Bayat et les entraîneurs. Quand j’ai découvert les installations, cela m’a rappelé mes débuts à Valenciennes. Que des bons souvenirs !

Avant de venir voir les installations, quelle fut ta réaction lorsqu’on t’a parlé de Charleroi ?

J’ai appelé un ami, Grégory Lorenzi, qui a évolué à Mouscron et Mons. Il m’a parlé du club et du championnat. Il y avait pas mal de paramètres réunis pour que je m’y sente bien, notamment le fait que je puisse continuer à habiter à Valenciennes.

 » Le côté financier a toujours été secondaire dans mes choix  »

Pourtant avec des conditions salariales très éloignées de ce que tu gagnais à Valenciennes…

Oui, c’est vrai. Mais je suis un passionné. Je me lève tous les matins avec la banane pour aller à l’entraînement. Le côté financier a toujours été secondaire dans mes choix. Quand je suis parti de Bastia qui venait de tomber en L2, je suis parti pour un salaire moindre à Valenciennes ! Je ne vais pas faire échouer des négociations pour le côté financier. J’ai toujours privilégié le choix sportif. A Charleroi, j’étais conscient que je gagnerais moins qu’en France mais je savais aussi que j’aurais pu me retrouver au chômage.

Quand tu vois que Valenciennes a connu un début de saison compliqué, que ton remplaçant est retourné sur le banc, ne te dis-tu pas que tu aurais pu rester ?

Le club m’a fait comprendre qu’humainement, je dérangeais. J’étais trop impliqué dans le projet du club. J’aime donner mon avis et discuter. Je prenais finalement trop d’importance dans le club et cela n’a pas plu à certaines personnes.

A Valenciennes, on t’a donné puis repris le brassard de capitaine. Pourquoi ?

On m’a souvent donné le brassard car je suis quelqu’un qui parle beaucoup, une sorte de meneur d’hommes. Par contre, j’ai toujours dit à mes entraîneurs que je n’en avais pas besoin. Je suis fier de le porter mais je n’en fais pas une maladie. Je pense que le brassard, inconsciemment, a joué sur mes performances sportives car je dépassais mes fonctions de simple gardien. Et puis, il y a sans doute un peu de superstition : je suis descendu avec Bastia et Valenciennes alors que j’étais capitaine.

Quels étaient vos rapports avec Ariel Jacobs qui vous a retiré de l’équipe, pour la première fois de votre carrière ?

Humainement, cela s’est très bien passé avec Jacobs. Le souci, c’est qu’on était dans une telle spirale négative que tout le monde, en passant par l’opinion publique, les médias et les dirigeants, pensait que le problème, c’était moi. L’entraîneur a senti cette pression et m’a dit qu’il fallait que je me repose un peu. Malheureusement pour le club, on a vu que le problème était collectif et pas individuel. Ça m’a fait du bien de couper mais après, j’étais prêt à aider l’équipe. Et c’est là que Jacobs n’a pas senti qu’il fallait me remettre alors que nous restions sur sept défaites d’affilée. Cependant, je n’ai jamais réclamé. Une fois relégué, on a échangé et je lui ai dit que j’aurais aimé qu’il me refasse confiance en fin d’exercice. A part cela, j’en garde un très bon souvenir.

Imaginais-tu un jour jouer en Belgique ?

Je voulais découvrir l’étranger, peu importe le pays. A Bastia, j’ai été nourri par les histoires de Benoît Cauet (ex-Inter) et de Christian Karembeu (ex-Real) qui nous ont sensibilisé à l’exigence.

Tu n’as pas craint un enterrement de première classe (un championnat moins huppé, un titulaire indiscutable depuis deux ans) ?

C’était un pari. Et il n’est pas encore gagné ! Mais je voulais prendre du plaisir humainement après deux saisons difficiles à Valenciennes. J’ai dit à l’entraîneur en arrivant que j’étais ambitieux, que j’allais tout donner à l’entraînement mais que je respecterais ses choix en étant à fond derrière Parfait Mandanda s’il était choisi numéro un. Je n’ai plus l’âge de me plaindre auprès de l’entraîneur ; je préfère prouver ma valeur aux entraînements.

Quelle image penses-tu avoir laissée à tes entraîneurs ?

Je sais juste que j’ai pu serrer la main de mes entraîneurs en les regardant droit dans les yeux à la fin de chaque saison. Je peux me regarder dans une glace et me dire que j’ai toujours été droit. ?

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: BELGAIMAGE/KETELS

 » A 19 ans, le PSG me voulait mais je n’ai pas été assez régulier pour prétendre à ce niveau-là.  »

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